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Monde

Élections aux États-Unis : les ambitions climatiques de Joe Biden contrariées

Le président Joe Biden à la Maison Blanche (Washington), le 9 novembre 2022.

Le président des États-Unis devrait avoir à composer avec une majorité républicaine à la Chambre des représentants. Le grand plan pour le climat de Joe Biden pourrait être revu à la baisse.

Même si tous les bulletins n’ont pas encore été dépouillés, la Chambre des représentants ne devrait pas échapper aux républicains. Dans les deux prochaines années, sans pouvoir s’appuyer sur une majorité, les démocrates de Joe Biden auront à batailler sur les lois qui décideront des grandes orientations environnementales.

Avant les élections de mi-mandat, l’administration de Joe Biden s’était assurée de passer un texte d’envergure, l’Inflation Reduction Act (IRA). Elle alloue 370 milliards de dollars à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et pourrait les baisser de 40 % d’ici 2030, par rapport à 2005. Pour cela, cette loi omnibus accorde notamment des subventions aux secteurs des voitures électriques et des énergies renouvelables. Son adoption, en août, a été ardue, mais avec le changement probable de couleur de la chambre basse, les prochains mois pourraient constituer le vrai plat de résistance pour la Maison-Blanche.

Plusieurs moyens de contrarier les démocrates

« L’IRA, c’est la législation la plus ambitieuse sur le climat de l’histoire américaine, s’enthousiasme Daniel M. Kammen, professeur en ressources énergétiques à l’université de Californie, à Berkeley. Avec ces renforts en chambre, les républicains ont de quoi la contrarier. » Une majorité républicaine ne pourra pas supprimer une partie de la loi tant que Joe Biden est en fonction. Mais elle aura maintenant les moyens d’affaiblir l’application du texte.

Tout d’abord, ils pourraient tenter de revoir à la baisse le financement de la loi : « Il y aura des luttes quant au budget de l’IRA dans les années à venir, surtout avec une forte inflation. Mais Joe Biden pourra mettre son veto à une baisse », précise le professeur. Les élus républicains, s’ils sont bien majoritaires, pourraient également tenter de réduire le financement d’organismes régulant, par exemple, les fuites de gaz à effet de serre, comme l’Agence de protection de l’environnement (EPA).

Enfin, sans risquer le veto présidentiel, la majorité républicaine pourrait plutôt choisir une solution détournée, en demandant des enquêtes sur les effets de la loi. Ils appelleraient des dirigeants d’agences étatiques à comparaître devant le Congrès, pour retarder la mise en œuvre de son contenu. Le site étasunien Vox raconte qu’il y a douze ans, les républicains ont appliqué cette technique pour contrer la loi de relance après la crise de 2008. Ce choix ne surprendrait pas Ann Bostrom, professeur en politique environnementale à l’université de Washington : « Un changement de l’équilibre des pouvoirs [...] pourrait affaiblir l’IRA, en augmentant les enquêtes et la surveillance des dépenses liées aux énergies propres. » Le sénateur républicain Lindsey Graham a d’ailleurs déjà affirmé que si le Congrès passait républicain, il souhaitait des audiences sur la manière dont le passage aux voitures électriques allait affecter les constructeurs automobiles.

À l’échelle fédérale, les stratégies de nuisance à l’IRA pourraient contrecarrer les plans de l’administration Biden, mais, au niveau des États, les gains républicains vont aussi compter. De nouveaux élus climatosceptiques, comme J.D. Vance dans l’Ohio, font même leur apparition. « Les politiques des États en matière de changement climatique sont cruciales », rappelle Ann Bostrom. Ceux qui ont voté républicains pourraient cependant avoir des scrupules à trop reculer sur les volets de l’IRA qui leur rapportent. « La loi a déjà créé des emplois dans les énergies plus propres, je ne les vois pas tenter de tout faire pour qu’ils disparaissent », dit Daniel M. Kammen.

Que tentera d’obtenir la majorité ?

Des élus républicains au Congrès ont déjà demandé un assouplissement des règles sur l’extraction des énergies fossiles, sous prétexte d’atteindre davantage de souveraineté énergétique. L’American Gas Association, qui roule pour les républicains, s’est activée en coulisses ces derniers jours dans la perspective d’une victoire. Elle conteste notamment un programme fédéral qui encourage l’électrification des foyers — et donc l’abandon du gaz naturel —, avec des subventions pour les ménages à faibles revenus.

Dans une chambre républicaine, des lobbies qui veulent freiner dans le virage vert auront plus de voix au chapitre. Ann Bostrom n’est pas rassurée : « La perspective de ralentir ce qui est déjà perçu comme d’une lenteur inacceptable dans la lutte contre le changement climatique est effrayante. »

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