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Pollutions

Charbon : dans le Nord, un terril brûle de l’intérieur

Le terril des Argales, dans le Nord, est en autocombustion depuis 15 ans. Récemment, les températures ont augmenté à l'intérieur du cône.

Le terril des Argales (Nord), aménagé en base de loisirs et en espace naturel protégé, accueille les résidus de l’extraction minière. Toujours riche en charbon, il brûle de l’intérieur : sa partie conique est interdite au public.

Rieulay (Nord), correspondance

Un site minier, même ancien, même réaménagé en espace naturel protégé, reste soumis à des risques particuliers. Un nouvel arrêté municipal, le 10 février dernier, est venu le rappeler à Rieulay (Nord). Il interdit à quiconque de se rendre sur le terril des Argales : celui-ci est en autocombustion depuis déjà une quinzaine d’années, sur la partie en forme de cône si caractéristique. Un classique des terrils, ces collines constituées de résidus des houillères, souvent du schiste mélangé à de la poussière de charbon. C’est ce charbon qui se consume, un phénomène naturel de création de chaleur quand il entre en contact avec l’air et l’eau, et s’oxyde.

Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), qui le surveille de près, a fait état d’une augmentation récente de l’activité thermique, avec des températures atteignant 600 °C à trente centimètres de profondeur, ainsi que d’un accroissement du périmètre concerné. « Ce n’est pas la hausse de la température qui nous inquiète tant que cela, car le risque de brûlure serait aussi dangereux à 200 °C », précise Fabrice Quirin, directeur de l’Unité territoriale Nord de l’après-mine. « Ce qui nous a surtout alertés, ce sont les dégagements de gaz sulfurés. » À fortes concentrations, ils peuvent provoquer nausées, étourdissements — jusqu’au coma. Le sous-préfet de Douai, François-Xavier Bieuville, s’est saisi du dossier, et veut sanctuariser la zone. « Un dispositif de protection avait été mis en place au moins depuis 2018, date du premier arrêté, mais comme nous sommes en pays plat, les amateurs de pentes sont très heureux d’en trouver. Certains ont oublié les risques, en réempruntant des sentiers sur le terril », explique-t-il.

Après la fin des mines, le terril a été exploité en partie pour son schiste rouge, utilisé pour le terrassement. Le reste a été empilé, créant un cône, qui brûle aujourd’hui. Établissement public foncier / Hauts-de-France

Ce terril de 144 hectares, le plus grand du Nord-Pas-de-Calais, était entièrement plat à l’origine, résultat du comblement des marais. Après la fin des mines, il a été exploité en partie pour son schiste rouge, utilisé pour le terrassement. Tout ce qui n’était pas intéressant, le schiste noir et les petits bouts de charbon, a été mis sur le côté : un petit terril conique a été créé à côté du grand terril d’origine, plat. C’est ce terril à la forme classique de cône qui brûle de l’intérieur.

Le sous-préfet pointe également des possibilités d’éboulements, la combustion lente créant des cavités, qui peuvent s’ouvrir sous les pieds d’un randonneur. Sans oublier les chutes d’arbres, aux racines brûlées, donc fragiles.

Dans les Hauts-de-France, de nombreux carreaux de mines — les installations de surface nécessaires à l’activité minière souterraine — sont devenus des parcs et des réserves naturelles de biodiversité. Et ce grâce à la renaturation des sites et à la présence de mares et de lacs nés d’effondrements. C’est le cas du site des Argales : l’énorme masse s’est en effet enfoncée et cela a fait remonter la nappe phréatique. Le site, aménagé en base de loisirs par l’EPF (Établissement public foncier) Hauts-de-France, dispose donc d’une plage de sable artificielle. Le paradoxe est là : un lac est né après que les industriels de la mine sont partis, eux qui avaient comblé les zones humides d’origine.

Autocombustion plus fréquente dans les terrils anciens

« C’étaient des marais, qui étaient vus comme ne servant à rien, des terres ni cultivables, ni constructibles », explique Frédéric Kowalski, chargé d’études sur le patrimoine industriel à la Chaîne des terrils, un CPIE (centre permanent d’initiatives pour l’environnement) qui s’est battu pour la préservation de ces sites post-industriels. « On les a comblés avec les résidus de l’extraction minière, principalement des schistes » : les marais, comblés, sont donc devenus le gigantesque terril des Argales. « Mais jusqu’en 1945 les lavoirs à charbon n’étaient pas très performants, poursuit-il, et beaucoup de morceaux de charbon restaient. » D’où une autocombustion plus fréquente dans les terrils anciens.

« Le terril des Argales est connu pour contenir jusqu’à 40 % de charbon »

De plus, précise Frédéric Kowalski, pendant la Seconde Guerre mondiale, les mineurs, souvent des travailleurs forcés faits prisonniers en Russie ou en Ukraine, triaient mal le minerai. Cela leur permettait à la fois de récupérer du charbon sur le terril pour se chauffer, et de gêner la production qui allait à l’effort de guerre allemand. « Le terril des Argales est connu pour contenir jusqu’à 40 % de charbon », note Frédéric Kowalski. Un taux important. Fabrice Quirin le rappelle : « Les gens ne sont pas sur une montagne naturelle, mais sur une montagne artificielle, d’origine industrielle. » Le reste du terril reste parfaitement fréquentable, avec sa plage, et son espace naturel protégé.

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