Média indépendant, en accès libre pour tous, sans publicité, financé par les dons de ses lecteurs

ÉditoGrands projets inutiles

La Zad n’est qu’un commencement

Dans la lutte de Notre-Dame-des-Landes est née une formidable expérience d’alternative à la société capitaliste : la Zad. Quel est son avenir ? Assurer la victoire, résoudre la question de la terre, soutenir les terrains où l’on se bat contre la volonté folle de destruction du monde.


Quel pourrait être l’avenir de la Zad et quelles sont les questions qui se posent à ceux qui y vivent et à ceux qui s’en sentent proches par la pensée, l’amitié ou la solidarité ?

Un premier point essentiel est que la page n’est pas encore tournée, la victoire n’est pas encore acquise. Certes, Jean-Marc Ayrault n’est plus Premier ministre et l’intérêt des pouvoirs pour le projet d’aéroport est très limité. Certes, le lancement par la Commission européenne en avril dernier d’une procédure d’infraction contre la France sur le dossier de Notre Dame des Landes est un coup très dur porté aux promoteurs du projet. Certes de nombreux indices permettent de penser que ces promoteurs se fatiguent et perdent de leur énergie.

La victoire n’est pas acquise

Mais une chose frappe dans l’état actuel de déliquescence du capitalisme, c’est qu’il déploie une énergie stupéfiante pour se maintenir malgré le délabrement généralisé qu’il provoque tant dans la vie de la biosphère que dans le champ des relations humaines.

Par exemple, on aurait pu penser qu’après l’échec subi en Europe dans la tentative d’imposer les OGM et qu’au vu des conséquences néfastes de leur culture maintenant visibles aux Etats-Unis ou en Argentine, la bataille contre les OGM était gagnée. Eh bien non. A peine le front des opposants aux OGM a-t-il paru s’affaiblir que les multinationales et les zélateurs des transgéniques sont repartis en Europe à l’assaut.

Les capitalistes, les productivistes, les croissancistes, les dominants, appelez-les comme vous voulez, n’abandonnent pas un terrain tant qu’on ne leur a pas fait rendre gorge. L’impunité dont ils jouissent aujourd’hui dans la gestion du système social planétaire fait que, s’ils sont contraints de reculer face à une résistance particulière, ce recul n’est que temporaire.

Donc, l’avenir de la Zad doit rester celui de la lutte, de la vigilance, de la résistance, dans une veille d’autant plus difficile que l’adversaire semble s’assoupir et que l’attention du public se détache de l’enjeu. Pour assurer la victoire, il faut se persuader qu’elle n’est pas acquise.

Prototype d’une société à venir

Une deuxième perspective sur l’avenir de la Zad est que celle-ci approfondisse son caractère enthousiasmant de prototype d’une société à venir. Que, soulagée de la pression policière et politique – même si, on l’a vu, il faudra rester constamment en alerte -, s’y épanouissent toutes les potentialités de vie en commun émancipée de l’esprit de compétition et de cupidité qui imprègne la société dominante.

Ceux qui vivent sur la Zad sauront dire comment, au quotidien, ils explorent ensemble et rendent réelles ces potentialités.

Si je pense ici aux relations humaines, le travail sur le bien commun doit aussi porter sur un enjeu politique difficile : il s’agit de la question de la terre. Les terres de la Zad sont pour l’instant la propriété du Conseil général et leur utilisation pérenne reste incertaine.

Le partage des terres

Il est essentiel que tous les occupants de la Zad, exploitants agricoles, zadistes, Copain 44, définissent ensemble la meilleure manière de vivre ensemble de cette terre, en faisant en sorte que cette manière illustre les idées de bien commun qui sont au cœur de la lutte.

Cette réflexion a été très bien engagée par l’engagement de Copain 44 et des exploitants de ne pas entrer dans une logique d’agrandissement des exploitations actuelles, très bien engagée aussi par le collectif Sème ta Zad.

L’avenir de la Zad repose sur ce pilier fondamental : comment cultiver ensemble et de manière écologique les terres ? Si paysans, zadistes et citoyennistes relèvent avec succès ce défi, ce sera un des plus beaux fruits de l’aventure de Notre Dame des Landes.

Une alchimie belle et fragile

La force de ce qui se passe ici découle aussi de l’alchimie délicate qui s’est créée dans la lutte entre des groupes et des personnes de sensibilités, de cultures, d’âges et de convictions différents. Tout le monde ici a appris les uns des autres, s’est heurté souvent, s’est engueulé parfois, a fait des compromis, a progressé ensemble, et toujours a maintenu l’alliance en surmontant les conflits.

Cela devrait aller sans dire, mais l’avenir de la Zad découle de la vivacité de cet esprit d’alliance, qui est là aussi une clé qui pourrait inspirer tant de luttes en France et ailleurs.

La force des capitalistes ne nait pas de leur puissance, mais de notre désunion. L’union est une des plus belles plantes qui aient grandi à Notre Dame des Landes. C’est une plante délicate, difficile, exigeante, mais qu’elle est forte quand elle s’est enracinée ! Il faut l’entourer des meilleurs soins pour pouvoir la transplanter dans d’autres terreaux.

Zad partout !

Enfin, l’avenir de la Zad, c’est de savoir ne plus être la Zad, de s’articuler avec les luttes partout – je pense aux Mille vaches, au Testet, à Cigéo, au Lyon-Turin, à Saint-Jean-de-Braye, à Hambach, à… à tant d’endroits où l’on se bat contre la volonté folle de destruction du monde.

S’articuler aussi avec les luttes globales, dont une vitale est celle qui se réorganise sur le changement climatique. La Zad peut être un tremplin, une terre d’accueil, un refuge, un lieu de réflexion et d’espoir.

Alors, parviendrez-vous, parviendrons-nous, à former ce bel avenir ? Il faudra surmonter la fatigue, éviter la discorde, savoir ne pas devenir une espèce de Disneyland de la révolte. Savoir rester simples tout en étant exemplaires.

Bon courage !

Alors que les alertes sur le front de l’environnement se multiplient, nous avons un petit service à vous demander. Nous espérons que les dernières semaines de 2023 comporteront des avancées pour l’écologie. Quoi qu’il arrive, les journalistes de Reporterre seront là pour vous apporter des informations claires et indépendantes.

Les temps sont difficiles, et nous savons que tout le monde n’a pas la possibilité de payer pour de l’information. Mais nous sommes financés exclusivement par les dons de nos lectrices et lecteurs : nous dépendons de la générosité de celles et ceux qui peuvent se le permettre. Ce soutien vital signifie que des millions de personnes peuvent continuer à s’informer sur le péril environnemental, quelle que soit leur capacité à payer pour cela.

Contrairement à beaucoup d’autres, Reporterre ne dispose pas de propriétaire milliardaire ni d’actionnaires : le média est à but non lucratif. De plus, nous ne diffusons aucune publicité. Ainsi, aucun intérêt financier ne peut influencer notre travail. Être libres de toute ingérence commerciale ou politique nous permet d’enquêter de façon indépendante. Personne ne modifie ce que nous publions, ou ne détourne notre attention de ce qui est le plus important.

Avec votre soutien, nous continuerons à rendre les articles de Reporterre ouverts et gratuits, pour que tout le monde puisse les lire. Ainsi, davantage de personnes peuvent prendre conscience de l’urgence environnementale qui pèse sur la population, et agir. Ensemble, nous pouvons exiger mieux des puissants, et lutter pour la démocratie.

Quel que soit le montant que vous donnez, votre soutien est essentiel pour nous permettre de continuer notre mission d’information pour les années à venir. Si vous le pouvez, choisissez un soutien mensuel, à partir de seulement 1 €. Cela prend moins de deux minutes, et vous aurez chaque mois un impact fort en faveur d’un journalisme indépendant dédié à l’écologie. Merci.

Soutenir Reporterre

Abonnez-vous à la lettre d’info de Reporterre
Fermer Précedent Suivant

legende