Média indépendant, en accès libre pour tous, sans publicité, financé par les dons de ses lecteurs

ReportagePollutions

En Aveyron, l’extension d’une usine de batteries inquiète

En Aveyron, une entreprise veut étendre son activité de retraitement de batteries. Mais les risques d’incendie et de pollution inquiètent les habitants.

Viviez (Aveyron), reportage

« Non au cocktail explosif », « catastrophe industrielle en chantier ». Bardés d’autocollants et avec des pancartes pleines de questions, une trentaine d’habitants se sont réunis samedi 18 février devant la mairie de Viviez, 1 100 habitants, près de Decazeville en Aveyron. À l’appel de l’association locale Adeba, ils protestent contre le projet d’extension de la Société nouvelle d’affinage des métaux (Snam), à l’occasion d’une permanence d’enquête publique.

Implantée sur la commune depuis 1998, la Snam est spécialisée dans le recyclage et la valorisation de batteries et emploie quelque 130 salariés. « On reçoit de tout : téléphones, vélos électriques, trottinettes », explique Frédéric Salin, directeur commercial et marketing de la Snam. Avec l’explosion de l’usage des batteries, l’usine cherche à accroître ses capacités, notamment pour traiter des batteries au lithium, en augmentant son volume de stockage de 1 200 tonnes aujourd’hui à 3 700 d’ici deux ans, et plus de 6 000 tonnes à l’horizon 2028.

Conséquence directe : le classement de l’usine en site Seveso seuil haut. « Plus pour les risques environnementaux que ceux d’explosion », nuance Frédéric Salin. Avec peu d’embauches à la clé : « Une dizaine de personnes pourraient être embauchées, mais ce seront surtout des reclassements et de la sauvegarde. »

Un autre usine contestée

Pour quoi faire ? Traitement, stockage, réusage ? « Ils semblent avoir du mal à dire ce qu’ils veulent faire, j’attends des réponses appropriées, les premières ne m’ont pas satisfaites », estime le maire, Jean-Louis Denoit.

Mais surtout, la Snam envisage son extension à seulement quelques centaines de mètres d’un autre projet, le pôle de valorisation des déchets Solena/Kéréa. Cette installation, qui rassemble un méthaniseur pour les déchets organiques, couplé à un centre de tri, fait l’objet d’une forte contestation locale depuis huit ans, avec un démarrage prévu en 2025, au grand désarroi de Jean-Louis Calmettes, ex-conseiller municipal de Decazeville, membre de la commission de suivi du site Seveso.

Les habitants souhaitent que leur territoire ne soit plus considéré comme une poubelle au prétexte de la désindustrialisation. © Grégoire Souchay/Reporterre

Cet écologiste se bat pour que son territoire, déjà meurtri par les pollutions successives, cesse d’être considéré comme une poubelle au prétexte de la désindustrialisation. Ce projet d’extension de la Snam « c’est tout ce qu’il nous manquait à Viviez », soupire-t-il. Et de rappeler les multiples manquements de la Snam. À ses côtés, Michel Vara, médecin à Decazeville et coprésident d’Adeba, n’en démord pas : « L’enjeu c’est Solena, l’usine de déchets. Même si la Snam prend des précautions drastiques pour éviter qu’un incendie parte de l’intérieur, le problème est au-delà. »

Un cocktail d’usines qui pourrait faire des étincelles

Le risque de feu dans les usines de batteries est loin d’être négligeable, comme l’a rappelé l’exemple récent de Bolloré Logistics à Rouen. En Aveyron, le 11 décembre dernier, un incendie s’est déclaré à l’intérieur d’une semi-remorque transportant des batteries à destination de la Snam.

Il faut aussi compter sur les feux récurrents dans les centres de traitement de déchets, comme à Marseille début 2022 ou près de Rodez, l’été dernier, en raison de la chaleur. Sans oublier les feux de broussailles et forêt qui n’ont pas épargné l’Aveyron lors de la dernière sécheresse estivale, avec 20 hectares partis en fumée à moins de 5 kilomètres de l’usine Snam.

Ces enjeux multiples interrogent les nouveaux venus dans la région. « C’est quand même mal géré tout ce bordel », dit Mélusine, nouvellement venue de la Drôme pour s’installer dans un lieu collectif en Aveyron. Pour elle, l’urgence est « d’arrêter de créer des déchets en amont ».

Dans la mairie, le commissaire-enquêteur Jacques Lefebvre écoute les doléances des habitants inquiets. Sans se positionner, « ce n’est pas [s]on rôle », cet ancien militaire retraité constate que « pour l’heure il n’y a pas de prise en compte de la problématique Solena dans le dossier, car les porteurs du projet estiment qu’il n’y a pas de problématique ». « On ne sait pas toujours ce que fait le voisin, on est focalisé sur notre secteur d’activité », confirme Frédéric Salin de la Snam. Les conclusions de l’enquête publique seront connues en avril.

Alors que les alertes sur le front de l’environnement continuent en ce mois de septembre, nous avons un petit service à vous demander. Nous espérons que les derniers mois de 2023 comporteront de nombreuses avancées pour l’écologie. Quoi qu’il arrive, les journalistes de Reporterre seront là pour vous apporter des informations claires et indépendantes.

Les temps sont difficiles, et nous savons que tout le monde n’a pas la possibilité de payer pour de l’information. Mais nous sommes financés exclusivement par les dons de nos lectrices et lecteurs : nous dépendons de la générosité de celles et ceux qui peuvent se le permettre. Ce soutien vital signifie que des millions de personnes peuvent continuer à s’informer sur le péril environnemental, quelle que soit leur capacité à payer pour cela. Allez-vous nous soutenir cette année ?

Contrairement à beaucoup d’autres, Reporterre n’a pas de propriétaire milliardaire ni d’actionnaires : le média est à but non lucratif. De plus, nous ne diffusons aucune publicité. Ainsi, aucun intérêt financier ne peut influencer notre travail. Être libres de toute ingérence commerciale ou politique nous permet d’enquêter de façon indépendante. Personne ne modifie ce que nous publions, ou ne détourne notre attention de ce qui est le plus important.

Avec votre soutien, nous continuerons à rendre les articles de Reporterre ouverts et gratuits, pour que tout le monde puisse les lire. Ainsi, davantage de personnes peuvent prendre conscience de l’urgence environnementale qui pèse sur la population, et agir. Ensemble, nous pouvons exiger mieux des puissants, et lutter pour la démocratie.

Quel que soit le montant que vous donnez, votre soutien est essentiel pour nous permettre de continuer notre mission d’information pour les années à venir. Si vous le pouvez, choisissez un soutien mensuel, à partir de seulement 1€. Cela prend moins de deux minutes, et vous aurez chaque mois un impact fort en faveur d’un journalisme indépendant dédié à l’écologie. Merci.

Soutenir Reporterre

📨 S’abonner gratuitement aux lettres d’info

Abonnez-vous en moins d'une minute pour recevoir gratuitement par e-mail, au choix tous les jours ou toutes les semaines, une sélection des articles publiés par Reporterre.

S’abonner
Fermer Précedent Suivant

legende