Avec la chaleur tardive, fruits et légumes dépérissent

Des pommes brûlées par le soleil à Loriol-sur-Drôme, dans la Drôme, le 11 octobre 2023. - © Anouk Anglade / Reporterre
Des pommes brûlées par le soleil à Loriol-sur-Drôme, dans la Drôme, le 11 octobre 2023. - © Anouk Anglade / Reporterre
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Fruits abîmés par le soleil, cultures précoces, arbres en fleurs… Les fortes chaleurs de cet automne ont de multiples effets sur l’agriculture. Dans la Drôme, le constat est accablant.
Loriol-sur-Drôme (Drôme), reportage
L’été semble perdurer en plein mois d’octobre. Arboriculteur bio à Loriol-sur-Drôme, Marc Fauriel observe avec désarroi ses vergers abîmés par la météo estivale. Plusieurs centaines de pommes tapissent le sol de ses champs. Calcinés par le soleil, certains fruits s’assèchent et tombent depuis plusieurs semaines alors que la récolte n’a pas encore commencé. « Les pommes sont brûlées, elles manquent de coloration, elles tombent, se désole-t-il. Il n’a pas fait assez froid. »
Ce n’est pas la seule anomalie qu’observe l’agriculteur. Le climat inhospitalier de ces derniers jours bouleverse tout le cycle du vivant : ses abricotiers produisent de nouvelles pousses alors qu’ils devraient être au repos, certains bourgeons de cerisiers se mettent à éclore alors que le phénomène ne se produit habituellement qu’au printemps… La nature est déboussolée.

À terme, la plante dépérit
Sécheresse et chaleur fatiguent les végétaux, qui ne sont plus censés produire de matière verte en automne. À cette période, les arbres se préparent normalement à la saison suivante.
« L’énergie produite par la photosynthèse à l’automne est mise en réserve pour le démarrage de la saison suivante, explique Marie Launay, directrice adjointe de l’unité Agroclim à l’Inrae. Si la plante souffre et continue sa croissance, elle va peu mettre en réserve et si les mauvaises années s’enchaînent, elle peut s’épuiser et dépérir. » Contrairement aux cultures annuelles (semées chaque année), les cultures pérennes peuvent cumuler les effets néfastes des années difficiles si celles-ci s’enchaînent.
« Ce que l’on voit depuis maintenant plusieurs décennies, c’est un avancement et un raccourcissement des cycles de culture », ajoute la scientifique. Les récoltes ont lieu plus tôt et les végétaux mûrissent sur un temps plus court. Ce phénomène peut altérer leur qualité, leur taille ou encore leur couleur.
Nicolas Rozier, maraîcher bio à Montélimar, observe lui aussi des changements dans le cycle de ses cultures, notamment cette année : « J’ai eu un gros souci avec les salades d’hiver qui sont immédiatement montées en fleurs, c’est étonnant pour la saison. » La chaleur a également accéléré le développement de certains de ses légumes qui sont arrivés plus tôt que prévu, comme les navets. « Ils ont 2 à 3 semaines d’avance », précise le Drômois.
La chaleur profite aux ravageurs
Le dérèglement climatique profite à certains insectes ravageurs. Dans le verger de Marc Fauriel, certains rameaux de pommiers sont recouverts d’une substance blanche à l’aspect cotonneux. Il s’agit de pucerons lanigère. Ces insectes s’attaquent aux jeunes pousses de l’arbre pour y extraire la sève. « Normalement, il n’y en a plus à cette période », dit l’arboriculteur.

De nombreux ravageurs profitent de cet été plus long et prolifèrent en multipliant leurs cycles de reproduction. « C’est aussi le cas des champignons pathogènes, responsables de maladies », ajoute Marie Launay. Ces organismes ont une grande diversité génétique et peuvent rapidement s’adapter à une plus large gamme de température. Ils vont donc s’adapter plus vite que les plantes cultivées dont on sélectionne les variétés.
Face au dérèglement climatique, adopter des variétés plus adaptées aux chaleurs et à la sécheresse s’avère nécessaire. Pour Marc Fauriel, « ça ne va pas être évident, mais on sait qu’on n’a pas le choix ».
Cet épisode de fortes chaleurs devrait heureusement s’apaiser le 14 octobre. Météo-France prévoit un rafraîchissement conséquent, avec des températures qui rejoindront simplement les normales de saison. Pour les agriculteurs, le mal est déjà fait.