Dividendes : de grandes entreprises, dont Total, continuent à verser des dividendes massifs

Durée de lecture : 6 minutes
Économie Covid-19Le gouvernement a finalement décidé vendredi 27 mars qu’il n’y aurait pas de prêts garantis par l’Etat ni de report possible de charges fiscales et sociales pour les entreprises distribuant un dividende à leurs actionnaires. Cependant, les PME (petites et moyennes entreprises) pourront verser des dividendes, l’argument étant que ceux-ci sont souvent le mode de rémunération des dirigeants. L’aide au chômage partiel n’est pas concerné par la décision du gouvernement.
Un certain nombre d’entreprises ont du coup déclaré qu’elles ne verseraient pas de dividendes cette année : Nexans, Airbus, Safran, JCDecaux, Auchan Holdings... En revanche, Total a maintenu le paiement de ses "coupons" le 1e avril, soit 1,8 milliard d’euros versés aux actionnaires. L’Oréal et Hermès devraient aussi maintenir leurs dividendes, ainsi que Publicis, Dassault, Altice (la société qui coiffe l’opérateur télécom SFR) [1], Bouygues, et Illiad (société appartenant à Xavier Niel et coiffant l’opérateur télécom Free). Bernard Arnault, dont la holding familiale devrait recevoir 1,6 milliard d’euros a reporté sa décision... au mois de juin.
Cette cacophonie et la position du gouvernement ont suscité une réaction critique de plusieurs ONG et syndicats dans un communiqué commun : « Le compte n’y est toujours pas : les entreprises pourront bénéficier de certaines mesures d’urgence et notamment du dispositif renforcé de chômage partiel tout en continuant de verser des dividendes à leurs actionnaires. Le gouvernement doit l’entendre : il n’est pas acceptable que l’Etat prenne en charge les salaires des entreprises et que celles-ci versent, quoi qu’il en coûte, des dividendes à leurs actionnaires ! La réponse économique ne peut pas socialiser les pertes et privatiser les profits. Ce n’est pas une question de trésorerie, comme l’explique le gouvernement, c’est avant tout une question de justice, de décence, de solidarité nationale. Et au-delà du chômage partiel, la proposition de Bruno Le Maire de conditionner les aides n’est pas dissuasive car les entreprises peuvent continuer à verser des dividendes sans s’exposer à de lourdes peines. Dans le contexte de crise actuelle, les entreprises doivent dédier l’ensemble de leurs moyens à assurer une protection et une rémunération aux salariés, aux fournisseurs et investir dans un modèle plus résilient. »
A propos de Total, Greenpeace a souligné par ailleurs que « le gouvernement doit s’assurer que le pétrolier ne bénéficiera pas non plus des mesures du futur plan de relance déployé pour faire face à la crise économique. Ce plan devra accélérer la transition écologique et la justice sociale – et donc laisser de côté les entreprises climaticides, comme Total. »
- Article du 27 mars 2020
En pleine crise du Covid-19, les entreprises se préparent à verser des dividendes record
Malgré les crises sanitaire et boursière, les entreprises européennes ont commencé à distribuer à leurs actionnaires les quelque 359 milliards d’euros de dividendes — soit 12 milliards de plus que l’an passé — , correspondant aux gains 2019.
En Europe, explique le site Boursorama, la France a tout particulièrement tiré son épingle du jeu avec un volume de dividendes qui a bondi de 12 % par rapport à 2018 ; les actionnaires du CAC 40 se voient actuellement répartir une enveloppe d’environ 60 milliards d’euros.
Sur France Info, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, avait demandé le 24 mars « à toutes les entreprises, notamment les plus grandes, de faire preuve de la plus grande modération sur le versement de dividendes. C’est un moment où tout l’argent doit être employé pour faire tourner les entreprises ». Pour le moment, peu d’entreprises ont annoncé des baisses de dividendes.
Je demande à toutes les entreprises, notamment les plus grandes, de faire preuve de la plus grande modération sur le versement de dividendes. C’est un moment où tout l’argent doit être employé pour faire tourner les entreprises. @franceinfo #COVIDー19
— Bruno Le Maire (@BrunoLeMaire) March 24, 2020
Sur Twitter, le secrétaire national des Verts, Julien Bayou, a alors critiqué l’annonce du ministre, qui intervient après l’adoption d’ordonnances gouvernementales assouplissant le Code du travail : « Mettre sur pied un “état d’urgence sanitaire” qui permet de revenir sur des acquis sociaux comme les congés ou la durée du travail mais ne prévoit rien concernant la distribution de dividendes est révélateur ».
Mais vendredi 27 mars, dans l’après-midi, "Bruno Le Maire a annoncé aux partenaires sociaux qu’il remettrait une proposition au Premier ministre cet après-midi sur l’impossibilité de cumuler les demandes de reports des échéances fiscales et sociales et versement des dividendes", a indiqué l’Élysée.
Cette initiative avait été dévoilée quelques minutes auparavant par Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT. Il avait indiqué à l’AFP que "normalement il devrait y avoir un projet de loi incitatif pour les entreprises qui ont reçu de l’aide et qui ne pourront pas verser de dividendes".
"Dans les entreprises où l’État est actionnaire, on va demander de ne pas verser des dividendes (...), c’est la solidarité", avait auparavant indiqué la ministre du Travail Muriel Pénicaud. Elle avait ajouté lors d’un entretien à Cnews "comprendre la démarche de la CFDT" qui avait appelé mercredi les grands groupes français à ne pas verser de dividendes cette année. Plusieurs grandes entreprises françaises ont déjà renoncé à verser un dividende ou, du moins, réduit le montant initialement prévu.
L’ONG Oxfam a réagi de manière critique, dans un communiqué vendredi après-midi : « De manière très claire et immédiate, le gouvernement doit geler tous les versements de dividendes en 2020, a fortiori pour les entreprises qui bénéficient de fonds publics. Pas besoin de passer par un projet de loi, celui sur l’Urgence sanitaire permet déjà au gouvernement de prendre une ordonnance sur le sujet. La Norvège et la Suède sont en train de le faire pour le secteur bancaire, et la Fédération Bancaire européenne l’encourage. La France ne peut être à contre-courant. Le simple ’report’ des dividendes au mois de septembre 2020 est tout simplement irresponsable dans le contexte actuel. »
- Source : Reporterre avec :
. Communiqué d’un collectif d’ONG
. Greenpeace
. Les Echos du 1 avril 2020
. Le Canard Enchaîné du 1 avril 2020
. Le Revenu
. Boursorama
. L’Express.
- Photo : le quartier d’affaires de La Défense, près de Paris. Wikipedia (Ilya Grigorik/CC BY-SA 3.0)