Interdiction des jets privés : les Verts relancent la bataille

Une proposition de loi d'EELV vise à interdire les jets privés. - Flickr/CC BY-NC 2.0/Eric Prado
Une proposition de loi d'EELV vise à interdire les jets privés. - Flickr/CC BY-NC 2.0/Eric Prado
Durée de lecture : 4 minutes
TransportsInterdire les jets privés, c’est le but d’une proposition de loi débattue en commission par les députés le 28 mars. « Certaines pratiques des riches ne sont pas acceptables », explique une députée EELV.
Mardi 28 mars au soir, la commission du développement durable de l’Assemblée nationale examinera la proposition de loi pour interdire les jets privés. Portée par Julien Bayou, elle est présentée par les députés écologistes, dans le cadre de leur niche parlementaire. La députée Europe Écologie-Les Verts (EELV) de Haute-Garonne Christine Arrighi, cheffe de file sur cette proposition de loi, défend un texte de justice sociale.
Reporterre — Vous avez fait le choix de viser les jets privés, un transport utilisé notamment par les plus fortunés. Est-ce une mesure symbolique ?
Christine Arrighi — C’est le symbole à la fois de la pollution et de l’inutilité de ce moyen de transport, réservé à une classe de personnes que nous considérons en sécession par rapport au reste de la population. Tandis que l’on demande des efforts à celles et ceux qui utilisent des véhicules thermiques polluants, notamment avec la mise en place des zones à faibles émissions, d’autres se permettent de nous survoler et d’avoir des émissions de CO₂ qui sont incompatibles avec les constats que fait le Giec [1] sur le réchauffement climatique.
C’est une question d’exemplarité et de justice sociale. Ce n’est pas une chasse aux riches que nous faisons. Mais nous ne voulons ni de la fin du mois, ni de la fin du monde. Alors, nous plaidons pour la taxation des superprofits afin d’aider ceux qui ont des difficultés de fin de mois, ce qu’a refusé le gouvernement. Et nous demandons à ce que les riches prennent conscience de leurs émissions de CO₂ et reviennent sur des pratiques qui ne sont pas acceptables. Un seul vol en jet privé, c’est la consommation énergétique d’un Français moyen pour ses déplacements pendant toute une année.
« Pendant les vacances d’été, on fait beaucoup plus d’affaires en jets privés à Saint-Tropez »
Vous contestez le fait que ces vols soient avant tout professionnels et dénoncez des « caprices » de privilégiés. Ces déplacements pourraient-ils être réalisés autrement ?
Les compagnies qui gèrent ce type de vols d’aviation d’affaires nous disent que seuls 20 % des vols sont privés, et que 80 % sont d’usage professionnel. Mais quand on voit les trajectoires de certains jets privés, on s’interroge véritablement. Par exemple pendant les vacances d’hiver, on fait comme par hasard beaucoup d’affaires dans les Alpes, tandis que pendant les vacances d’été, on fait beaucoup plus d’affaires à Saint-Tropez. Nous avons une infographie qui montre qu’à l’issue du Super Bowl, aux États-Unis, de très nombreux avions ont décollé.
La plupart du temps, ces vols en jets privés pourraient être remplacés par des voyages sur des avions commerciaux classiques, qui sont déjà moins polluants, ou par une liaison ferroviaire.
Selon les chiffres que vous mettez en avant, la location de jets privés a presque doublé depuis 2019. Comment expliquez-vous cette augmentation ?
Les opérateurs nous ont expliqué qu’il y a eu une explosion de la demande au moment du Covid-19, due à la peur de partager l’habitacle commun avec d’autres. Cela a manifestement créé des habitudes. Mais l’augmentation tient aussi à celle des patrimoines, en lien avec la forte hausse des superprofits. Le jet privé montre donc en quoi le capitalisme se développe au détriment à la fois de la planète et du plus grand nombre.
Le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu estime que les jets privés ne représentent que 0,1 % des émissions nationales de CO₂. Votre proposition de loi peut-elle vraiment avoir une conséquence positive pour le climat ?
La question ne se pose pas en ces termes-là. Chaque mobilité représente une part de production de CO₂. On est sans arrêt en train de nous opposer que tel mode de déplacement est moins polluant que l’autre. Nous avons une démarche systémique. J’ai déposé au moment de la loi de finances des dizaines d’amendements pour développer le ferroviaire, le fret fluvial et les modes de déplacement doux. Ce n’est pas une mesure isolée que nous proposons, elle s’inscrit dans un plus grand ensemble, les transports représentent 31 % des émissions de gaz à effet de serre.
Vous avez peu de chance de réunir une majorité à l’Assemblée nationale et au Sénat pour faire adopter votre proposition de loi. Qu’espérez-vous des discussions ?
Ce texte crée beaucoup d’opposition, mais aussi beaucoup de débats. Cela permet de parler de l’absence de taxation du kérosène, qui fait de l’avion un transport qui n’est pas traité à égalité avec d’autres modes. D’évoquer le fait que la loi Énergie Climat interdit les vols quand une alternative de moins de 2 h 30 existe, mais qu’elle ne touchera pas les avions d’affaires et les jets privés. Et nous voulons aussi que notre proposition interpelle au niveau européen.