Climat : Thomas Piketty appelle les Européens à un choix fort

Durée de lecture : 3 minutes
ClimatLes dirigeants des Etats européens se retrouvent jeudi et vendredi à Bruxelles pour décider des objectifs climatique de l’Union. Trois économistes anglais, allemand, et français, avec Thomas Piketty, appellent ces leaders à s’engager nettement dans une économie « à bas carbone ». Publié en anglais à l’initiative d’Avaaz, voici leur texte en français, traduit par Reporterre.
Jeudi et vendredi, les dirigeants des pays de l’Union européenne se retrouvent à Bruxelles. Ils doivent convenir des objectifs énergétiques que l’Europe doit se fixer à l’horizon 2030 pour lutter contre le changement climatique. La Commission a proposé de réduire de 40 % des émissions de gaz à effet de serre, de porter la part des énergies renouvelables à 27 % du bilan énergétique, et d’améliorer de 30 % l’efficacité énergétique (en se référant selon un calcul compliqué à des projections d’évolution économique). Les députés et les assocations écologistes jugent ces objectifs trop bas, et ne représentant pas un net progrès par rapport au Paquet énergie climat adopté en 2008. Mais plusieurs pays renâclent même devant ce qui est sur la table.
C’est dans ce contexte que l’économiste Thomas Piketty, à l’unisson avec deux autres économistes anglais et allemand, Claudia Kemfert de l’Institut allemand pour la recherche économique (DIW) et Cameron Hepburn de l’université d’Oxford, prend position. Dans une lettre ouverte coordonnée par Avaaz, les trois économistes mettent en garde les dirigeants sur les risques de ‘perturbations économiques’ auxquels s’expose l’Europe si elle n’agit pas nettement contre le changement climatique.
Cette lettre est à paraître dans le Financial Times. Voici sa traduction en français, réalisée par Reporterre.
"Les économistes sont habituellement réticents à parler ensemble publiquement d’une seule voix. Aujourd’hui, nous avons choisi de nous unir, et d’appeler les leaders de l’Europe à placer le continent sur un nouveau chemin de croissance.
Jusqu’à présent, nos leaders politiques sont paralysés par un faux choix. Quelques pays refusent de quitter la route à haut degré de carbone, ce qui laisse ouvert le risque d’un changement climatique qui nuirait sévèrement à notre prospérité à long terme. Les dégâts économiques qu ont suivi les inondations à travers l’Europe dans les douze derniers mois sont un présage de ce qui est à venir. Le coût de l’inaction n’est simplement dans l’intérêt stratégique de personne.
D’un autre côté, on trouve ceux qui voit un nouveau chemin d’investissement en bas carbone capable de générer une croissance forte et propre - pas seulement dans le futur, mais maintenant. Dans les quinze prochaines années, des investissements de 90 000 milliards de dollars moderniseront les cités du monde, et les systèmes énergétique et agricole. L’Europe doit se mettre en situation d’engager ces alternatives aux structures basées sur les fossiles et non durables.
C’est une opportunité jamais vue de diriger l’investissement vers une croissance à bas carbone, apportant des bénéfices aux emplois, à la santé, à la productivité des affaires et à la qualité de la vie. Les plus grandes entreprises, les petits investisseurs et une nouvelle génération d’entrepreneurs démontrent déjà comment les marchés peuvent orienter cette croissance à bas carbone. C’est déjà en train d’arriver, mais l’Europe n’est plus en tête.
Nos leaders ont un choix difficile à faire cette semaine. Soit ils cèdent aux intérêts acquis et continuent comme avant. Soit ils se mettent d’accord pour réduire les émissions d’au moins 40 % d’ici à 2030, plaçant l’Europe et le monde sur un chemin permettant de décarboner l’économie et de contenir le réchauffement global à moins de deux degrés.
L’Allemagne, la France et le Royaume-Uni doit conclure un accord qui convienne à tous les membres de l’Union européenne, en soutenant la Pologne et les autres pays du centre et de l’est de l’Europe dans leur sortie du charbon. Nous devons établir un terrain sur lequel l’ambition peut grandir, pas un plafond qui tuerait l’inspiration.
L’accord que conclueront cette semaine les leaders donnera le ton sur la façon dont le monde engagera les négociations pour réduire les émissions de gaz carbonique. Les vingt-huit leaders doivent faire du conseil de cette semaine le tremplin d’où l’Europe conduira le monde vers une situation plus propre. C’est le seul avenir qui ait du sens".