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Quotidien

Climat : un risque sur deux que votre maison se fissure

Le député (Renaissance) du Nord a remis son rapport sur le retrait-gonflement des argiles au gouvernement.

Réchauffement climatique oblige, les maisons se fissurent de plus en plus. Un député de la majorité a rendu un rapport sur ce phénomène de « retrait-gonflement des argiles » et plaide pour plus de prévention.

« Si on attend que les 10 millions de maisons vulnérables se fracassent, on n’arrivera pas à suivre le rythme. » C’est un cri d’alerte que Vincent Ledoux a lancé lors du point presse organisé jeudi 12 octobre à l’Assemblée nationale. Après six mois de travaux, le député (Renaissance) du Nord a remis son rapport sur le « retrait-gonflement des argiles » (RGA) à la Première ministre Élisabeth Borne et au ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. Il y plaide pour une meilleure reconnaissance et un accompagnement plus étroit des sinistrés, et pour un effort de prévention accru.

Retrait-gonflement des argiles, quèsaco ? En période de sécheresse, les sols argileux se rétractent ; quand il pleut, ils gonflent. Des mouvements naturels du terrain qui peuvent avoir des conséquences désastreuses sur le bâti, provoquant fissures et fragilisation de l’édifice. 10,5 millions de maisons individuelles sont exposées à ce risque RGA, soit une maison sur deux. La moitié des maisons concernées se situent dans six départements : le Gers, les Bouches-du-Rhône, le Lot-et-Garonne, les Alpes-de-Haute-Provence, le Tarn et la Haute-Garonne.

Le changement climatique intensifie le phénomène de retrait-gonflement

Lorsqu’un propriétaire découvre une fissure sur son logement, il doit alerter la mairie de sa commune. Cette dernière rassemble tous les signalements de ses administrés et les transmet à la préfecture, qui peut prendre un arrêté de catastrophe naturelle. Dans ce cas, des experts sont mandatés par les compagnies d’assurance pour inspecter les habitations et déterminer si les dégâts sont bien imputables à la sécheresse. Au fur et à mesure que le changement climatique s’intensifie, le coût des sinistres liés au retrait-gonflement des argiles augmente : il est passé de 400 millions d’euros par an en moyenne sur la période 1989-1995 à 1 milliard d’euros par an en moyenne sur la période 2016-2020, selon les chiffres de France Assureurs.

Un nouveau palier a été franchi avec la sécheresse de l’été 2022 : 6 406 communes réparties dans 93 départements, soit 18 % du territoire, ont été reconnues en état de catastrophe naturelle. Le coût des sinistres a été estimé à plus de 3 milliards d’euros – « un record depuis la création du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles », a commenté France Assureurs. Pourtant, l’ampleur du désastre pourrait être sous-estimé. Vincent Ledoux qualifie de « très faible » le bilan de reconnaissance « Cat Nat » pour l’été 2022.

Les fissures causées par la sécheresse sur cette maison dans la Drôme ont été colmatées. © Estelle Pereira / Reporterre

Pour faire face à ce phénomène, le député réclame un statut de victime pour les sinistrés. Car ce « problème de petits propriétaires », comme il le qualifie, peut faire dérailler le cours de l’existence de celles et ceux qui y sont confrontés. « J’ai reçu une personne à l’Assemblée nationale qui a dû louer une deuxième maison tout en continuant de payer les traites pour la première. Elle en est à sa deuxième tentative de suicide », rapporte-t-il. Il continue en évoquant le cas d’un couple habitant « dans une commune base arrière des Jeux olympiques, où tous les gîtes sont occupés, et qui va donc devoir s’installer dans un cabanon dans le jardin le temps des travaux. La femme, âgée de soixante-quinze ans, est en dépression et n’en peut plus ».

« En territoire argileux, il faut être en mode combat »

Il réclame que ces « cas les plus lourds » soient accompagnés socialement dans un délai de six mois. Il préconise aussi une amélioration du régime de catastrophe naturelle appliqué au RGA, notamment l’élargissement des critères et le raccourcissement des délais de reconnaissance de catastrophe naturelle et d’instruction des dossiers.

Surtout, Vincent Ledoux plaide pour une meilleure prévention de ce sinistre. « À ce jour, il n’y a pas de solution miracle pour réparer les maisons. Il y a des remédiations possibles, intrusives, lourdes, qui nécessitent le départ des familles en dehors de leur maison et qui ont un bilan carbone absolument désastreux », rappelle-t-il, évoquant les injections de béton autour des fondations. Selon lui, au moins 100 millions d’euros par an devraient être fléchés dans l’adaptation des habitations aux sécheresses répétées.

Lire aussi : Maisons fissurées par la sécheresse : la victoire des écolos à l’Assemblée

« En territoire argileux, il faut être en mode combat », insiste-t-il, y compris avec des mesures qui pourraient faire grincer des dents les écolos : « J’ai en tête la maison d’un monsieur de soixante-quinze ans, avec un gros saule pleureur au bout de la terrasse, deux cerisiers, une haie végétale devant et une haie végétale derrière. Il trouve son saule sympa pour ombrager son transat l’été, mais il va devoir arbitrer entre ses arbres et ses fissures. » Les racines des arbres pourraient en effet accentuer le phénomène.

Le député espère que ce rapport nourrira une proposition de loi qui ne soit pas « cosmétique ». Quoi qu’il en soit, la mobilisation générale contre le RGA a déjà commencé. En avril dernier, les écologistes avaient déjà réussi à faire adopter leur proposition de loi pour une meilleure indemnisation des dégâts sur les maisons fissurées.

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