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Pesticides

France, Espagne, Italie… L’Europe s’accroche aux pesticides

Les ventes de pesticides sont restées stables en Europe, entre 2011 et 2020, avec 350 000 tonnes écoulées par an.

Un rapport de l’Agence européenne de l’environnement plaide pour une réduction des pesticides. Malgré cela, les pays européens traînent les pieds, notamment la France.

Il faut réduire l’utilisation des pesticides. Cette demande n’émane pas d’une association militant contre ces substances toxiques, mais d’un rapport publié mercredi 26 avril par la très officielle Agence européenne de l’environnement (AEE). Dans son communiqué de presse, cette dernière constate que les ventes de pesticides sont restées stables en Europe entre 2011 et 2020, avec 350 000 tonnes écoulées chaque année.

Elle note que dans 22 % des rivières et lacs d’Europe surveillés, plusieurs pesticides ont été détectés au-dessus des seuils préoccupants. 83 % des sols agricoles testés dans une étude de 2019 contenaient des résidus de pesticides. Enfin, une étude menée entre 2014 et 2021 dans cinq pays européens a révélé au moins deux pesticides présents dans le corps de 84 % des participants à l’enquête, avec des niveaux de contamination systématiquement plus élevés chez les enfants.

L’agence rappelle ainsi que « l’utilisation généralisée de pesticides est une source majeure de pollution contaminant l’eau, le sol et l’air, entraînant une perte de biodiversité et conduisant à la résistance des ravageurs. L’exposition humaine aux pesticides chimiques est liée à des maladies chroniques telles que le cancer et des maladies cardiaques, respiratoires et neurologiques ».

Malgré ce terrible constat, les pays européens peinent à enrayer l’épandage de ces produits sur les cultures. « Pour inverser cette tendance, il reste encore beaucoup à faire en vue d’atteindre les objectifs de l’UE en matière de zéro pollution : à savoir réduire de 50 % l’utilisation des pesticides chimiques et des pesticides les plus dangereux d’ici à 2030 », constate l’agence.

Des États freinent

Ce rapport a réjoui François Veillerette, porte-parole de l’association Générations futures. « Il arrive au bon moment, alors que la Commission européenne souhaite aller vers la réduction des pesticides, mais fait face aux freins de certains États », explique-t-il à Reporterre.

Une vingtaine de pays s’inquiètent en effet de l’impact sanitaire de cette réduction des pesticides, selon le média Contexte. Ils craignent notamment que cela menace leur capacité « à prendre des mesures rapides pour éradiquer les maladies ». En décembre dernier, ils ont demandé à la Commission la réalisation d’une étude d’impact supplémentaire sur cet objectif de réduction. Une demande soutenue par la France. « Cela ne fait que repousser les négociations et perdre du temps », déplore François Veillerette.

La France est le troisième pays européen autorisant le plus grand nombre de pesticides. Pixabay/CC/JillWellington

Le gouvernement français d’Élisabeth Borne n’est pas le plus volontariste. La Première ministre a reçu mardi 25 avril Arnaud Rousseau, le nouveau président de la FNSEA — premier syndicat agricole français —, et lui a promis d’adopter une « nouvelle méthode » dans le cadre du plan Écophyto 3 qui devrait être présenté à l’automne, selon les propos rapportés par Contexte. Ce plan Écophyto est la troisième phase d’une politique de réduction des pesticides lancée en 2008, qui n’a pour le moment pas vraiment porté ses fruits. « Ce nouveau plan n’est pas juridiquement contraignant. C’est seulement basé sur des engagements volontaires de la profession et on sait que cela ne marche jamais », déplore François Veillerette.

« Le gouvernement veut à tout prix faire plaisir à la FNSEA et c’est catastrophique »

Il a également été question de l’interdiction de l’herbicide S-métolachlore par l’Anses. « J’ai compris que c’était le dernier sujet dans les cartons avant son arrivée à Matignon et qu’il y aurait désormais une concertation avant de telles interdictions », a déclaré Arnaud Rousseau.

Négocier avec un syndicat agricole pro-pesticides serait une aberration pour François Veillerette. « Cela signifie qu’on va retirer à l’Anses sa compétence de mise sur le marché. Le gouvernement veut à tout prix faire plaisir à la FNSEA et c’est catastrophique. On ne peut pas négocier un retrait, car il s’agirait d’une décision politique et non d’une décision scientifique »tures.

La France est le troisième pays européen autorisant le plus grand nombre de pesticides, selon une étude de Générations futures. Pourtant, un rapport de l’Inrae, l’organisme français de recherche en agronomie, a démontré qu’une agriculture sans pesticides serait possible. À condition d’activer plusieurs leviers d’action comme la diversification des cultures, la sélection de variétés adaptées, le développement de produits de biocontrôle et de bio-intrants.

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