« La COP28 sera une lutte acharnée entre pays du Nord et du Sud »

La conférence de Bonn (Allemagne) visant à préparer la prochaine COP28 à Dubaï s'est achevée jeudi 15 juin. - © Andreas Rentz / Getty Images via AFP
La conférence de Bonn (Allemagne) visant à préparer la prochaine COP28 à Dubaï s'est achevée jeudi 15 juin. - © Andreas Rentz / Getty Images via AFP
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Climat Climat : de COP en COPAu sommet de Bonn sur le climat, clôt le 15 juin, les négociations ont patiné, dit Gaïa Febvre, du Réseau Action Climat. En effet, « les pays riches rechignent à assumer leur responsabilité historique dans la crise climatique ».
Gaïa Febvre est responsable politiques internationales au Réseau Action Climat (RAC). Elle était à la conférence de Bonn, en Allemagne, qui visait à préparer la prochaine COP28 à Dubaï et s’est achevée jeudi 15 juin. Elle a réuni des négociateurs de 200 pays et des représentants de la société civile.
Reporterre — Quel bilan tirez-vous de la conférence de Bonn, qui visait à définir les objectifs de la COP28 de novembre prochain ?
Gaïa Febvre — C’était une session tumultueuse. Les États ne sont parvenus à s’accorder sur l’ordre du jour que très tard, la veille de la clôture du sommet. Ces retards sont principalement liés à un déficit de confiance des pays les plus vulnérables envers les pays les plus riches.
Les pays du Sud ont, en effet, insisté pour mettre à l’agenda une question sensible : celle des financements climat, indispensables afin de permettre de faire face aux changements climatiques, s’adapter et engager une transition équitable vers un nouveau système d’énergie renouvelable accessible à tous.
En 2009, les pays riches s’étaient engagés à mobiliser 100 milliards de dollars (92 milliards d’euros) par an sous forme de fonds publics et privés. Cette promesse devait être tenue en 2020 pour répondre aux besoins des pays les plus vulnérables. Cet engagement n’a jamais été respecté et c’est pour cette raison que plusieurs pays ont souhaité mettre le financement à l’agenda. Ce qui se joue est assez clair : les pays riches rechignent à assumer leur responsabilité historique dans la crise climatique.
Lors de la COP27, les gouvernements avaient pris la décision inédite d’établir de nouvelles modalités de financement pour les « pertes et dommages » [qui correspondent aux coûts de reconstruction après des dégâts irréversibles liés au changement climatique, tels que l’intensification des tempêtes, la montée du niveau des mers, les sécheresses et les incendies qui détruisent des vies, des infrastructures et activités économiques]. Le comité de transition chargé de formuler des recommandations sur la manière de rendre opérationnel le fonds a commencé ses travaux en mars et sa prochaine rencontre est en août. En revanche, à Bonn, les États ne se sont pas mis d’accord sur l’hôte du « réseau de Santiago » qui vise justement à catalyser l’assistance technique aux pays en développement particulièrement affectés par les pires chocs climatiques.
Ces tergiversations ont ainsi révélé la déconnexion des négociateurs face à l’urgence climatique, à l’heure où les feux de forêt ravagent le Canada et la sécheresse s’aggrave en France. C’est également une parfaite illustration du défi de l’Accord de Paris, qui n’est pas encore rempli : passer d’un texte ambitieux à la mise en œuvre de mesures efficaces.
La sortie des énergies fossiles a-t-elle été abordée ?
Oui. Les énergies fossiles n’étant pas un sujet de négociation en soi dans l’Accord de Paris, le sujet n’a été abordé officiellement qu’une seule fois, lors du « bilan mondial » [Un inventaire qui permet aux États de voir où ils progressent collectivement vers la réalisation des objectifs de l’Accord de Paris, et où ils ne le font pas], lors duquel la Colombie a encouragé les parties à prendre une résolution de sortie.

Le sujet était très présent en toile de fond. Il était vivement porté par la société civile, au point que le Sultan Ahmed al-Jaber, président de la COP28 mais aussi PDG de la compagnie pétrolière émirienne Adnoc, a été contraint de se positionner. Il a ainsi reconnu que « l’élimination progressive des énergies fossiles est inévitable » et appelé les États à s’entendre pour tripler les énergies renouvelables et doubler l’efficacité énergétique d’ici à 2030. En parallèle, il laisse la porte ouverte à des solutions technologiques dangereuses telles que le captage et stockage de carbone, qui nous détournent de l’objectif principal.
La science est claire, et ce, depuis plusieurs années : l’élimination des énergies fossiles est inévitable mais il faut aussi qu’elle soit rapide, équitable et juste. Gagner lentement, c’est perdre et nous devons agir maintenant. Il est impossible de continuer à négocier sur le changement climatique sans s’attaquer à sa cause principale.
Ce sommet raté est-il le présage d’une COP28 « pour rien » ?
Les blocages pour adopter un agenda de négociation à Bonn confirment, en tout cas, les difficultés pour aboutir à des décisions politiques ambitieuses. On ne peut pas déjà tirer la conclusion que la COP28 ne servira à rien. Il subsiste des motifs d’espoir. Nous n’avons jamais autant parlé des énergies fossiles. La COP28 à Dubaï devra signer la fin de leur ère et les pays devront s’engager à un plan d’élimination progressif, équitable, rapide et financé. Elle s’annonce aussi comme une lutte acharnée entre les pays du Sud et les pays du Nord. Il faudrait que les pays du Nord fassent leur juste part, c’est-à-dire une réduction massive de leurs émissions, et un effort significatif sur les financements, pour reconstruire des liens de confiance et que les négociations puissent avancer.