Séisme : en Turquie, les paysans au secours des sinistrés

Ces agricutleurs bénévoles turcs organisent des caisses de piments avant de les envoyer aux victimes des séismes en Turquie. - © Miriane Demers-Lemay / Reporterre
Avec plus d’un million de déplacés et une économie à l’arrêt, les besoins alimentaires sont criants dans les régions turques dévastées par les récents séismes. Face à la crise, des producteurs locaux s’organisent.
Kumluca (Turquie), reportage
Un homme passe avec sa camionnette, décharge une vingtaine de sacs remplis de longs piments verts, qui sont aussitôt transférés dans des caisses de plastique par des bénévoles. Quelques minutes plus tard, un homme tend un bidon de 20 litres d’huile d’olive et reprend sa route.
Au milieu de centaines de caisses, quelques bénévoles ont établi leur quartier général en plein cœur d’un centre de distribution de légumes destinés à l’exportation, en périphérie de la petite ville turque de Kumluca. Depuis deux semaines, ils font fonctionner ce point de collecte, recueillant les dons des producteurs locaux avant de les envoyer vers Hatay, Kahramanmaraş ou Gaziantep, provinces turques dévastées par les tremblements de terre du 6 février dernier.

« Nous sommes tous humains. Aujourd’hui, ce sont eux qui vivent ce désastre. Demain, cela peut être notre tour », commente Ahmet Çevik, un producteur local, en déchargeant plusieurs sacs de piments de sa camionnette. Nichée entre montagnes et mer sur la côte turquoise de la Turquie, Kumluca compte d’innombrables serres de tomates, piments et fruits tropicaux. Ici, le doux climat méditerranéen permet de faire plusieurs récoltes à l’année. De fait, la région approvisionne les sinistrés en fruits et légumes frais, des denrées rares en saison hivernale.

150 tonnes de nourriture envoyées
« Les fermiers sont tristes, ils font tout ce qu’ils peuvent pour aider, observe Ibrahim Uğur Çakır, président de l’Association des courtiers en fruits et légumes frais de Kumluca Beykonak (Beykomder), qui a pris en main l’envoi de dons de légumes dans ce secteur de la ville. Des gens apportent des sacs ou des caisses de légumes. Une personne a récemment apporté 200 pains. Nous-mêmes avons arrêté de travailler pour pouvoir acheminer cette aide. » Jusqu’à présent, le petit groupe a envoyé six camions remplis de légumes — l’équivalent de 150 tonnes de nourriture, calcule Ibrahim Uğur Çakır.

« J’aurais pu rester déprimée en regardant les nouvelles et les réseaux sociaux à la suite des tremblements de terre, mais depuis que j’ai commencé à être bénévole, je me sens beaucoup mieux », commente de son côté Zeynep Çetinkaya, résidente de Kumluca et bénévole pour l’organisation Kumluca Taraftarlar Derneğin.
Comme tant d’autres dans le pays, la coach professionnelle met la main à la pâte pour organiser la collecte et l’envoi de biens essentiels, comme de la nourriture, des couvertures, des vêtements chauds ou des produits d’hygiène. Au cours des deux dernières semaines, les efforts de diverses organisations de la petite ville ont permis d’envoyer plus de cent camions pleins dans les zones sinistrées, dit-elle avec fierté.

Des besoins alimentaires immédiats
Dans les zones sinistrées, plusieurs soupes populaires ont été établies par des chefs cuisiniers bénévoles et des associations comme la coopérative de Mardin Topraktan Tabağa (Du sol à l’assiette). Dans d’immenses chaudrons, on prépare de la soupe chaude, du riz, des fèves ou du boulgour.

Plus d’un million de personnes ont perdu leur logis à la suite des tremblements de terre, selon les estimations du gouvernement turc. Si des centaines de milliers de personnes ont été recueillies chez des proches ailleurs dans le pays, une grande portion des sinistrés a été relogée dans des dizaines de camps de fortune et de résidences universitaires.
Dans la dizaine de villes turques détruites par le double tremblement de terre, les grues mécaniques s’affairent à démolir les édifices qui menacent de s’effondrer et à nettoyer les débris qui jonchent les rues. Le pays compte encore ses morts : le bilan des victimes dépasse désormais les 45 000 morts. Des dizaines de milliers de personnes restent disparues dans les décombres.
Face à la menace d’une crise humanitaire, la mobilisation paysanne sera-t-elle suffisante ? Les séismes du 6 février ont causé des ravages dans les communautés rurales et les infrastructures agricoles, comme les systèmes d’irrigation et d’entreposage ou les routes. La situation en Syrie est particulièrement préoccupante, selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Pour éviter l’insécurité alimentaire à court et long terme, la FAO appelle à une assistance immédiate pour les fermiers affectés par les tremblements de terre.