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ReportageClimat

La mine géante de charbon allemand est bloquée par les activistes du climat

Deux mille activistes ont entamé vendredi 13 mai le blocage de la mine de charbon de Welzow, dans l’Est de l’Allemagne. Objectif : en finir avec le charbon et protéger le climat. Récit.

  • Actualisation - Dimanche 15 mai - Les militants ont mis fin au blocage dimanche après-midi, estimant avoir réussi leur action. La centrale à charbon a en effet cessé de fonctionner, faute d’approvisionnement. Samedi soir, il y a eu 120 arrestations, toutes les personnes interpellées ont été libérées dimanche. Des militants et des journalistes ont par ailleurs été attaqués par des salariés de Vattenfall et des groupes de néo-nazis.

  • Welzow (Allemagne), reportage

Trois groupes, trois couleurs : les rouges, les verts et les bleus. L’équipe verte a pour mission de couper l’approvisionnement de la centrale de Schwarze Pumpe en bloquant ses principaux rails d’accès. Les rouges s’occupent de pénétrer sur les parties hautes de la mine voisine de Welzow, tandis que les bleus ont le périlleux objectif de s’introduire dans son coeur névralgique, au plus près des excavatrices géantes. Trois couleurs qui contrastent avec le noir charbon de cet immense trou.

Un dernier entraînement aux tactiques de défense face aux forces de l’ordre, une ultime mise au point par le collectif organisateur Ende Gelände, et les colonnes sont prêtes à partir, peu avant 13h ce vendredi 13 mai. Le camp de base est à deux heures de marche des différentes cibles. Le soleil tape sévèrement pour un mois de mai, les visages sont blanc de crème solaire. “J’hésite à en mettre parce qu’avec les différents gaz dispersants, ça colle sur la peau”, entend-on parmi les nombreux Français présents.

De nombreux Français sont venus participer à l’action

“Nous marchons, nous marchons, nous n’avons pas besoin de charbon”

Le cortège à la bannière verte s’ébranle, environ cinq cents militants en combinaison blanche et masque de protection entonnent des slogans polyglottes réclamant justice climatique et fin des énergies fossiles. Ils serpentent à travers des bois de pins voués à être prochainement engloutis par l’extension de la mine de Welzow Süd.

“Il faut que tous les investissements dans le secteur de l’énergie aillent vers les renouvelables, et pas dans l’agrandissement ou la construction de nouvelles mines”, estime une jeune Allemande, qui participe à sa première action de désobéissance civile. Ce type de mobilisation est, selon elle, “bien plus efficace que les manifestations classiques”.

Deux heures de marche pour atteindre la mine

Une opinion partagée par Alain, militant venu de région parisienne. Pour lui, “la désobéissance civile donne la sensation d’avoir une prise sur le concret, de lutter contre le sentiment habituel d’impuissance qu’on peut avoir face à l’impunité des puissants. Cela crée un rapport de force. Ici, on a tous la conviction d’être légitimes et d’être là pour défendre l’avenir.”

Pas de matraques, pas de gaz lacrymogènes

A deux cents mètres de l’arrivée, alors qu’il ne reste qu’une butte à franchir, le groupe de marcheurs se scinde en deux pour avoir plus de chances de se faufiler entre les bataillons des forces de l’ordre. Le souvenir des matraques de Garzweiler l’été dernier est toujours bien présent.

Mais cette fois, l’invasion se fait sans heurts, sous les yeux d’une petite poignée de policiers. Iris Filohn, porte-parole de la police locale, explique que “comme la mine n’est pas clôturée, le délit de violation de propriété privée n’est pas constitué”. Faute de triques, les agents de la force publique jouent les Big Brother, avec des caméras chargées de documenter d’éventuels délits.

Les militants, eux, se sont installés en rangs serrés au pied d’une convoyeuse. Leur arrivée en trombe a soulevé la poussière noire et donne à chacun des airs de Germinal.

Au bout de deux heures de siège, chacun a pris ses marques (et ses coups de soleil. Michelle et Samuel, deux activistes suédois, tuent le temps en jouant une petite saynète. Ils ont tenu à être là parce que le propriétaire de la mine, Vattenfall, est une entreprise publique suédoise. “Nous sommes ici parce que c’est notre responsabilité à nous aussi, les Suédois, raconte la jeune femme. Nous voulons mettre la pression sur notre gouvernement pour qu’il ferme progressivement ses mines de lignite en Allemagne et ailleurs”.

Un mégaphone couvre les discussions : “Je suis heureux de vous annoncer que les rouges et les bleus ont aussi réussi, ils sont entrés dans la mine, notre blocage est donc effectif”. Les applaudissements et les hourras retentissent.

Reste maintenant à durer. Une camionnette apporte le ravitaillement en eau et des toilettes mobiles. Vendredi soir, les militants n’avaient toujours pas quitté les lieux. “L’objectif final, c’est que la centrale ne puisse plus fonctionner, qu’elle soit complètement à l’arrêt”, explique l’un des co-organisateurs. Pour cela, il va falloir bloquer son approvisionnement en charbon plus de vingt-quatre heures. Vattenfall, l’entreprise gestionnaire, a fait des stocks en prévision. La guerre d’usure a commencé.


UN CAMP CLIMAT POUR PREPARER ET ACCOMPAGNER LE BLOCAGE

C’est au coeur de l’un des plus grands bassins miniers d’Europe que s’est installé pendant une semaine le 6e Camp pour le climat de Lusace. Base arrière conviviale des “désobéissants civils”, on y cuisine à l’énergie solaire, discute sortie du charbon et solutions durables, fabrique des banderoles, joue au théâtre, s’initie au Tai Chi… Les participants manifesteront ce samedi après-midi 14 MAI, aux côtés d’habitants des environs, contre les projets d’extension de mines de charbon.


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