« La boule au ventre quand on parle de notre avenir, ça pousse à se mobiliser »

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Climat Luttes Extinction RebellionLa première semaine de « rébellion internationale d’octobre » du mouvement Extinction Rebellion s’achève ce lundi 19 octobre. Des actions ont eu lieu dans plusieurs villes de France, d’autres se poursuivront cette semaine. Un militant raconte comment XR réussit à se décentraliser malgré les difficultés à se mobiliser en temps de crise sanitaire.
Toboe (pseudonyme) est un membre du groupe local toulousain d’Extinction Rebellion. Âgé de 33 ans, il a rejoint le mouvement il y a un peu plus d’un an et est en charge aujourd’hui de la communication. Il ne souhaite pas livrer son identité car il estime — comme de nombreux activistes d’Extinction Rebellion — qu’il faut parler d’XR en termes de mouvement global ou de groupe local, sans mettre en avant une personnalité en particulier.
Reporterre — Quel premier bilan tirez-vous de la rébellion internationale d’octobre (RIO), qui a duré une semaine ?
Toboe — La RIO n’est pas encore finie, il y a encore des événements prévus ce lundi 19 octobre, pour demander d’agir face à l’urgence climatique. On a eu un assez bon lancement la semaine dernière avec l’action qui s’est déroulée à la Tour Eiffel, nous avons déposé une banderole au premier étage. Ça a été très symbolique mais ça a bien fonctionné.
A contrario, on avait prévu une action d’envergure à Paris : le blocage du ministère de la Transition écologique. On voulait y rester plusieurs jours, finalement on s’est fait sortir assez vite. Néanmoins, on a quand même essayé de porter notre message sur place et sur les réseaux sociaux. Surtout, contrairement à l’an passé, nous avons fait des actions ailleurs en France, pour toucher plus localement.

De quelle manière procédez-vous pour décentraliser le mouvement dans d’autres régions ?
Beaucoup d’actions d’envergure se font à Paris parce qu’il y a plus de monde sur place. Mais on invite grandement les petits groupes locaux à s’emparer des sujets, à se former en ligne grâce à nos outils, et à organiser des actions en les adaptant à leur sauce. Sans être exhaustif, à Nantes, le groupe local a bloqué le Conseil régional pour protester contre le projet industriel du Carnet. À Bordeaux, le groupe local a mis hors service 193 trottinettes électriques en libre service, en recouvrant leur QR code pour les rendre inutilisables. Ils ont aussi replanté des végétaux pour reprendre la possession des espaces publics bordelais. À Lille, il y a eu une occupation devant un supermarché pour parler de l’alimentation... C’est vraiment à l’appréciation de chaque groupe. On essaie de faire en sorte d’être partout sur le territoire, de montrer des actions fortes et symboliques à Paris, dans les groupes locaux et à l’international. Comme les mobilisations en Italie cette semaine, et en Angleterre en septembre.
Comment le reste des citoyens accueillent-ils vos actions ?
C’est assez divers. Dans l’ensemble, quand on a des temps calmes sur des blocages, qu’on a la possibilité de discuter avec les gens autour, ça se passe plutôt bien. Quand les blocages sont vite défaits, on n’a pas le temps d’avoir des interactions avec les personnes autour de nous, on n’a pas le temps d’expliquer ce qu’on fait. D’habitude on les invite à nous rejoindre ou à se renseigner, on a beaucoup de supports en ligne et notre action passe aussi par la diffusion d’informations.
De quelles façons réussissez-vous à vous mobiliser malgré la crise sanitaire ?
C’est compliqué en ce moment de mobiliser autour d’événements et d’actions, beaucoup plus que l’an passé — ça vaut pour toute la sphère militante. Nous avons une bonne base d’activistes motivés, qui sont toujours là, puisque l’urgence climatique est toujours là. Des activistes ont encore cette boule au ventre quand on parle de notre avenir. Ça pousse à se mobiliser. Mais, de fait, on perd pas mal de sympathisants. On doit aussi s’adapter aux normes sanitaires, faire des actions en plus petit nombre et en respectant les gestes barrière.

Le mouvement existe en France depuis plusieurs mois, il progresse dans les grandes villes. Quelle direction va-t-il prendre ?
L’avenir nous le dira, la réflexion est continue. On apprend toujours de nos erreurs. Si nos modes d’actions deviennent moins pertinents on s’adaptera. Par exemple, nous ne pouvons plus vraiment faire de gros blocages, donc nous nous répartissons en plus petit groupes, comme vendredi 16 octobre où quelques personnes ont bloqué des cimenteries. C’est collectivement que des décisions seront prises pour aller dans telle direction ou dans une autre.
- Propos recueillis par Justine Guitton-Boussion