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Énergie

Isolation, chaudières... Les nouvelles aides ne nous réchaufferont pas

Rénovation à Longueau (Somme), en 2018.

Le service public de la rénovation des logements a (encore) un nouveau nom : « France Rénov’ ». Il souhaite rendre plus claires les aides disponibles et mieux accompagner les usagers. Mais il reste très loin des moyens nécessaires à une véritable politique écologique et sociale.

« France Rénov’, bonjour. » Fidèle à sa politique de naming start-up compatible (renommage), le gouvernement a entériné ce 1er janvier 2022 le changement de nom du service public de la rénovation des logements. Une manière d’éclaircir le maquis des aides à la rénovation, dont tous les acteurs du secteur s’accordaient à dire qu’il était peu lisible jusqu’ici. L’arrivée des aides ciblées MaPrimeRénov’, cette fois destinées à tous, et depuis le 1er juillet même aux propriétaires bailleurs, avait paradoxalement ajouté un cran supplémentaire de complexité.

Pour les ménages modestes, qui vivent notamment dans des passoires énergétiques, l’accompagnement Habiter Mieux Sérénité, de l’Agence nationale de l’habitat, est donc rebaptisé MaPrimeRénov’ Sérénité. Les conditions de cette aide, elles, ne changent pas : financement à hauteur de 50 % sur un le montant (HT) des travaux sur une enveloppe de 30 000 euros maximum. S’y ajoutent toujours deux bonus de 1 500 euros chacun : l’un pour les logements qui sortent de classement en passoire énergétique (passage de l’étiquette F ou G à E), l’autre pour les logements devenus basse consommation (étiquette A ou B). Ce n’est qu’au 1er juillet prochain que les bénéficiaires de MaPrimeRénov’ Sérénité pourront cumuler cette subvention publique avec les « coups de pouce » des certificats d’économie d’énergie (CEE).

Comme Reporterre l’expliquait à l’automne 2020, une part importante des financements pour la rénovation énergétique provient des producteurs privés d’énergie qui versent des « bons » en contrepartie de leurs émissions de gaz à effet de serre. Flairant le filon, ces « primes CEE » avaient été massivement détournées pour des offres parfois frauduleuses « à 1 euro ». L’alerte des associations de consommateurs a conduit le gouvernement à encadrer ces offres et interdire les plus frauduleuses d’entre elles depuis le 1er juillet dernier.

« Des annonces cosmétiques »

Créer des aides plus lisibles c’est bien, encore faut-il y avoir accès. Bienvenue donc aux « Espaces Conseils France Rénov’ », qui agrègent en fait les anciens conseillers FAIRE et les points Rénovation Info Service existants. Le service public se décline désormais plus clairement en une plateforme internet, un numéro unique (0 808 800 700) et 450 guichets répartis sur le territoire. Aspect jusqu’ici lacunaire de la politique du logement, les « Accompagnateurs Rénov’ » pourront fournir un suivi « de bout en bout » sur les projets de rénovation, en « relevant le niveau d’ambition et de qualité » promet le ministère du Logement, les rénovations étant jusqu’ici, dans leur grande majorité, limitées à un acte isolé (changer une chaudière, des fenêtres, etc.). Concrètement, les personnes souhaitant réaliser des travaux de rénovation devront s’adresser à la plateforme (internet ou téléphonique) qui les orientera vers le guichet de leur zone géographique et un conseiller.

Pour l’heure limité aux agents du service public, cet accompagnement doit, selon le ministère s’ouvrir début 2023 à d’autres acteurs, dans des conditions qui seront précisées par un décret au premier semestre 2022. Et c’est là un vrai point de vigilance pour les associations, qui craignent que des structures publiques ou à but non lucratif soient mises en concurrence avec certaines entreprises privées qui peuvent être intéressées par certaines technologies (chaudière à gaz, pompe à chaleur). « On a des craintes sur les conditions d’indépendance et de neutralité de ces nouveaux acteurs », souligne Isabelle Gasquet, responsable de projet efficacité énergétique au Réseau pour la transition énergétique (Cler).

Pour elle, cette réforme apporte « peu de changement de fond » et « surtout des annonces cosmétiques ». Car la part des rénovations globales (de toute la maison, plus efficaces) reste actuellement ridicule en comparaison des millions de gestes de rénovation financés l’an dernier. On connaîtra le 23 janvier les chiffres définitifs pour 2021, mais l’ordre de grandeur des rénovations performantes reste autour de 70 000 logements par an, là où il serait nécessaire d’en rénover près de 500 000 chaque année d’ici 2025 et alors que le rapport sur le mal-logement de la Fondation Abbé Pierre s’annonce particulièrement alarmant pour 2021.

Une maigre avancée concerne le reste à charge des travaux de rénovation : le « prêt avance rénovation ». Un dispositif appuyé par des fonds de garantie publics pour un prêt de 10 000 euros, mais qui sera remboursé au moment de la cession du bien immobilier ou d’une succession. Au lendemain du lancement de France Rénov’, Emmanuelle Wargon, ministre déléguée chargée du Logement, annonçait que ce « prêt avance rénovation » sera proposé dès début 2022 par le Crédit Mutuel et la Banque postale, les négociations étant toujours en cours avec le Crédit agricole et le groupe Banque populaire — Caisse d’Épargne.

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