L’éolien offshore bénéficie aux industriels, pas à l’écologie

Sous les vivats de la presse et des politiques, deux nouveaux parcs éoliens en mer ont été attribués. Problème : ce secteur n’est pas rentable, il représente un surcoût important qui se répercutera sur la facture des consommateurs. Mais l’opération se fait au bénéfice des grands industriels.
Les questions énergétiques sont complexes, et on tient à les compliquer à l’infini, surtout quand on ne veut pas que le public sache et comprenne.
Il y a trois semaines, toute la presse française a été pleine des cris de joie des mondes politique et économique, à l’annonce de l’attribution par la ministre de l’écologie des deux parcs éoliens offshore, au large du Tréport, en Manche, et de Noirmoutier, face à la Vendée.
Sur ces deux parcs, d’une puissance de 500 MW (mégawatt) chacun, l’un n’avait pas été attribué lors du premier tour, en 2012, qui avait vu l’attribution de quatre autres parcs, de puissance similaire. Nous allons donc avoir, d’ici une dizaine d’année trois mille MW de puissance éolienne offshore installés le long de nos côtes.
Tout a été dit à cette occasion : les entreprises françaises, la technologie française (en fait allemande et espagnole, par le biais de rachat de sociétés), les énergies renouvelables françaises, sans oublier, bien sûr, l’emploi français qui va arroser tous nos pôles côtiers de la Manche et de l’Atlantique. « 10 000 emplois créés », a affirmé la ministre, madame Royal, une spécialiste de l’emploi « vert ».
Derrière la belle vitrine, des questions en suspens
Tout… ou presque : pas possible en effet de savoir combien vont nous rapporter toutes ces merveilles. Sur plusieurs dizaines d’articles, un seul abordait bien allusivement la question. Et pour cause : cette frénésie verte et française va, quand elle sera toute en activité, nous coûter, à nous consommateurs, 1,5 milliards d’euros par an.
Ceci va se retrouver sur l’énigmatique ligne CSPE de nos factures d’électricité, fourre-tout opaque, largement exploité par les contempteurs des énergies renouvelables, toutes mises dans le même sac, et bien d’autres choses encore.
Les contrats conclus dans le cadre du fameux appel d’offres « éolien offshore » attribuent un surcoût de 160 €/MWh (Mégawatt-heure) à cette production (0,16 €/kWh - kilowatt-heure -), toujours Hors Taxe, sur un prix de base de 40 à 60 €/MWh, soit un prix de rachat final obligatoire entre 200 et 220 €/MWh HT.
Pour comparer, l’éolien terrestre aujourd’hui est à un prix de rachat contractuel moyen de 70 €/MWh HT, soit un poids actuel sur la CSPE de 10 à 30 €/MWh, et bientôt plus rien, vu la vitesse à laquelle les autorités révisent les prix du nucléaire.
2 % de production pour un surcoût de 5 %

Globalement, ces parcs vont produire environ 10 TWh/an (térawatt-heure), soit autour de 2 % de la consommation française, mais leur surcoût va alourdir la facture globale (part production) de plus de 5 % : 1,5 Mrd €/an. On comprend pourquoi les autorités sont discrètes sur le sujet… Ce qui fera une subvention annuelle de 150 000 € par emploi créé : on peut vivre, avec ça. On a à faire, répétons-le, à des spécialistes !
Pendant ce temps, tout est fait pour décourager l’éolien terrestre, pourtant lui aussi créateur d’emplois, sans doute pas assez bien payés pour tout ce beau monde. Et pourtant, le potentiel inexploité reste immense sur terre, pourvu qu’on ne s’emploie pas à ériger sans cesse des barrières comme s’il en pleuvait, et que l’on favorise l’investissement participatif local, qui implique la population et lui donne un intérêt économique.
Silence radio dans les médias
Un autre aspect « étrange » de toute cette affaire est de savoir comment cela a pu échapper à tous ces fins limiers de la presse dite grande ?
Bien sûr, nous n’imaginerons même pas qu’on ait pu les détourner de telles curiosités, ni que les rédactions aient pu se convaincre qu’il valait mieux s’abstenir d’en parler. Pourtant, aucun des médias que nous avons pu consulter suite à cette récente et tonitruante attribution n’a touché à cet aspect des choses qui, vous en conviendrez avec moi, mérite quelque attention.
Sauf une phrase dans un article en ligne du quotidien Les Échos, le 7 mai, qui se garde bien d’indiquer la dimension macroéconomique de ces prix pharaoniques.
Sans doute la CRE (Commission de régulation de l’énergie), maître d’œuvre de cet appel d’offres, n’a-t-elle pas encore eu le temps de donner les informations consolidées, comme elle l’avait fait plus promptement en 2012, sans beaucoup plus d’écho dans les médias.
Mais on retrouvait l’essentiel, dans une phrase de la délibération publiée au Journal Officiel du 28 avril 2012, et on avait alors pu lire par ailleurs que le parc du Tréport, infructueux en 2012 et attribué cette année, ne l’avait pas été alors parce que le candidat (GDF-Suez associé à Areva) avait poussé le bouchon un peu loin : il réclamait plus de 220 €/MWh. Il a fini par avoir le contrat ; à quelles conditions ?

-Allemagne, mer du Nord -
L’histoire est loin d’être finie, comme pour les centrales nucléaires EPR où se retrouve déjà tout ce beau monde : il va falloir installer, et que tout ça tourne pendant vingt à trente ans. C’est sans doute une chance que la division énergie d’Alstom soit en voie de rachat par un grand de l’éolien (General Electric ou Siemens) qui apporteront toute leur expérience et leur technologie, comme ils ne s’en sont cachés ni l’un ni l’autre.
Mais on peut avoir bien des craintes pour Areva, qui a déjà connu, il y a quinze ans une cuisante expérience d’éolien « 100 % français », avec Jeumont Industrie (une centaine d’éoliennes de 750 kW, dont au moins quatre ont brûlé et les autres sont dans des états incertains). Expérience abandonnée, probablement sans capitalisation sur les erreurs.
Mais soyons sûrs que, comme pour les EPR, les consommateurs (nous) et les actionnaires (encore nous, à travers une armée de hauts fonctionnaires « très compétents », bien sûr) sauront être mis à contribution forcée autant que nécessaire. Que ne ferait-on pas pour « sauver » de l’emploi, par les temps qui courent ?