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ÉditoNotre-Dame-des-Landes

La Cour de Nantes a émis un jugement politique

La cour administrative d’appel de Nantes a émis un jugement politique sur Notre-Dame-des-Landes. Elle argue de l’intérêt public majeur que serait le développement économique. Mais, à l’heure du changement climatique et de la crise de la biodiversité, l’intérêt public majeur est la préservation de l’équilibre écologique.

La justice impressionne. Mais juge-t-elle en droit ou en opinion ? On ne peut ici généraliser. Mais il est clair que le jugement de la cour administrative d’appel de Nantes, lundi 14 novembre, par lequel elle a rejeté les appels formés par les opposants au projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, relève de l’opinion.

Passons sur le fait que la jurisprudence du tribunal administratif de Nantes et de la cour d’appel a toujours, systématiquement, rejeté les requêtes des opposants.

Ne nous interrogeons pas sur le recrutement, la carrière et la culture des magistrats administratifs.

Laissons de côté les appréciations qui témoignent d’une méconnaissance écologique en ce qui concerne la question de la compensation à la destruction de biodiversité. Ne relevons pas la prise de parti consistant à accorder plus d’importance aux exagérations de la Direction générale de l’aviation civile en ce qui concerne l’aménagement possible de l’aéroport de Nantes-Atlantique qu’au travail des contre-experts citoyens - carrément oublié - et au rapport des experts du ministère de l’Environnement.

Bref, faisons comme si ces juges n’étaient pas de parti pris et avaient jugé en leur for intérieur. Et analysons la raison fondamentale pour laquelle ils ont rejeté les recours : celle de l’« intérêt public majeur ». On peut l’examiner en particulier dans l’arrêté 15NT02386 sur les espèces protégées :

-  Télécharger l’arrêté :

Les juges concluent, au paragraphe 24, que « les dérogations litigieuses doivent être regardées comme justifiées par des motifs impératifs d’intérêt public majeur ».

Et quels sont ces motifs « impératifs » - noter le mot -, quel est l’intérêt public majeur ? « Assurer le développement socio-économique de la métropole Nantes-Saint-Nazaire, dans une logique d’anticipation sur les besoins de déplacements induits par l’évolution démographique, l’activité économique et touristique du Grand Ouest, pour pallier la saturation du site aéroportuaire de Nantes-Atlantique et ses risques pour la santé liés aux nuisances sonores. »

Ce jugement est politique : les juges prétendent définir l’intérêt public majeur en reprenant les termes du préfet. Ce serait le développement économique. Sans entrer ici dans la discussion cent fois faite des motifs allégués, il faut simplement dire ici que l’on conteste l’intérêt public majeur tel que le définissent les juges. Ils expriment une opinion, pas un argument juridique.

Le jour même de leur décision, l’Organisation météorologique mondiale annonçait que l’année 2016 devrait être la plus chaude enregistrée, qu’elle devrait marquer une température supérieure de 1,2 °C au-dessus de celle qui prévalait pendant des millénaires avant la révolution industrielle. Le jour même de la décision, la COP22 se poursuivait à Marrakech : son objectif fondamental est de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

L’intérêt public majeur, aujourd’hui, est de réduire les émissions de gaz à effet de serre, afin de permettre aux générations présentes et futures de vivre dans un monde à l’équilibre écologique assuré.

Tout développement économique qui entraîne une augmentation des émissions de gaz à effet de serre va contre l’intérêt public majeur. C’est le cas du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, qui vise un quadruplement du trafic aérien à Nantes, trafic fortement émetteur de gaz à effet de serre.

La même argumentation peut être tenue en ce qui concerne l’érosion de la biodiversité et la perte des zones humides : la situation française et planétaire devient si critique sur ces aspects que laisser les destructions se poursuivre, comme le préparent les promoteurs de l’aéroport, va contre l’intérêt public majeur.

Les juges de Nantes ont négligé le changement climatique et la crise planétaire de la biodiversité. Ils vont contre l’intérêt public majeur. Toutes les personnes préoccupées par cette intérêt restent donc légitimement fondées à s’opposer au projet d’aéroport. Ils ont raison au regard du droit fondamental des humains à un environnement sain.

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