Inondations : en Italie, les vergers noyés et les récoltes perdues

Un agriculteur devant ses pommiers inondés, dans le village de Reda. L'Émilie-Romagne est l'une des premières régions agricoles de l'Italie. - © Andreas Solaro / AFP
Un agriculteur devant ses pommiers inondés, dans le village de Reda. L'Émilie-Romagne est l'une des premières régions agricoles de l'Italie. - © Andreas Solaro / AFP
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Dans le nord de l’Italie, dix millions d’arbres fruitiers risquent de devoir être abattus à cause de foudroyantes inondations. Un coup dur pour l’Émilie-Romagne, surnommée « le jardin de l’Italie ».
Lugo (Italie), reportage
À Lugo, à l’est de Bologne, l’exploitation agricole de Davide Bacchegia s’est retrouvée complètement sous les eaux pendant une semaine. L’eau vient de se retirer mais « la situation est terrible. Le blé, le maïs... j’ai tout perdu », lâche l’agriculteur. Le 16 mai, durant trente-six heures, des pluies diluviennes se sont abattues sur une partie de l’Émilie-Romagne, dans le nord de l’Italie. Une région déjà frappée par des inondations deux semaines plus tôt. Au total, 500 millimètres de pluie — soit un demi-mètre — sont tombés depuis début mai. Cela correspond à la moitié des précipitations annuelles moyennes. Résultat : une vingtaine de fleuves ont débordé, inondé une quarantaine de communes et provoqué la mort de quatorze personnes. Lundi, 26 000 habitants ne pouvaient toujours pas rentrer chez eux.
Sur les 300 hectares de Davide Bacchegia, la moitié est occupée par les vignes et l’autre est consacrée aux céréales qui nourrissent ses 2 600 porcs. Il a réussi à les sauver de justesse en les transférant en urgence dans une ferme à quinze kilomètres de là. Un soulagement de courte durée : les pluies ont emporté leur nourriture, donc « les dernières réserves nous permettent de tenir encore un jour et demi. Ensuite, il faudra trouver une solution », s’inquiète-t-il.
400 000 tonnes de blé perdues
Selon l’association d’agriculteurs Coldiretti, jusqu’à 250 000 bovins, porcs, chèvres et moutons seraient concernés par les mêmes difficultés. « C’est une course contre la montre », dit Nicolo Servadei, président de Confagricoltura, un autre groupe d’agriculteurs à Ravenne. « On s’organise pour faire venir des camions de zones limitrophes avec les biens de première nécessité pour les animaux », explique-t-il. Une opération délicate car 622 routes ont été fermées, notamment à cause des glissements de terrain provoqués par les pluies. Plus de 300 ont d’ailleurs déjà été recensés.
Difficile, pour l’instant, de quantifier précisément les dégâts. Mais dans l’une des premières régions agricoles du pays, on s’attend au pire. Coldiretti parle déjà de 400 000 tonnes de blé perdues. « En Émilie-Romagne, la production brute vendable couvre environ un milliard d’euros en moyenne. Et on sait déjà que la récolte de cette année est fichue », souligne Nicolo Servadei.
Lui est propriétaire d’une entreprise agricole à 30 kilomètres de Lugo. Comme beaucoup dans la région, il consacre la plupart de ses terres à la production de fruits : abricots, nectarines, pêches, poires... Avec 50 000 hectares d’arbres fruitiers, l’Émilie-Romagne « est le jardin de l’Italie », note-t-il. Au-delà de la perte de la récolte de cette année, Nicolo Servadei s’inquiète surtout pour le long terme.
L’eau est montée jusqu’à 2,5 mètres
Sur plus de 100 000 hectares de champs inondés, certains volontairement pour sauver les villes, l’eau est montée jusqu’à 2,5 mètres et a mis plusieurs jours à se retirer, laissant place à la boue. Les racines des arbres ont été asphyxiées, jusqu’au pourrissement. Dix millions d’arbres risquent de devoir être abattus, selon Confagricoltura, « et devront être replantés par ceux qui en auront la force », commente Nicolo Servadei.
De fait, planter un hectare d’arbres fruitiers et lancer sa production coûte jusqu’à 50 000 euros, précise Alessandra Furlani, ingénieure agronome à Bologne. Il faut attendre entre quatre et cinq ans avant les premières récoltes : difficile pour les plus âgés d’avoir un tel horizon économique, continue l’ingénieure. Seulement 4,4 % des entreprises sont gérées par des jeunes de moins de 35 ans. Près de 50 000 emplois sont menacés, selon Coldiretti. « Cela va transformer le paysage et l’économie fruiticole de la région qui étaient déjà en train de se modifier avec le changement climatique », conclut Alessandra Furlani.