Contre l’agro-industrie, écolos et paysans endommagent une mégabassine

Une bassine en Charente-Maritime, le 6 novembre 2021. - © Corentin Fohlen/Reporterre
Une bassine en Charente-Maritime, le 6 novembre 2021. - © Corentin Fohlen/Reporterre
Durée de lecture : 4 minutes
Eau et rivières Luttes Agriculture MégabassinesDans une ambiance chaleureuse, près de 3 000 personnes ont montré, samedi 6 novembre, leur détermination à s’opposer aux projets de retenues d’eau géantes destinées à un petit nombre d’agriculteurs intensifs. Reportage en images.
Mauzé-sur-le-Mignon (Deux-Sèvres), reportage
Environ 3 000 personnes se sont retrouvées samedi 6 novembre à Mauzé-sur-le-Mignon (Deux-Sèvres) pour une nouvelle journée de lutte contre la prolifération des « mégabassines ». Les participants, dont plusieurs associations environnementales, ont répondu à l’appel du collectif Bassines non merci, de la Confédération paysanne et des Soulèvements de la Terre afin de « lutter concrètement contre l’accaparement de l’eau et la destruction d’écosystèmes entiers ». Dans l’ancienne région Poitou-Charentes, 93 « réserves de substitution » sont prévues, dont seize dans le Marais poitevin. Ces réserves d’eau gigantesques — des piscines de 8 à 10 hectares (entre 11 et 14 terrains de football), profondes de 15 mètres — symbolisent pour les opposants un modèle agricole ignorant l’urgence écologique au seul bénéfice de l’agro-industrie.
À midi, le champ de foire de Mauzé-sur-le-Mignon s’est doucement rempli sous un beau soleil d’automne. Les tables du banquet paysan proposé à prix libre ont rapidement été occupées, et l’on sentait déjà, au-delà de la chaleureuse ambiance, la détermination des participants et participantes.

Les prises de parole des associations et collectifs mobilisés se sont succédé pour décrire les multiples travers de ces réserves d’eau géantes appelées « mégabassines » :
- l’accaparement de l’eau — un bien commun — au profit de quelques-uns et pour l’irrigation de l’agriculture intensive ;
- les perturbations en chaine du cycle de l’eau, de l’assèchement de zones humides jusqu’aux incidences directes sur les nappes phréatiques ;
- les conséquences mortifères sur la biodiversité (dont des espèces d’oiseaux déjà en déclin comme l’outarde, l’œdicnème ou le busard, mais aussi des insectes) ;
- les répercussions sur la qualité de l’eau, déjà polluée par les pesticides et les nitrates ;
- le dédain des enjeux environnementaux liés au changement climatique quant à la gestion de l’eau ;
- le financement des travaux par des fonds publics sans l’avis de la population ;
- le mépris de directives européennes et de l’avis récent du tribunal administratif.
Constatant la surdité des pouvoirs publics et l’absence de dialogue, les organisations présentes et les manifestants ont défilé joyeusement dans la commune de Mauzé-sur-le-Mignon afin d’affirmer, à travers des actions symboliques, que la lutte s’installe dans la durée et s’amplifie depuis la naissance du collectif Bassines non merci.

En début de parcours, la commune a été rebaptisée Mauzé-sur-Bassines grâce à une grande banderole déployée sur l’hôtel de ville.

Une halte a été faite dans le lit du Mignon, la rivière dont deux bras à sec traversent la commune.

La veille au soir de la manifestation, un arrêté préfectoral avait interdit tout rassemblement autour des bassines. Mais dans le cadre d’une contre-manifestation, une centaine de militants de la FNSEA, le syndicat agricole majoritaire promoteur des énormes réserves d’eau, ont pourtant pu s’installer sur le site d’une bassine en construction sur présentation d’un simple tract aux forces de l’ordre. L’accueil n’a pas été le même pour les opposants aux mégabassines. Il était prévu que le cortège paysan et écologiste passe devant ce chantier afin de montrer l’ampleur des dégâts liés à la construction de ces réserves. Les opposants ont changé de parcours, laissant seuls les quelques contre-manifestants. Malgré une pluie soutenue de grenades lacrymogènes en pleine nature, ils ont atteint une bassine en état de fonctionnement dans le département voisin de la Charente-Maritime.

La présence policière n’y a rien changé : la mégabassine a été prise d’assaut : son bâchage a été retiré et des arbres ont symboliquement été plantés sur les bords du bassin.

En parallèle, la pompe qui puise dans la nappe a été démontée, une pièce maitresse confisquée, et les vannes ont été ouvertes afin de vider la bassine.


Une soirée festive a clos cette journée forte d’actions symboliques, qui ont conforté les militants dans leur détermination.
Les revendications restent identiques : l’arrêt des constructions des bassines de retenue d’eau et le démantèlement des bassines existantes ; la sanctuarisation et la restauration des zones humides ; une meilleure évaluation des besoins en eau pour chaque usage (domestiques, industriels, agricoles) et un accès équitable à l’eau pour tous les agriculteurs répondant à un cahier des charges précis.

- Regarder le photoreportage de Corentin Fohlen