Média indépendant, en accès libre pour tous, sans publicité, financé par les dons de ses lecteurs

Plastique

JO 2024 : la promesse du zéro plastique déjà enterrée

Les sportifs ont besoin d'énormément d'eau durant les épreuves. Cela représente potentiellement des centaines de milliers de bouteilles en plastique. Ici au marathon de Paris de 2015.

L’engagement des Jeux olympiques 2024 de n’avoir aucun plastique à usage unique a été abandonné. Des dérogations ont été demandées pour les athlètes, dans des Jeux où le distributeur exclusif de boissons sera Coca-Cola.

Zéro plastique à usage unique. C’était l’un des engagements premiers des organisateurs des Jeux olympiques de Paris. Imaginez, aucune bouteille en plastique à l’horizon ; des fontaines installées dans le village olympique et sur tous les sites qui accueillent des épreuves ; tous les athlètes et spectateurs munis de leur gourde ; des gobelets réutilisables dans les bars ; de la vente en vrac dans les magasins…

Ne rêvez pas trop, car l’objectif a depuis été revu à la baisse, comme celui plus global sur le bilan carbone. Désormais, il est plutôt question de diviser par deux l’empreinte plastique à usage unique par rapport aux Jeux de Londres de 2012.

Exception parisienne

Seule la Ville de Paris vise encore le zéro plastique sur son territoire. Elle promet aux visiteurs une offre de boissons et de restauration sans plastique dans « les zones de célébrations parisiennes et aux abords des sites officiels (berges de Seine, quartiers d’expérimentation, monuments touristiques) ».

30 000 gobelets réutilisables avec consigne devraient être disponibles ainsi qu’« un système mutualisé de contenants réemployables pour repas à emporter (bols salades en verre, boite burgers, etc.) ». Après les Jeux, ces gobelets seront réutilisés pendant les courses parisiennes tout au long de l’année afin d’économiser « près de 12 tonnes de plastique par an, soit environ 800 000 bouteilles », affirme la municipalité.

Enfin, plus d’une centaine d’acteurs parisiens (hôtels, monuments, magasins de proximité…) se sont engagés à ne pas distribuer de plastique jetable en signant la certification zéro plastique initiée par la Ville.

Des fontaines à eau gratuite doivent être installées dans tous les lieux recevant du public, mais les gares et les stations de métro ne seront pas toutes prêtes à temps. Unsplash / Joseph Mutalwa

Pour remplir gratuitement sa gourde d’eau, on pourra compter sur les 1 200 fontaines et points d’eau de la Ville et les 800 commerçants partenaires de l’opération « Ici, je choisis l’Eau de Paris ». Deux mesures réglementaires devraient également favoriser l’usage de la gourde et aider à réduire le plastique sur l’ensemble des sites olympiques et au-delà. Encore faut-il qu’elles soient appliquées.

Depuis le 1ᵉʳ janvier 2022, tous les lieux accueillant du public (plus de 300 personnes simultanément) doivent installer des fontaines d’eau gratuite. Cela est loin d’être le cas. Les gares et les stations de métro sont particulièrement à la traîne et ne seront pas toutes équipées à l’été 2024.

« Un impératif de santé publique »

Seconde obligation : depuis le janvier 2021, les établissements recevant du public ont interdiction de distribuer gratuitement des bouteilles en plastique contenant des boissons. En théorie, tous les sportifs et volontaires accueillis au village olympique et sur les sites des épreuves devraient donc utiliser des gourdes remplies au robinet ou à des fontaines.

Or, le journal L’Équipe révélait le 1ᵉʳ avril dernier que le Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (Cojop) 2024 réclamait une dérogation pour les quatre millions de boissons servies aux athlètes et aux arbitres. Il invoque « un impératif de santé publique », exception prévue à l’article L. 541-15-10 du Code de l’environnement.

400 000 bouteilles pour un marathon

Cette demande émanerait d’athlètes, soucieux d’utiliser des bouteilles hermétiques, « le seul moyen d’assurer une sécurité alimentaire optimale et d’éviter les risques de “dopage par sabotage” grâce au bouchon scellé », est-il écrit dans cette note. Le Cojop n’a pas répondu aux sollicitations de Reporterre ni sur ce sujet, ni sur l’approvisionnement lors du Marathon olympique et des autres courses sur route.

Un marathon nécessite l’usage d’environ 400 000 bouteilles en plastique pour environ 50 000 coureurs, rapporte la Ville de Paris. Cette dernière, qui organise un « Marathon pour tous » pendant les JO, prévoit des ravitaillements sans aucune bouteille plastique, uniquement avec des gourdes et des gobelets réutilisables. Le Cojop suivra-t-il cet exemple ?

Des fontaines de Coca-Cola

Côté public, près de 700 fontaines installées par Coca-Cola, partenaire mondial des JO, permettront d’acheter de l’eau mais aussi du Coca-Cola, du Fanta ou encore du Sprite dans un gobelet, qui sera ensuite collecté, nettoyé et réutilisé.

Le géant américain — qui a obtenu l’exclusivité de la distribution de boissons froides et chaudes — prévoit de distribuer dix-huit millions de boissons fraîches pendant l’évènement. « Plus de la moitié des volumes seront servis en fontaine dans les sites parisiens. C’est une première ! » nous écrit Pierre Rabadan, adjoint à la Maire de Paris en charge du sport et des Jeux olympiques et paralympiques.

Coca-Cola aura aussi recours à des bouteilles en verre consignées dans certains lieux et à des bouteilles en plastique PET recyclé « quand les conditions opérationnelles empêchent l’installation de fontaines », explique l’industriel dans un communiqué.

« On n’est pas du tout dans du zéro déchet »

« On n’est pas du tout dans du zéro déchet, dénonce Charlotte Soulary, chargée du plaidoyer de Zero Waste France. Le plastique recyclé est une entourloupe. Les industriels font actuellement pression pour instaurer une consigne sur les bouteilles plastique afin d’augmenter les volumes de recyclage. Or, une bouteille en plastique, même consignée pour recyclage, reste un produit à usage unique [1]. »

L’association se dit particulièrement choquée que Coca-Cola soit partenaire de ces Jeux qui se veulent écologiquement vertueux, alors que l’entreprise est classée depuis 5 ans en haut du podium des plus grands pollueurs plastiques du monde par le mouvement Break Free from Plastic.

Faire vivre « une expérience sans plastique »

Carrefour, autre partenaire des JO, explique qu’il veut faire vivre « une expérience sans plastique » à ses clients. Il annonce la mise en place d’une consigne « qui concernera certaines références de liquides, commercialisées dans un emballage en verre réutilisable ».

Ne seront cependant concernés que ses magasins parisiens, et même pas tous, car les magasins franchisés indépendants resteront libres de refuser le dispositif. Pour chaque contenant rapporté, les clients pourront récupérer vingt centimes, et les emballages collectés seront lavés et remis dans le circuit de distribution.

Occasion manquée

Pour l’heure, Carrefour n’est pas en mesure de dire quels seront ces produits liquides — sauf qu’il s’agira de marques nationales —, ni quels prestataires se chargeront de cette logistique. Mais il espère « économiser 600 kg de plastique pendant toute la durée des Jeux ».

Pour Charlotte Soulary, ces initiatives ne sont pas suffisantes : « Ces JO étaient l’occasion d’accélérer la mise en place des bouteilles en verre standardisées développées par l’éco-organisme Citeo. Or, on voit que chacun fait les choses dans son coin. Or, si les gros industriels utilisent leur propre consigne et leur propre centre de lavage, si aucune règle ne les oblige à une mise en commun, le réemploi restera dans leurs mains et toutes les petites entreprises seront laissées de côté ».

Danone, classé 10ᵉ plus gros pollueur du monde en 2022 par Break Free from Plastic doit fournir 13 millions de repas pendant les JO. La multinationale a déjà prévu d’avoir une « marge de manœuvre [...] restreinte en matière d’économie circulaire ». CC BY 2.5 / Danone Россия / Wikimedia Commons

Les engagements en faveur de la déplastification sont encore plus floues du côté de Danone, autre partenaire d’envergure des Jeux. L’agro-industriel s’est engagé à fournir chaque jour un million de produits laitiers frais et d’origine végétale aux athlètes et à couvrir treize millions de repas pour les volontaires et les spectateurs.

Au menu, Actimel, Activia, Danette, Danone, Hipro (boissons et desserts hyper-protéinés pour sportif) ou encore Alpro (boissons ou desserts végétaux), généralement vendus dans des pots et des bouteilles en plastique. « Notre marge de manœuvre sera plus restreinte en matière d’économie circulaire étant donné que nous ne serons pas présents avec nos eaux et boissons », admet le groupe français, classé dixième plus gros pollueur du monde en 2022 par Break Free from Plastic.

Il mène actuellement des expérimentations « à petite échelle » sur le verre consigné, le vrac ou encore les pots grand format en carton recyclable. Mais ces dispositifs ne seront pas opérationnels pour les JO.

Goodies

« Le monde du sport et ses grands événements sont habitués aux goodies [objets souvenir à l’effigie de l’événement] et bouteilles plastiques avec, pour les Jeux, des partenaires connus pour être d’importants pollueurs plastique », nous explique Pierre Rabadan, de la Mairie de Paris.

Malgré les beaux discours, ce scénario risque de se répéter lors de ces JO. Et sauf mobilisation au cours des prochains mois, les organisateurs pourraient bien remporter la médaille d’or du greenwashing.

Alors que les alertes sur le front de l’environnement continuent en ce mois de septembre, nous avons un petit service à vous demander. Nous espérons que les derniers mois de 2023 comporteront de nombreuses avancées pour l’écologie. Quoi qu’il arrive, les journalistes de Reporterre seront là pour vous apporter des informations claires et indépendantes.

Les temps sont difficiles, et nous savons que tout le monde n’a pas la possibilité de payer pour de l’information. Mais nous sommes financés exclusivement par les dons de nos lectrices et lecteurs : nous dépendons de la générosité de celles et ceux qui peuvent se le permettre. Ce soutien vital signifie que des millions de personnes peuvent continuer à s’informer sur le péril environnemental, quelle que soit leur capacité à payer pour cela. Allez-vous nous soutenir cette année ?

Contrairement à beaucoup d’autres, Reporterre n’a pas de propriétaire milliardaire ni d’actionnaires : le média est à but non lucratif. De plus, nous ne diffusons aucune publicité. Ainsi, aucun intérêt financier ne peut influencer notre travail. Être libres de toute ingérence commerciale ou politique nous permet d’enquêter de façon indépendante. Personne ne modifie ce que nous publions, ou ne détourne notre attention de ce qui est le plus important.

Avec votre soutien, nous continuerons à rendre les articles de Reporterre ouverts et gratuits, pour que tout le monde puisse les lire. Ainsi, davantage de personnes peuvent prendre conscience de l’urgence environnementale qui pèse sur la population, et agir. Ensemble, nous pouvons exiger mieux des puissants, et lutter pour la démocratie.

Quel que soit le montant que vous donnez, votre soutien est essentiel pour nous permettre de continuer notre mission d’information pour les années à venir. Si vous le pouvez, choisissez un soutien mensuel, à partir de seulement 1€. Cela prend moins de deux minutes, et vous aurez chaque mois un impact fort en faveur d’un journalisme indépendant dédié à l’écologie. Merci.

Soutenir Reporterre

📨 S’abonner gratuitement aux lettres d’info

Abonnez-vous en moins d'une minute pour recevoir gratuitement par e-mail, au choix tous les jours ou toutes les semaines, une sélection des articles publiés par Reporterre.

S’abonner
Fermer Précedent Suivant

legende