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Monde

Présidentielle en Argentine : le favori est climatosceptique

Le candidat ultralibéral Javier Milei au meeting de clôture de sa campagne pour les élections présidentielles, à Buenos Aires, en Argentine, le 18 octobre 2023.

Le premier tour de la présidentielle en Argentine a lieu le 22 octobre. Mais, alors que d’immenses incendies ravagent le pays, l’écologie est quasi-absente de la campagne. Pis, un ultralibéral climatosceptique est donné favori.

Buenos Aires, correspondance

Ça chauffe en Argentine, à la veille de l’élection présidentielle du 22 octobre. Elle pourrait voir l’arrivée au pouvoir de l’ultralibéral Javier Milei, négationniste du changement climatique. Alors que des hectares de collines verdoyantes continuaient de brûler dans la province de Cordoba, dans le centre du pays, c’était encore la dégringolade du peso national et le cours du dollar qui monopolisaient l’attention médiatique et populaire à une semaine du scrutin. En septembre, selon les dernières statistiques officielles, le pays affichait 138 % d’inflation interannuelle.

Dans les campagnes, les sécheresses à répétition plombent les récoltes. Les exportations agricoles — en premier lieu de soja à destination du bétail — restent la source numéro un d’entrée de dollars dans le pays. Qui dit sécheresse dit manque de dollars et donc inflation. Pourtant, dans les débats politiques, la balance commerciale semble primer sur le réchauffement climatique.

Le changement climatique, « un mensonge des socialistes »

Les propositions liées à l’environnement, chez les trois principaux candidats au poste de président, sont bien maigres. La principale discorde concerne le respect des accords de Paris. Patricia Bullrich (droite) et Sergio Massa (centre-droit), actuel ministre de l’Économie et candidat du gouvernement sortant, sont d’accord pour suivre cet engagement.

Ce n’est pas le cas du favori, le néolibéral Javier Milei, qui nie systématiquement le changement climatique, quitte à le définir comme « un mensonge des socialistes ». « Milei et Massa ont débattu de sujets environnementaux, analyse le climatologue Julián Monkes. Cela a permis de voir à quoi on devait s’attendre en cas de victoire de Milei : la privatisation des biens communs, notamment des cours d’eau. »

À Cordoba, les feux se sont dangereusement rapprochés des maisons.

« Depuis le retour de la démocratie il y a quarante ans, c’est sans doute l’élection qui laisse la part la plus importante aux problématiques environnementales, nuance le politologue Juan José Martínez Olguín, chercheur au Conicet (le CNRS argentin). Cependant, ce débat est toujours plus diffus que dans les pays les plus développés »

Pourquoi l’Argentine laisse-t-elle une place si réduite aux questions environnementales ? « Contrairement aux pays développés, l’Argentine n’a pas de parti vert, explique Martínez Olguín. Il n’y a pas non plus de parti social-démocrate ou de centre-gauche doté d’un programme écolo. Autrement dit, il n’y a pas de tradition politique sur ce sujet. »

Gaz et lithium

Ces derniers mois, le gouvernement péroniste d’Alberto Fernández a communiqué sur les grands chantiers d’avenir, qui devraient selon lui participer à une amélioration de la situation économique. Parmi eux se trouvent l’exploitation du lithium, dans le nord-ouest, et des ressources de gaz non conventionnel dans les gisements de Vaca Muerta, en Patagonie.

Face à cette contradiction, certains, comme le climatologue Julián Monkes, en appellent à « une écologie non manichéenne ». « S’il s’agit de saccager nos ressources naturelles pour payer la dette, c’est non. En revanche, s’il est question d’obtenir notre souveraineté énergétique, de faire entrer des dollars, tout en préparant la transition écologique, alors là je suis d’accord », poursuit ce professeur d’agronomie de l’Université de Buenos Aires.

« Il a su capitaliser autour de la remise en cause de la vérité scientifique »

Pas sûr que le candidat Milei suive cette préconisation. Élu député fin 2021, à la tête du parti La liberté avance (La libertad avanza, LLA), qu’il a lui-même fondé, Milei a terminé en tête des élections primaires ouvertes [1], en août. Admirateur de l’économiste Milton Friedman, il s’inspire des anciens présidents Donald Trump (États-Unis) et Jair Bolsonaro (Brésil).

Une part importante de la jeunesse argentine, pourtant plus sensible à l’écologie que ses aînés, semble décidée à lui offrir son vote. « Soutenir Milei, c’est avant tout rejeter les élites, parmi lesquelles figurent les scientifiques. Il a su capitaliser autour de la remise en cause de la vérité scientifique, en vogue depuis la pandémie de Covid-19. Le changement climatique fait partie de ces vérités niées par ses votants », dit Martínez Olguín. Entre négationnisme, désintérêt et urgence économique, l’écologie n’est pas au beau fixe à Buenos Aires.

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