La fin du plastique à usage unique n’est pas pour demain

- Pexels / CC / Karolina Grabowska
- Pexels / CC / Karolina Grabowska
Durée de lecture : 4 minutes
Déchets QuotidienUne coalition d’ONG place la France sur le podium européen de la lutte contre le plastique à usage unique. Mais elles ne sont pas dupes : il existe un gros décalage entre la loi et son application.
Voilà un fait assez rare pour être souligné : la France serait l’une des meilleures élèves du continent dans l’élimination progressive du plastique à usage unique. Chapeau bas. C’est du moins ce que l’on dirait si l’on se contentait de survoler le rapport, publié mercredi 21 septembre, par une coalition d’ONG appelée Rethink Plastic Alliance. En réalité, le pays a bel et bien voté des mesures antiplastique... mais ellles sont peu appliquées.
En juin 2019, Bruxelles a adopté une directive sur ces plastiques à usage unique. Elle imposait notamment à tous les gouvernements d’interdire, à l’horizon de juillet 2021, plusieurs articles en plastique à usage unique tels que couverts, pailles, cotons-tiges, touillettes... Elle enjoignait également les États à lancer des campagnes de sensibilisation. Dans son évaluation annuelle, les experts de Rethink Plastic Alliance ont étudié les progrès réalisés par chacun des pays membres de l’Union européenne concernant l’adoption de mesures nationales visant à enrayer l’utilisation du plastique jetable.
Quatre années après l’adoption de ces obligations, le rapport révèle que d’importants progrès ont été signés par une majorité de pays de l’Union… avec l’Hexagone en tête. « La France trône en élève modèle car les différents aspects de la directive européenne ont été transposés en droit dans la loi antigaspillage de février 2020, précise à Reporterre Laury Pomes, de l’association No Plastic in my Sea. Seulement, dans les faits, celle-ci est loin d’être appliquée. »
« Nous n’y sommes pas du tout »
Sur le papier, le gouvernement français est bien en pointe. Réduction de 20 % des emballages plastiques à usage unique d’ici à 2025, suppression de 100 % des emballages inutiles à l’horizon de la même date, réduction de 50 % des bouteilles en plastique pour 2030… Les promesses pleuvent, sous les acclamations de la majorité présidentielle, et l’interdiction globale de ces emballages d’ici 2040 est, assure le gouvernement, l’objectif final.
Derrière ces discours, la situation est moins reluisante. « Cet été encore, au mois de juillet, les ventes de bouteilles d’eau en plastique ont explosé de 20 %. Comment croire sérieusement que nous réussirons à tenir notre objectif sur la question ? », s’interroge Laury Pomes. Elle regrette qu’aucun plan d’actions précis n’accompagne les articles de la loi antigaspillage.

Un autre sujet d’inquiétude concerne les campagnes nationales de sensibilisation. La France prévoit simplement l’intégration de quelques notions dans les programmes pédagogiques. « Rien d’autre n’a été fait, nous n’y sommes pas du tout, poursuit-elle. Prenons par exemple le droit de venir faire les courses avec ses propres contenants : aucune information n’a été communiquée aux consommateurs et aux vendeurs. »
L’État ne réalise aucun contrôle
Si les interdictions sont l’une des mesures phares introduites par la directive, bon nombre d’articles censés être bannis circulent encore sur les marchés français et européen. Au-delà des intentions affichées, les associations réclament donc l’application et le respect des mesures votées à l’Assemblée. « Aujourd’hui, c’est nous qui portons la charge des contrôles. Est-ce le rôle d’une association ? Je ne pense pas. C’est au gouvernement de s’en occuper », s’agace la représentante de No Plastic in my Sea.
Ce décalage entre les textes de lois et leur application a un goût amer de déjà vu. Si les sacs plastiques devraient avoir disparus depuis le 1er janvier 2017, la tâche est aisée d’en trouver dans l’épicerie ou la boulangerie du quartier. « Quant aux autres commerces, ils les ont remplacés par des sacs plastiques à l’épaisseur légèrement supérieure, ce qui leur permet d’être classés comme réutilisables. Seulement, dans l’esprit des clients, ces nouveaux sacs restent des sacs à usage unique qu’ils s’empresseront de jeter une fois arrivés chez eux. »
Malgré tout, comme en 2021, l’Hexagone fait partie des pays les plus performants, avec la Grèce et la Suède. Ce trio a été rejoint en 2022 par le Luxembourg, Chypre, la Slovénie, la Lettonie, le Danemark et le Portugal. Du côté des mauvais élèves, la Finlande et la Pologne n’ont toujours pas transposé la directive dans leur droit national. « Cette législation européenne a le potentiel pour devenir une référence mondiale, a déclaré la fondation Surfrider. Mais cela ne sera possible que si les gouvernements comblent les lacunes restantes. »