Les repas à emporter, principale source de pollution marine

Un couvercle de soda en plastique. - Flickr/CC BY 2.0/Dean Hochman
Un couvercle de soda en plastique. - Flickr/CC BY 2.0/Dean Hochman
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Eau et rivières PollutionsCouvercles, couverts, bouteilles, boîtes... Les déchets issus de la restauration à emporter sont la « principale source de pollution plastique » dans les rivières et océans, selon une étude publiée dans Nature. Face à ces tonnes de détritus, les experts estiment que les actions gouvernementales restent encore timorées.
Du fond de l’océan aux plages en passant par les rivières, 80 % des déchets aquatiques sont du plastique [1]. Voilà l’un des résultats d’une étude financée par le ministère des Sciences et de l’Innovation espagnol et la Fondation BBVA, publiée jeudi 10 juin dans la revue Nature Sustainability. Cela n’était pas une surprise, précise à Reporterre Carmen Morales-Caselles, chercheuse à l’université de Cadix et autrice principale de l’étude. En revanche, « la très grande proportion de produits [entre 50 et 88 %] issus de la restauration à emporter nous a étonné. Nous ne pensions pas que ce serait la principale source de pollution plastique ».
Autre chiffre fort de l’étude : seulement dix produits représentent les trois-quarts de l’ensemble des déchets dans les océans. Sur ce podium se trouvent bien sûr les sacs, les bouteilles, les bouchons et les couvercles en plastique, mais aussi des canettes et des cordes ou filets de pêche.
Pour obtenir ces résultats, les scientifiques se sont basés sur douze millions de données. L’étude s’est concentrée sur les objets identifiables, soit « ceux qui mesurent plus de trois centimètres », détaille Carmen Morales-Caselles. Les fragments de déchets et les microplastiques ont donc été laissés de côté. « Plusieurs études se sont déjà penchées sur l’origine de la pollution plastique dans l’océan. Mais c’est l’étude la plus complète réalisée à ce jour. »

Les scientifiques ont constaté que la plus forte concentration de détritus se situe sur les rivages et près des côtes. Ces derniers sont poussés par le vent et les vagues, et s’accumulent. Les matériaux de pêche, tels que les cordes et les filets, ne sont pour leur part présents qu’en haute mer, où ils représentent environ la moitié des déchets.
Dans le détail, les pailles et les touillettes représentent « environ 2,3 % des déchets, les cotons-tiges et les bâtonnets de sucettes 0,16 % ». Les mesures prises pour les interdire — en France, les pailles et les cotons-tiges en plastique ne pourront plus être vendus à partir du 1er juillet — sont « les bienvenues », estime la chercheuse, mais risquent « de détourner l’attention de la lutte contre des types de déchets beaucoup plus courants ». « On se laisse distraire, on ne s’attaque pas au cœur du problème en interdisant uniquement les pailles en plastique », assène-t-elle. Au 1er janvier 2022, le suremballage des fruits et légumes frais de moins de 1,5 kilogramme [2], les sachets de thé en plastique et les jouets gratuits distribués en fast-food seront à leur tour interdits. Mais il faudra attendre le 1er janvier 2023 pour que la vaisselle jetable soit interdite dans les fast-food. « Ces interdictions sont les premières étapes. On avance sur le sujet, même si ce n’est pas assez rapide », résume Moïra Tourneur, responsable plaidoyer chez Zero Waste France, jointe par Reporterre.
« Les politiques doivent fermer le robinet des déchets marins »
Alors définir l’origine de ces déchets aquatiques pourrait-il permettre de lutter efficacement contre la pollution ? « Ces informations permettront aux décideurs politiques de prendre plus facilement des mesures pour essayer de fermer le robinet des déchets se déversant dans l’océan, plutôt que de simplement le nettoyer », souligne Carmen Morales-Caselles. Pour elle, l’identification des principales sources de plastique a en effet permis de déterminer clairement les actions à entreprendre pour stopper le flux de déchets à sa source.
Car si l’Europe a fini par bannir certains produits en plastique, Moïra Tourneur estime qu’il est urgent de sortir du système de l’usage unique : « Avec l’extraction du pétrole, la transformation, le transport, puis la pollution marine, l’usage unique a un impact écologique en amont et en aval pour seulement quelques minutes d’utilisation… » C’est pourquoi les chercheurs recommandent d’interdire les articles en plastique à emporter. Du moins ceux considérés comme « non-essentiels ».

Pour les autres, Carmen Morales-Caselles conseille aux fabricants de collecter les produits après usage ou bien d’opter pour un système de consigne. « Celui-ci doit devenir quasiment automatique. Ces plastiques ne doivent pas servir une seule fois, il faut généraliser la réutilisation et penser l’utilisation du plastique sur l’ensemble de sa chaîne de vie. Il est également important de développer les filières de recyclage, même si cette solution doit être la dernière à envisager. » Selon elle, la lutte contre la pollution plastique doit donc débuter « à la source » et passer par des politiques plus ambitieuses, la responsabilisation des producteurs et une meilleure information des consommateurs.