Une usine de batteries au lithium part en fumée près de Rouen

Un entrepôt industriel de Bolloré Logistics abritant des batteries au lithium a pris feu, déclenchant une opération d'urgence, le 16 janvier. - © AFP / Lou Benoist
Un entrepôt industriel de Bolloré Logistics abritant des batteries au lithium a pris feu, déclenchant une opération d'urgence, le 16 janvier. - © AFP / Lou Benoist
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PollutionsAprès l’incendie dans un entrepôt de stockage de batteries au lithium du groupe Bolloré, près de Rouen, les habitants demandent de lever le voile sur les origines et les conséquences de la catastrophe.
Rouen (Seine-Maritime), reportage
C’est un accident qui rappelle amèrement celui de l’usine Lubrizol, en 2019. Ce lundi 16 janvier, un violent incendie s’est déclaré dans un entrepôt abritant 12 000 batteries au lithium pour véhicules électriques, à Grand-Couronne, en périphérie de Rouen. Démarré sur les coups de 16 h 30, le feu est rapidement devenu incontrôlable et s’est propagé à l’ensemble du site du groupe Bolloré, ainsi qu’à deux autres entrepôts adjacents. Jusqu’à 19 heures, plusieurs déflagrations et boules de feu ont ainsi embrasé le ciel nocturne, alimentant un brasier orange visible à plus de 15 kilomètres à la ronde.
Le feu était circonscrit peu avant minuit, selon la préfecture, mais un nouveau départ de feu s’est produit à 3 heures du matin avant d’être à son tour éteint vers 6 heures après l’intervention de 130 pompiers. Un goût de déjà-vu pour les habitants, plus de trois ans après l’incendie de l’usine Lubrizol, où les alarmes n’avaient retenti que cinq heures après le départ du feu. Cette fois-ci, les autorités se sont voulues rassurantes. La population a été informée via des textos envoyés aux personnes inscrites sur la liste « risques industriels et naturels », mise en place par la métropole Rouen-Normandie, avec le message suivant : « Un incendie est en cours dans un entrepôt de stockage de batteries au lithium sur la zone industrielle, boulevard de l’île aux oiseaux. Les secours sont sur place. Évitez le secteur. »
Les sirènes d’alerte « risque majeur » sont quant à elles restées silencieuses, la préfecture n’ayant décrété aucune mesure de confinement. « C’est de manière complètement assumée que nous n’avons pas déclenché les sirènes », a déclaré à France Bleu Normandie le préfet Pierre-André Durand, invoquant les mesures de toxicité du panache réalisées sur place par les pompiers. « Il y en a marre d’être informé par un copain ou une amie qu’on fait face à un gros danger. Il y a les SMS, il y a cette sirène qu’on fait sonner tous les mois. C’est un manque de courage », affirme Simon de Carvalho, président de l’Association des sinistrés de Lubrizol.

Présent mardi après-midi au rassemblement organisé devant la préfecture de Rouen, Simon de Carvalho souligne les parallèles qui sont, selon lui, à faire avec la catastrophe de septembre 2019, quand 10 000 tonnes de produits chimiques étaient parties en fumée. Il réclame une information transparente de la part des autorités et du groupe Bolloré. « Ils ont des obligations, c’est de nous montrer les “fiches produits” pour savoir avec exactitude ce qui a brûlé et nous apporter le rapport des assurances pour savoir précisément comment était protégé le site », a-t-il demandé, devant les dizaines de personnes présentes au rassemblement. Les premiers résultats d’analyses se sont toutefois révélés rassurants, selon la préfecture.
« Des incendies autoalimentés par les produits eux-mêmes »
Dopé par le passage du parc automobile à l’électrique, le marché des batteries lithium-ion est aujourd’hui en pleine croissance. Profitant de cette nouvelle « ruée vers l’or blanc », le groupe Bolloré a su se tailler une place importante au sein du marché. Une réussite pourtant entachée par des accusations de travail des enfants sur le continent africain, touchant des entreprises liées au groupe du magnat breton, notamment dans le secteur des batteries. En France, plusieurs mines extrayant ce métal pourraient également voir le jour dans les prochaines années.
Outre l’extraction du lithium, l’accident de Grand-Couronne montre que l’industrie des batteries soulève d’importants problèmes. Le feu a été d’un genre nouveau. « Ce sont des incendies qui sont autoalimentés par les produits eux-mêmes et qui dégagent un fort potentiel calorifique [la quantité de chaleur que pourrait dégager l’ensemble des matériaux d’un même local lors de sa combustion complète], ce qui nous a amenés à ne pas traiter le sinistre initial pour nous concentrer sur la sauvegarde du site », a déclaré à France Bleu Normandie le colonel Stéphane Gouezec, directeur des sapeurs-pompiers de Seine-Maritime.
La généralisation des batteries lithium-ion soulève d’autres problématiques : elle aurait entraîné une hausse significative des incendies dans les centres de tri des déchets du Canada et des États-Unis, selon l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris), citant une étude canado-étasunienne.
À l’issue du rassemblement du 17 janvier, les organisateurs ont donc annoncé une manifestation pour le lundi 23 janvier.