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Mines et métaux

Le projet de loi Hulot sur les hydrocarbures clôt la bataille du gaz de schiste

Ce mercredi, le Conseil des ministres examine le projet de loi présenté par Nicolas Hulot interdisant l’exploitation de nouveaux hydrocarbures. Si le texte clot l’affaire du gaz de schiste, il laisse subsister des incertitudes en outre-mer et sur le gaz de couche.

En février dernier, le candidat Macron exprimait « son souhait de ne plus délivrer de permis d’exploration d’hydrocarbures ». Chose promise, chose (presque) due : ce mercredi 6 septembre, le Conseil des ministres doit adopter un projet de loi relatif à l’interdiction de l’exploitation des hydrocarbures, porté par Nicolas Hulot.

« C’est un projet de loi sincère, qui ferme définitivement la porte des hydrocarbures non conventionnels et entérine une sortie progressive des autres types d’hydrocarbures en France », résume l’avocat en droit de l’environnement Arnaud Gossement. La version définitive du texte devrait être révélée ce matin, mais l’on en connaît déjà les principales mesures :

  • l’interdiction de l’exploration et de l’exploitation des mines d’hydrocarbures non conventionnels. Leur exploitation par la technique de fracturation hydraulique — la seule disponible à ce jour — avait déjà été interdite en 2011. Mais le texte précise que l’interdiction se posera désormais « quelle que soit la technique utilisée » ;
  • l’interdiction progressive, d’ici à 2040, de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures conventionnels (pétrole et gaz principalement). Ainsi, aucun nouveau permis d’exploration ne sera accordé, et les concessions d’exploitation existantes ne seront pas renouvelées.

« En apparence, c’est une loi pionnière, observe Nicolas Haeringer, de l’ONG 350.org. Mais en réalité, il s’agit d’un texte en demi-mesure, qui contient pas mal de manques et d’angles morts. » Premier raté, selon lui, « l’octroi de permis d’exploitation n’est pas complètement gelé ». « Si une compagnie qui dispose aujourd’hui d’un permis de recherche découvre un gisement, elle pourrait demander une concession d’exploitation dans la foulée, ce qui repousserait de plusieurs années la fin de la production de pétrole », précise-t-il. « Tous les permis d’exploitation prendront fin en 2040, répond Xavier Ploquin, conseiller énergie de Nicolas Hulot, lors d’un point presse téléphonique mercredi matin. Nous n’avons pas voulu remettre en cause les droits acquis par les compagnies, afin d’éviter tout risque de contentieux. »

« L’avenir est aussi sous nos pieds. N’y renonçons pas » 

Le gouvernement cherche ainsi à ménager l’industrie pétrolière, vent debout contre ce projet, en donnant le temps de s’adapter aux entreprises du secteur. Pour Francis Duseux, président de l’Union française des industries pétrolières, « même si la consommation d’hydrocarbures va diminuer, notre pays aura encore besoin pendant de nombreuses années de gaz naturel et de pétrole, estime-t-il dans un communiqué. Soyons pragmatiques et ne mettons pas en péril des acteurs qui contribuent à la richesse nationale. L’avenir est aussi sous nos pieds. N’y renonçons pas ». Mais pour Nicolas Haeringer, « si nous voulons tenir les engagements de l’Accord de Paris, aucune nouvelle infrastructure pétrolière ne doit être développée ».

Autre déception, « rien n’est dit sur le gaz de couche ». En Lorraine et dans le Nord, ce méthane contenu dans les couches profondes de charbon (entre 1.000 et 2.000 m de profondeur) attise la convoitise des industriels, dont la Française de l’énergie. Or son exploitation, en plus d’être polluante, nécessite un recours à la très controversée technique de la fracturation hydraulique.

Un dépôt de pétrole à Frontignan (Hérault). Les 64 concessions d’hydrocarbures actuellement en cours de validité en France ne couvrent que 1 % de la consommation hexagonale, soit 815.000 tonnes de pétrole en 2016. Le reste est importé.

Pour les collectifs d’opposants en Lorraine et ailleurs, le texte confirme leurs craintes : en excluant le gaz de couche d’une interdiction immédiate, le gouvernement laisse la porte ouverte à sa future exploitation, avec un possible aménagement de la loi Jacob sur la fracturation hydraulique. Ils ont publié une lettre ouverte à Nicolas Hulot pour lui demander un rendez-vous de toute urgence.

Le conseiller Energie de Nicolas Hulot, Xavier Ploquin, se veut rassurant : « Le gaz de couche, ou gaz de houille, entre dans la catégorie des hydrocarbures conventionnels : il n’y aura donc pas de nouveaux permis de recherche. » En revanche, si la société La Française de l’énergie, qui bénéficie d’un permis de recherche en Lorraine, trouve un gisement intéressant de gaz de couche, elle pourra demander à l’exploiter jusqu’en 2040... sans fracturation hydraulique.

« Le projet de loi manque d’ambition, à l’image de l’action climatique internationale » 

Parmi les points d’interrogation, la situation de l’outre-mer semble encore floue. Les eaux de la Guyane, de Saint-Pierre-et-Miquelon, de la Martinique ou encore de la Nouvelle-Calédonie pourraient abriter des gisements importants. « La loi s’appliquera sur tout le territoire national, outre-mer compris », assure Xavier Ploquin. Pourtant, depuis la loi d’orientation pour l’outre-mer de 2000, l’encadrement des activités d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures aurait dû être confié aux collectivités d’outre-mer. Mais les décrets d’applications n’ont jamais été signés par le gouvernement, et ce, malgré une requête de la région Guyane ainsi qu’une injonction du Conseil d’État. Lasses d’attendre, les autorités guyanaises ont voté en 2016 le renouvellement du permis exclusif de recherches de la société Total au large des côtes du département. « Ce permis, dénommé Guyane maritime, ne sera pas remis en cause, précise le conseiller du ministère. En revanche aucun autre permis ne sera octroyé. »

Outre ces quelques pierres d’achoppement, c’est la philosophie globale du projet de loi qui interroge. « C’est un projet de loi avec un caractère symbolique important, mais qui reste circonscrit à la production d’hydrocarbures, sans s’attaquer au problème de la consommation », note Arnaud Gossement. Or les 64 concessions d’hydrocarbures actuellement en cours de validité en France ne couvrent que 1 % de la consommation hexagonale, soit 815.000 tonnes de pétrole en 2016. Le reste est importé. C’est pourquoi Francis Duseux estime que « le texte n’aura aucun impact sur la consommation de pétrole et conduira à augmenter les émissions de gaz à effet de serre puisque ce qu’on ne produit pas en France, il faudra l’importer ».

« Le projet de loi manque d’ambition, à l’image de l’action climatique internationale, conclut quant à lui Nicolas Haeringer. C’est une occasion manquée. » Pour Arnaud Gossement, il y a plus grave : « Ce texte signifie que le gouvernement repousse une nouvelle fois une véritable réforme d’ensemble du code minier qui est pourtant attendue depuis 2009. » Plutôt qu’une loi d’ampleur sur les ressources fossiles et minières, l’État aurait-il opté pour une transformation minimale, assortie d’une opération de com’ bien huilée ?

En tout cas, le ministère espère un vote de la loi avant la fin de l’année. Le texte devrait arriver devant l’Assemblée nationale fin septembre, avec une procédure d’examen accélérée.

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