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Habitat et urbanisme

Il marche pour promouvoir la construction en paille

Les idées reçues sur la construction en paille ont la vie dure. Pour promouvoir ce mode de construction écologique et économique, Kevin Choquert s’est lancé dans une traversée de la France avec une botte de paille sur le dos.

Kevin Choquert est bâtisseur de maisons en paille. Sa marche a commencé le 26 avril 2017 au centre de formation Batipôle, proche de Limoux, dans l’Aude. L’arrivée à Paris est prévue le 13 juillet, au terme de 70 étapes et de 1.600 kilomètres. L’itinéraire est disponible ici.


Comment est né ce projet de traversée de la France ? 

Kevin Choquert — Quand je parlais autour de moi de mon métier de constructeur de maisons en paille, la réaction des gens était toujours la même, ça les faisait sourire. Les clichés sur les maisons en paille sont dus aux idées reçues alimentées par l’histoire des Trois Petits Cochons. Je me suis dit que si les gens ne se renseignaient pas d’eux-mêmes sur la construction en paille, c’était donc à la paille d’aller vers eux !

Et puis, j’adore marcher et faire de nouvelles rencontres toutes plus enrichissantes les unes que les autres. Je vais donc aller à la rencontre des écoles d’architectures, des organismes de formation proposant une « pro-paille », aller sur les chantiers participatifs et dormir dans des maisons en paille à proximité de l’itinéraire. Le but est de communiquer publiquement sur la qualité du matériau, les retours d’expérience, ce qui se fait aujourd’hui et sur le réseau de la construction en paille.


Ce projet s’inscrit dans le cadre de l’association Participaillons. De quoi s’agit-il ?

Participaillons est une association dont le but est de promouvoir la construction de maisons en paille. Via les chantiers participatifs, nous mettons également en avant l’entraide et le partage de connaissances. Ce projet est participatif, chacun d’entre vous peut m’accompagner et porter la botte !

« La paille répond à tous les critères d’une maison passive ! C’est un très bon isolant thermique et acoustique. La botte de paille est accessible localement, naturelle, durable et valorisable. On en dispose en abondance et l’utiliser pour la construction n’aurait pas d’impact sur son usage agricole. »


Pourquoi le matériau paille vous semble-t-il important à mettre en avant ?

Parce qu’il faut que notre système constructif change. La construction en paille est peu mise en avant par les vendeurs de matériaux et les médias, et elle n’est pas utilisée par les grandes entreprises du bâtiment. La paille répond pourtant à tous les critères d’une maison passive ! C’est un très bon isolant thermique et acoustique. La botte de paille est accessible localement, naturelle, durable et valorisable. On en dispose en abondance et l’utiliser pour la construction n’aurait pas d’impact sur son usage agricole. La botte de paille ne consomme quasiment pas d’énergie grise [1], car elle va directement du champ aux murs (après un temps de séchage). D’un point de vue sanitaire, elle ne dégage aucun composé organique volatil (COV). C’est un excellent support d’enduit, permettant de réguler le taux d’humidité et la température grâce à l’inertie qu’elle apporte.


Malgré tous ces atouts, la construction en paille se heurte à de nombreuses idées reçues... Votre marche a aussi pour but de donner une autre image et d’agir sur la « culture » ?

C’est le sens même de la marche : aller à l’encontre des idées reçues ! Par exemple, la grande crainte des gens, c’est le feu… Il faut juste comprendre que la botte de paille est tellement compressée qu’il est extrêmement difficile pour le feu de se propager, à cause du manque d’oxygène.

Idem pour les rongeurs : si la paille est bien protégée par des enduits ou un parement adéquat (bois, panneaux, plaques, etc.) aucune intrusion n’est possible. De plus, la densité de celle-ci rend beaucoup plus difficile la construction de galeries par rapport à un isolant classique. La paille ne les attire pas d’un point de vue alimentaire, car elle est dépourvue de graines.

Le véritable ennemi de la paille, c’est l’eau. Cette question se règle simplement par un bon stockage des bottes avant la construction : à l’abri de la pluie, bien sûr, sans contact direct avec le sol et avec une bonne ventilation. Attention ensuite aux malfaçons au moment de la mise en œuvre  : il faut empêcher les remontées capillaires [2], assurer une bonne étanchéité à l’eau tout en permettant la circulation de la vapeur d’eau… D’où l’intérêt d’être accompagné par des personnes compétentes.


Et, au plan économique, ce type de construction est-il accessible ?

C’est encore un point fort de la construction en paille : elle se prête à l’autoconstruction, ce qui limite les coûts. La main-d’œuvre nécessaire est importante, d’où l’intérêt de chantiers participatifs.
On me demande souvent le prix au m² d’une construction de maison en paille, en comparaison avec une maison dite « conventionnelle ». Je ne peux malheureusement pas répondre précisément, car cela dépend de nombreux critères : la technique utilisée, la complexité de la conception, la part d’autoconstruction, les types de parements, de finitions… Ce qui est sûr, c’est qu’une botte de paille vaut entre 2 et 5 € et qu’on utilise en moyenne 400 bottes de paille pour une maison simple. Donc, le budget en matériaux d’isolation est entre 800 et 2.000 €. Cependant, l’isolant est loin d’être le premier poste de dépense dans une construction. Et je ne parle pas des économies d’énergie réalisées à court terme grâce à une maison « passive » : très peu de chauffage et pas de climatisation pour un très bon niveau de confort.


Quels sont les réseaux ou les lieux auxquels s’adresser si l’on est intéressé par la construction en paille ?

Le Réseau français de la construction paille (RFCP), indépendant, est à l’origine des « règles professionnelles de la construction paille ». Il est composé d’architectes, d’artisans, de thermiciens, d’ingénieurs, d’agriculteurs… Pour se former, il y a beaucoup d’organismes qui proposent la formation appelée « pro-paille ». Ils sont référencés sur le site du RFCP. Il y a également le Centre national de la construction paille (CNCP).


Pour certain-es, la meilleure façon d’apprendre c’est la pratique. Pour ceci, les chantiers participatifs restent la meilleure des écoles. Grâce notamment à l’association Botmobil, qui propose des chantiers participatifs encadrés par des professionnel(le)s. Et au réseau d’habitat écologique Twiza, qui met à jour et à disposition des petites annonces de chantiers participatifs en France.


La construction en paille est-elle réservée aux régions froides ?

Non, un isolant est un matériau qui s’oppose aux transferts de chaleur. Il évite donc à la chaleur créée pour chauffer le bâtiment de s’échapper vers l’extérieur. Et inversement, dans les régions chaudes, il permet de conserver la fraîcheur de la nuit à l’intérieur pour améliorer le confort thermique. L’utilisation d’enduits avec les bottes de paille permet d’augmenter l’inertie du bâtiment, ce qui permet d’y assurer un confort thermique et d’y réguler l’humidité.

  • Propos recueillis par Guillaume Gamblin

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