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Pollutions

L’Europe pose des limites insuffisantes aux émissions des voitures

Les ministres de l’Environnement réunis mardi 9 octobre au Luxembourg ont adopté un objectif de réduction des émissions de CO2 pour les véhicules de 35 % d’ici 2030. Insuffisant pour remplir les engagements climatiques de l’Union européenne.

Les futures normes européennes sur les émissions de CO2 des voitures, qui s’appliqueront à l’industrie automobile pour la période 2020-2030, font l’objet d’âpres débats. À Luxembourg, mardi 9 octobre, le conseil des ministres européens de l’Environnement a arrêté la position des États membres de l’Union européenne (UE). À l’horizon 2030, les émissions de CO2 des véhicules légers neufs — voitures et vans — devront être réduites de 35 %.

Une position de compromis, insuffisante, regrette le Réseau Action Climat : « Au lendemain du rapport du Giec, qui a rappelé l’impératif de diminuer drastiquement les émissions de gaz à effet de serre notamment dans les transports, les États membres actent des objectifs faibles qui traduisent un ralentissement du rythme de réduction des émissions CO2 des voitures neuves par rapport à la règlementation actuelle. »

Reporterre fait le point sur ces négociations cruciales pour le climat et notre santé.

Pourquoi c’est important ?

« Le secteur du transport est le premier émetteur de gaz à effets de serre en Europe, rappelle Agathe Bounfour, du Réseau action climat. Et le trafic routier représente 70 % des émissions de ce secteur ». Or si l’UE a réduit ses émissions de 23 % depuis 1990, les émissions liées au transport routier ont augmenté d’environ 20 %, d’après la Commission européenne.

En 2017, les émissions de CO2 des véhicules neufs sont mêmes reparties à la hausse en Europe et pour la première fois depuis 1995 en France. Le résultat de l’explosion des SUV, ces grosses berlines qui paradent au Mondial de l’auto, et dont les ventes ont crû de plus de 26% en 2016. En cause également la chute des ventes de diesel, qui émettent environ 20% de CO2 en moins que les voitures essence... tout en dégageant plus d’oxyde d’azote et de particules fines.

Un respect strict de l’Accord de Paris et de l’objectif 1,5 °C exigerait une réduction des émissions de CO2 d’au moins 70 % pour les voitures à l’horizon 2030. « Ce texte sur les émissions de CO2 des voitures permettra de juger si la France et l’Europe vont pouvoir atteindre leurs objectifs climatiques, fixés en 2015 par l’accord de Paris sur le climat », précise Agathe Bounfour.

Croisement d’un 4×4, d’un monospace et d’une berline, le « sport utility vehicule » connaît un très grand engouement en Europe.

Quel est le rapport avec les normes Euro ?

Les normes européennes d’émission, dites normes Euro, sont des règlements de l’Union européenne qui fixent les limites maximales de rejets de quatre polluants principaux pour les véhicules roulants : le monoxyde de carbone (CO), les hydrocarbures imbrûlés (HC), les oxydes d’azote (NOx) et les particules (PM). La norme actuelle, entrée en vigueur le 1er  septembre 2014, est l’Euro  6.

Elle ne concerne donc pas les émissions de CO2 car ce gaz n’est pas considéré par la législation automobile européenne comme un gaz polluant direct, toxique pour les humains.

Cependant, les émissions de particules fines et de CO2 sont très liées, car « les véhicules les plus émetteurs de CO2 sont généralement les mêmes que ceux qui polluent notre air », dit Agathe Bounfour. Avec les normes actuellement en discussion à Bruxelles, il s’agit donc de faire baisser les émissions de CO2, mais également de limiter la pollution atmosphérique, qui reste la troisième cause de mortalité en France.

Par ailleurs, les dépassements de normes — mis en évidence par le Dieselgate — ne sont pas l’apanage des polluants de l’air. D’après l’ONG Transport & environment, l’écart entre les émissions de CO2 en conditions réelles et en laboratoire est de 42 %.

Quelle a été la position du gouvernement français ?

« La France ne s’est pas opposée à l’adoption du compromis à 35%, qui remet en cause la capacité de l’Union européenne à relever son ambition climatique », dit le Réseau Action Climat. Pourtant, après plusieurs semaines de flou, le gouvernement Philippe s’était finalement plus ou moins aligné sur la position du Parlement européen. Mercredi 3 octobre, les eurodéputés ont adopté une résolution fixant un objectif de réduction de 40 % d’ici à 2030, avec un palier intermédiaire de 20 % en 2025. Un objectif décevant par rapport aux évaluations du Conseil international pour un transport propre (International Council on Clean Transportation, ICCT), qui a estimé que pour respecter la trajectoire de l’Accord de Paris, la réduction des émissions de CO2 des voitures devrait atteindre au moins 30 % en 2025, et 70 % d’ici à 2030. Mais c’est bien mieux que la position de la Commission européenne, adoptée également par l’Allemagne, qui a proposé une baisse de 15 % des émissions de CO2 d’ici 2025 et de 30 % en 2030. La présidence autrichienne a avancé un compromis à - 35% en 2030.

Le 3 octobre, le Parlement a également adopté l’idée d’un quota de véhicules zéro émission — principalement électriques — et d’un système de bonus malus permettant d’assurer une valeur contraignante aux objectifs fixés. Il a aussi tiré les leçons du Dieselgate en validant le principe d’un test en conditions réelles de conduites, pour résorber l’écart entre la consommation réelle et la consommation officielle de carburant.

Désormais, des négociations triparties — Commission, conseil des ministres et parlement européens — devront aboutir à un accord sur ces normes CO2 d’ici mai 2019.

Les objectifs de réduction de CO2 sont-ils tenables ?

C’est l’argument de l’Association européenne des constructeurs automobiles. 20 % de réduction d’émissions, c’est jouable, mais 40 %, c’est inatteignable.

Pour Marie Yared, d’Avaaz, la solution passe par un développement des véhicules électriques alimentés par des énergies renouvelables. « Le marché mondial est dominé par les Chinois, et les industries automobiles européennes freinent des quatre fers, explique-t-elle. Nous défendons une obligation de 40 % de voitures électriques d’ici 2030, afin de tenir nos engagements climatiques ». Le conseil des ministres doit également se prononcer ce mercredi sur cette question.

« La transition technologique ne suffira pas, on ne pourra pas transformer l’ensemble de la flotte actuellement diesel ou essence en électrique, nuance Agathe Bounfour. Il existe des leviers techniques, notamment la baisse du poids des véhicules, qui impacte directement les émissions de CO2. Mais surtout, il faudra favoriser l’autopartage, les transports collectifs, le vélo, les zones à faible émission dans les villes… au niveau national, la loi Mobilité à venir sera un élément clé. »

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