L’Espagne s’apprête à franchir ses records de température

Des touristes se rafraichissent à la fontaine située devant l'entrée principale de la Plaza de España, bâtiment emblématique de Séville. - © Alban Elkaïm/Reporterre
Des touristes se rafraichissent à la fontaine située devant l'entrée principale de la Plaza de España, bâtiment emblématique de Séville. - © Alban Elkaïm/Reporterre
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Climat MondeLe mercure pourrait dépasser 47 °C par endroits dans les prochains jours, prêt à battre les records. De plus en plus longs, intenses et fréquents, les épisodes de chaleur suivent l’évolution générale du climat en Espagne : des étés plus chauds, plus secs, et qui durent plus longtemps.
Séville (Espagne), correspondance
« 33 °C seulement », lance José María après avoir rapidement regardé son smartphone, ce jeudi 8 juillet. Le serveur de 26 ans prend sa pause à l’ombre d’une rue étroite du centre-ville de Séville, capitale de l’Andalousie, la région située le plus au sud en Espagne. « Si c’est comme ça tout l’été, je signe tout de suite ! » Malheureusement pour lui, l’Agence étatique de météorologie (Aemet) prévoit un épisode de chaleur plus intense, ce week-end, sur une large partie de l’Espagne. Le premier de l’été. Séville et les provinces voisines devraient en être l’épicentre, avec des pics pouvant atteindre les 45 °C. Un nouveau record pourrait même être battu, dans un pays coutumier des températures élevées, mais où les étés se font plus chauds, plus longs et plus arides.
« Une masse d’air chaud venue du nord de l’Afrique se déplace vers nous et doit arriver sur l’Espagne vendredi ou samedi », annonce Mar Gómez, docteur en physique et météorologue pour le site spécialisé Eltiempo. « Combiné à un ciel dégagé et un fort ensoleillement sur la péninsule Ibérique, ce phénomène provoquera une explosion des températures. Le sud du pays sera spécialement touché, et particulièrement la vallée du Guadalquivir [le fleuve qui traverse Séville] en raison de “l’effet vallée.” »
- Un couple de touristes se rafraichit à la fontaine située devant le Giralda, monument le plus emblématique de Séville. © Alban Elkaïm/Reporterre
Rien à voir cependant avec le phénomène qui a fait sauter les thermomètres en Amérique du Nord la semaine dernière. L’Espagne est coutumière du fait. L’Andalousie plus encore. À Séville, l’architecture du centre-ville et son entrelacs de rues dont l’étroitesse rend par endroit difficile le passage des voitures sont conçus pour se préserver des excès du soleil. « Il n’y a personne dehors à cause de la chaleur », constate José María, peu après 15 h, à deux pas du bar où il travaille, situé dans l’une des voies les plus courues de la ville. « Sauf les étrangers ou des gens venus d’ailleurs en Espagne », s’amuse-t-il. Tous les Andalous le savent. Si on a le choix, on ne sort pas avant 20 h, quand le soleil se calme.
Et pourtant… « Généralement, à cette époque de l’année, les températures peuvent facilement atteindre 40, 42, ou 43 °C. Elles devraient être supérieures cette fois-ci, et atteindre 45, 46 voire, peut-être 47 °C », souligne Mar Gómez.
« Nous avons vu les vagues de chaleur augmenter en fréquence, en durée et en intensité au cours des deux dernières décennie »
Si les Espagnols savent vivre avec, ces chaleurs ne sont pas complètement normales. Et, comme au Canada, le changement climatique y est très probablement pour quelque chose. « Nous avons vu les vagues de chaleur augmenter en fréquence, en durée et en intensité [sur le territoire] au cours des deux dernières décennies », rappelle la météorologue. Selon l’Aemet, les étés durent aujourd’hui cinq semaines de plus que dans les années 1980. Globalement, les températures auraient déjà augmenté de 1,7 °C par rapport à l’ère pré-industrielle.
Résultat : la santé des personnes vulnérables est plus exposée. Coups de chaleur, fatigues, épuisement et déshydratation affectent particulièrement enfants et personnes âgées. Ces pics de mercure accentuent également les effets dévastateurs de la sécheresse. Un problème qui se pose ici avec de plus en plus d’acuité. La raréfaction des ressources en eau sous l’effet du changement climatique et de la surexploitation de ressources est l’un de facteurs centraux dans la désertification qui a déjà commencé à ronger l’Espagne. Plus de 75 % du territoire pourrait se transformer en zone désertique, selon Greenpeace. Combinée à la chaleur, la sécheresse fait également exploser le risque d’incendie. « Et les pronostics nous montrent un futur plus chaud encore », prévient Mar Gómez.
- Les locaux ont l’habitude des étés à la chaleur assommante. Mais celle-ci gagne en sévérité sous l’effet du réchauffement climatique, et pourrait devenir bien plus difficile à supporter. © Alban Elkaïm/Reporterre
Mais la tendance n’est pas forcément évidente à hauteur de citoyen. Aussi loin que remonte sa mémoire, les étés à Séville ont toujours été des assommoirs selon José María, qui termine sa cigarette avant de retourner travailler. Même si la Murcie, région mitoyenne, s’apprête à ravir ce sinistre titre de champion national des thermomètres à l’Andalousie. Officiellement, le précédent record avait été établi près de Cordoue, Andalousie, en 2017. 47,3 °C. Murcie pourrait connaître un pic plus élevé encore, dès ce lundi.