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Inondations

Des inondations historiques frappent le nord du Brésil

Un glissement de terrain à Recife, au Brésil, le 30 mai 2022, après les pluies torrentielles dans le nord-est du pays.

Des inondations jamais vues ravagent depuis une semaine la ville de Recife. On déplore 91 morts. Les scientifiques attribuent l’événement au changement climatique.

São Paulo (Brésil), correspondance

Surnommée la « Venise brésilienne » pour l’abondance de ses rivières et canaux, la mégalopole de Recife est plongée sous les eaux depuis plus d’une semaine. Dans la nuit de vendredi à samedi, entre 200 et 250 millimètres de précipitations se sont accumulés en à peine douze heures en plusieurs points d’une aire urbaine où vivent 4 millions d’habitants.

Les images de maisons précaires s’effondrant comme des châteaux de cartes, avant d’être emportées par des torrents boueux sous les cris d’effroi des habitants, viennent rappeler un triste constat : la plupart des 91 victimes et 26 disparus résidaient dans des bidonvilles construits à flanc de colline ou en zone marécageuse, comme le tiers de la population.

Pas moins de douze glissements de terrain ont été répertoriés par le gouvernement de l’État du Pernambouc, et la plupart sont survenus samedi 28 mai au petit matin, après une semaine de fortes précipitations et une nuit de pluies torrentielles. Débordées, les autorités ont anticipé la prise de fonctions de 92 nouvelles recrues dans les rangs des pompiers, envoyés dès samedi sur la recherche de dizaines de disparus sous les amas de terre et de débris.

« J’étais submergé de boue jusqu’au front, j’ai essayé de sauver mes grands-parents, mais ma mère a été emportée avec eux », a témoigné à la chaîne de télévision Globo Thiago Estêvão, un jeune apprenti maçon au visage tuméfié. Il est le seul survivant d’une famille habitant le quartier martyr de Jardim Monte Verde, où au moins quatre effondrements ont fait plus de vingt morts. Dans l’État voisin d’Alagoas, les inondations ont fait deux victimes, et plus de 18 000 évacués.

« Des événements extrêmes plus fréquents et plus intenses »

Si l’intensité des précipitations a atteint un niveau historique, l’« onde d’est africaine », qui peut provoquer de fortes pluies sur le littoral du Nordeste brésilien pendant l’hiver austral, est bien connue des météorologues.

« C’est une masse d’air humide venue des côtes d’Afrique de l’Ouest, qui se déplace vers les côtes du Nordeste du Brésil en suivant le courant des alizés, explique Moacyr Araujo, océanographe de l’université fédérale du Pernambouc. Quand elle entre en contact avec la zone connue comme le réservoir d’eaux chaudes de l’océan Atlantique, où les eaux de surface sont supérieures à 28 °C, il se forme d’énormes nuages gonflés de pluie. Ce qui a créé une situation explosive, c’est que les deux phénomènes sont plus intenses depuis une vingtaine de jours. » La même combinaison de facteurs est à l’origine plus au nord de la formation des dépressions tropicales, qui peuvent se transformer en ouragans.

Lundi matin, le président Jair Bolsonaro, en campagne pour une réélection qui s’annonce difficile, a fait un déplacement éclair avec cinq ministres dans le Pernambouc, où quatorze villes ont décrété l’état de calamité publique, dont Recife (1,6 million d’habitants) et cinq villes voisines de plus de 100 000 habitants. Elles rejoignent ainsi la liste des 104 municipalités de cinq États du Brésil frappés tour à tour par des inondations meurtrières depuis décembre dernier, et dont les habitants sinistrés vont obtenir une aide d’urgence équivalente à un peu plus de 1 000 euros. Dans toute l’agglomération, les inondations et coulées de boue ont fait plus de 6 000 sans-abris, accueillis dans 35 centres d’hébergement d’urgence dans toute la ville.

Moacyr Araujo, qui coordonne aussi le réseau de recherche brésilien Clima sur le changement climatique, n’a aucun doute : « Ce qui s’est passé à Recife ces derniers jours est un événement extrême. Cela s’est produit en 2010, en 2019, et encore cette année. Ces épisodes sont de plus en plus fréquents et plus intenses, ce qui est l’une des caractéristiques du changement climatique. »

Selon les travaux publiés par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) en février dernier sur l’effet du réchauffement climatique, le Nordeste est, avec l’Amazonie, la région du Brésil la plus vulnérable, et elle souffre déjà de la désertification à l’intérieur des terres. Cette région pauvre et densément peuplée pourrait être amenée à subir de plus en plus d’événements extrêmes. Et Recife, l’une des plus anciennes villes du Brésil, fondée sur des marécages et dont l’altitude moyenne est de 4 mètres au-dessus de la mer, se trouve en première ligne de la montée des eaux.

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