Le discours : autonomie alimentaire. La réalité : bétonnage des terres

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Bâtisse du XIXe siècle, la ferme de Renaudié, en périphérie d’Albi, a été détruite jeudi 22 mars. Ses neuf hectares de terres fertiles verront pousser un magasin de bricolage et un restaurant « rapide ». L’auteur de cette tribune met en parallèle la communication municipale vantant l’autonomie alimentaire à venir et la mise à mort de terres agricoles proches du centre-ville.
Jean-Laurent Tonicello habite Albi, dans le Tarn. Il est adhérent de l’Association albigeoise pour un développement urbain respectueux.
Il y a quelques mois, j’ai reçu des courriels et des appels téléphoniques enthousiastes et envieux. Des quatre coins de France. Il faut dire que j’habite Albi, dans le Tarn et qu’à Albi, voyez-vous, on prépare l’autosuffisance alimentaire. Rien que ça. Des quatre coins de France, donc, le même refrain : « Quelle chance tu as de vivre dans une ville aussi verte, une ville dirigée par des précurseurs-seuses, des visionnaires ! »
Et puis ce matin, au réveil, j’ai reçu un autre courriel : la ferme de la Renaudié, à Albi, sise sur 9 hectares de bonne terre fertile, au bord du Tarn, la ferme de la Renaudié a été attaquée et démolie par les bulldozers. Un tas de gravats, voilà tout ce qu’il reste de cette belle bâtisse du dix-neuvième siècle. Pourquoi ? Pour bâtir un énième magasin de bricolage, un Leroy-Merlin, avec des restaurants (dont un rapide, suivez mon regard) et des parkings, et du béton, partout du béton.
Bêtement, j’avais pensé que pour « revitaliser » les centres-villes, on pouvait trouver mieux que construire encore et toujours des zones commerciales en périphérie. Je les avais cru un peu vaccinés, nos édiles, après Sivens et Notre-Dame-des-Landes. C’en était fini des projets d’aménagement imposés, des bulldozers dans les prés sans même attendre la fin des procédures juridiques, du mépris autoritaire envers les « riverains » opposants au projet. Le bon sens, la concertation et l’intérêt commun allaient prévaloir.
Naïvement, j’avais cru que pour assurer l’autonomie alimentaire d’une ville de 50.000 habitants, il fallait conserver des terres agricoles, permettre à des maraîchers de s’y installer, privilégier des circuits courts, mettre un terme à l’artificialisation des sols, suivre la stratégie nationale de transition écologique vers un développement durable 2015-2020 qui promeut une « nouvelle réflexion pour limiter l’artificialisation et la consommation des terres agricoles ».
« En même temps », la petite mélodie du moment, qui dit tout et son contraire
Ah ! comme nous y avons cru, comme il était doux ce rêve, comme il faisait bon vivre dans cette ville autosuffisante, soucieuse de chacun et chacune, prenant soin des terres, des arbres et des rivières.
Mais ce jeudi 22 mars, à 6 h du matin, le réveil a sonné. Les bulldozers sont dans le pré. Ce même jour, à 22 h, un champ de ruines et des grilles autour, gardées par des vigiles.
Le réveil a sonné, serinant la petite mélodie du moment, celle du « en-même-tempstisme ». Vous savez, celle qui dit tout et son contraire en même temps. Mme Guiraud-Chaumeil, maire d’Albi et présidente de la communauté d’agglomération du Grand Albigeois, la connaît déjà par cœur. Elle nous chante qu’on peut bien sûr bétonner les terres fertiles qui restent tout en préparant en même temps l’autonomie alimentaire.
Depuis le 22 mars, je n’ai reçu aucun courriel ni aucun coup de téléphone. Albi ne fait plus la « une ». La ferme est détruite dans un silence assourdissant, aucune équipe de télé n’est venue en excursion dans la capitale du Tarn voir où en était l’autonomie alimentaire. Les bulldozers font leur office, les bétonneuses sont prêtes. La réalité fait moins de bruit que la com’.