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Énergie

« J’ai appris à fabriquer une éolienne. Enfin, presque... »

Une semaine pour apprendre à construire une éolienne Piggott. C’est l’objectif que se fixe l’association Tripalium à chacun de ses stages, où elle forme des novices à l’auto-construction de cette source d’énergie. Notre reporter a été manier le rabot et la ponceuse.


Cinq jours, neuf stagiaires, deux formateurs, et du matériel récupéré en grande partie. Voilà ce qu’il faut pour construire une éolienne Piggott. En juin, l’association Tripalium a organisé un stage d’auto-construction d’éoliennes au Jardin d’Alice dans le 12e arrondissement de Paris. Fondée en 2007, l’association organise régulièrement des stages partout en France afin de former initiés et novices à la construction de ces éoliennes particulières, car faciles d’accès.

L’éolienne Piggott est un type d’éolienne légère conçue par Hugh Piggott, un autodidacte écossais, il y a quarante ans. Sa puissance va de 200 à 2 000 watts selon la taille de l’hélice. Elle a l’avantage d’être robuste et à la portée de quiconque, tout en produisant de l’électricité en quantité raisonnable. « Tu n’as pas besoin d’être bon en électricité pour fabriquer des éoliennes », explique Laurent, un des deux formateurs du stage.

Sculpter du bois, le poncer, souder, scier… Le stage pousse à manipuler des matériaux bruts et à les travailler. Ce qui peut exiger beaucoup de patience. Rozenn, qui a participé au stage, a mis un jour et demi pour fabriquer sa pale en bois. Un résultat dont elle est fière à la fin, mais qui lui a demandé de la persévérance et un travail d’équipe. Elle en rit : « Heureusement qu’on est dix, parce qu’on n’est pas près de l’avoir terminée, l’éolienne, si on ne compte que sur les débutants ». Les niveaux hétérogènes apportent une bonne dynamique au groupe. Ce qui explique qu’une semaine « est largement suffisante pour terminer l’éolienne », selon Thomas Plassard, le formateur qui encadre le stage.

Une éolienne prototype et accessible

Pour ce stage, c’est un nouveau modèle d’éolienne Piggott que les stagiaires réalisent. Une machine imaginée pour pouvoir être installée sur un endroit moins stable, ou moins exposé au vent, comme en ville par exemple. « C’est un prototype, explique Thomas Plassard, une éolienne plus petite et plus souple, avec plus de pales » pour produire de l’énergie avec moins de vent.

Ils la conçoivent dans sa totalité : les pales, le mât, le mécanisme, mais aussi les outils nécessaires pour fabriquer certains éléments. Trois groupes s’organisent donc presque spontanément : plusieurs personnes travaillent les pales, d’autres le mât et les derniers s’occupent du mécanisme de l’éolienne, qui nécessite un peu plus de matériel. Par exemple, pour créer le champ magnétique qui produira de l’électricité, la machine a besoin de quatre bobines de cuivre à l’intérieur du stator (la partie stable derrière l’hélice). Il est assez rare d’avoir un bobineur chez soi, mais qu’à cela ne tienne, il suffit d’en fabriquer. Un caddie, un peu de bois et quelques pièces de métal et le tour est joué. Même chose pour le moule permettant de fixer le mécanisme avec de la résine : il suffit de travailler le bois pour en fabriquer un.

Chaque stagiaire manipule ainsi les différents outils lors de la conception de ces machines. Construire le bobineur a permis de travailler à la fois le bois et le métal, une façon d’aider les débutants à prendre en assurance dans la manipulation des outils avant de s’y mettre sérieusement sur l’éolienne. Un fonctionnement apparemment efficace, pour Bérengère : « Je ne suis pas bricoleuse, je connais juste deux-trois trucs. » Cette jeune couturière fabrique des costumes pour le théâtre. Elle reconnaît avoir besoin de s’entraîner : « J’aime bien apprendre et savoir faire. C’est toujours utile d’avoir des notions de bricolage. Comme la couture, la construction demande des logiques qu’on n’a pas spontanément ».

Transmission

Parmi les stagiaires qui préparent le mât, Pierre mesure les élingues (liens de levage) : les câbles, récupérés dans un théâtre, qui vont permettre au mât d’avoir plus de souplesse. En connaisseur, il prodigue des conseils aux autres stagiaires. Pierre en est à son troisième stage de construction d’éolienne. « Quand tu as fait un stage, tu peux revenir à l’infini et gratuitement. Comme ça, tu peux filer un coup de main », dit-il.

Devant les autres stagiaires, il explique le fonctionnement d’une éolienne, car c’est la raison principale pour laquelle les participants se sont inscrits. Chrysis, professeur d’espagnol dans le secondaire, explique : « Pour pouvoir retenir, il faut au moins que je puisse voir quelqu’un faire. Et le mécanisme des éoliennes m’intéresse beaucoup. » Zoé, 20 ans, étudiante en physique, participe au stage pour joindre la théorie à la pratique. « En cours, on fait beaucoup de théorie, et je trouvais intéressant de voir comment on transforme l’énergie mécanique en énergie électrique ».

A la fin du stage, l’éolienne est installée au jardin d’Alice. Les stagiaires ont acquis la mécanique de ces machines et sont, en théorie, capables de fabriquer eux-mêmes une éolienne Piggott. Mais tout dépend aussi du niveau de base de bricolage avec lequel ils sont arrivés. Dans tous les cas, ils repartent avec plus d’assurance.

Thomas Plassard l’explique : « Tous nos élèves ne sont pas forcément capables de fabriquer seuls une éolienne à la fin du stage, mais en tout cas, ça les décomplexe pour bricoler, souder, travailler le bois ou manier des outils… »


Pour en savoir plus :

-  L’association Tripalium : http://www.tripalium.org/
-  Les stages : http://www.tripalium.org/stages
-  Le site d’Hugh Piggott : http://scoraigwind.co.uk/
-  Page wikipedia sur Hugh Piggott : http://fr.wikipedia.org/wiki/Hugh_Piggott

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