Jambon, culotte, lait... Les nanoparticules indésirables sont partout

Aoste aurait promis à Avicenn de supprimer les nanoparticules de ses produits. - Flickr/CC BY 2.0/Marco Verch Professional Photographer
Aoste aurait promis à Avicenn de supprimer les nanoparticules de ses produits. - Flickr/CC BY 2.0/Marco Verch Professional Photographer
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Quotidien PollutionsLait infantile, jambon Aoste, soupe Knorr, culotte menstruelle Nana. Une étude a découvert la présence de nanoparticules potentiellement toxiques dans de nombreux produits du quotidien.
Ingérons-nous et respirons-nous des nanoparticules partout, sans le savoir ? La question se pose à la lecture des résultats de l’enquête d’Avicenn. Sur les 23 produits testés par l’Association de veille et d’information civique sur les enjeux des nanosciences et nanotechnologies, 20 contiennent des nanoparticules, potentiellement toxiques pour la santé. Le constat est d’autant plus accablant que ces produits ne sont pas étiquetés avec la mention « nano », voire parfois non autorisés.
Avicenn met en garde sur ces nanoparticules, si petites qu’elles sont susceptibles de se diffuser jusque dans nos cellules : « Leur forte réactivité peut entraîner des effets potentiellement néfastes sur la santé (inflammations, allergies, voire risque de cancers) encore largement sous-évalués. Et les risques liés à leur dissémination dans l’environnement sont eux aussi potentiellement importants. »
Un Labello avec des nanoparticules... certifié sans
Grâce à cette étude, on découvre que la poudre visage « Light from Paradise » et le spray colorant « Magic Retouch Blond » de L’Oréal, le stick à lèvres « Vegan Naturally » de Labello et la crème « BB Crème 5-en-1 » de Nivea contiennent tous des nanoparticules de dioxyde de titane (TiO2) ainsi que des nanobâtonnets d’oxydes de fer.

Dans le baume à lèvres Labello, ces nanoparticules sont vraisemblablement issues des colorants indiqués sur l’emballage du produit (CI77891 et CI77492). Pour Avicenn, cette présence est particulièrement problématique : « Non seulement [ces nanoparticules] ne sont pas autorisé[e]s par le Règlement sur les cosmétiques européen, mais le référentiel Cosmos Natural auquel se rapporte la certification du stick est censé garantir l’absence de ces nanoparticules. Cette situation pose la question du niveau d’exigence des critères de certification. » Alors que les fabricants n’ont pas le droit d’utiliser de nanoparticules dans ces colorants, ils n’hésitent pas à en mettre de grande quantité, souligne Avicenn.
Un passage possible à travers la bouche
Les cosmétiques ne sont pas les seuls pointés du doigt. On trouve également du TiO2 sous forme de nanoparticules dans un boxer Supima de Uniqlo et... dans la lingette-buvard sous une escalope de poulet Le Gaulois. « Pour quelles propriétés a-t-il été intégré à ces deux produits ? Les marques interrogées n’ont pas répondu à nos questions », regrette l’association. Le caleçon Uniqlo contient en plus des nanoparticules d’argent. Ces dernières ont été longtemps prisées des fabricants pour leurs propriétés antibactériennes. On en retrouve aussi dans une brosse à dents pour enfant Signal, dans une culotte menstruelle Intimewear de Nana et dans un masque antiviral Baccide. « Des chercheurs ont alerté récemment sur le passage possible des nanoparticules d’argent à travers la muqueuse buccale, même à faible dose », détaille le rapport.

Nana avance pour sa défense l’hypothèse que les nanoparticules d’argent détectées dans ses culottes soient des « poussières » ou des « impuretés provenant de l’environnement et non de [ses] produits ». Un argument qui ne convainc pas Avicenn : « Les nanoparticules d’argent proviennent bien plus probablement du biocide utilisé, volontairement lui, par les marques : phosphate d’argent, chlorure d’argent ou zéolite d’argent. Les trois sont autorisés, mais pas sous forme de nanoparticule. » La marque s’est toutefois engagée à proposer bientôt des produits sans nanoparticules.
Par ailleurs, l’utilisation généralisée du nanoargent, bactéricide puissant et non sélectif, n’est pas anodine dans les produits de consommation courante. De nombreuses études insistent sur le risque d’accroître les résistances bactériennes, rappelle également l’association.
Des milliards de nanoparticules dans une soupe Knorr
Dernière surprise : la présence de nanosilice dans plusieurs aliments dont de la pâte à tarte feuilletée Herta, de la soupe déshydratée neuf légumes Knorr, du jambon « Les fines et fondantes » d’Aoste, du lait infantile « Optipro 0-6 mois » de Guigoz ou des croquettes pour chien Mini de Royal Canin. « Un seul bol de soupe Knorr contient près de 40 mg de silice. Cela représente des milliards de nanoparticules », alerte Avicenn.
Selon Aoste, les nanoparticules de silice dans son jambon s’expliquerait par leur présence initiale, et autorisée, dans le nitrate de potassium (E252) ajouté au jambon. Or, le producteur n’est pas obligé d’informer le consommateur de la présence de silice quand elle est utilisée comme additif de transfert. Le producteur de jambon a cependant promis de supprimer les nanoparticules de ses produits.
« La politique de l’autruche n’est plus de mise », insiste Avicenn, qui parle de l’étiquetage des nanoparticules « éminemment défaillant ». Elle réclame aux autorités publiques de renforcer les rappels à la loi, les contrôles et les sanctions, et d’étendre l’obligation d’étiquetage à toutes les catégories de produits.