Lyon Turin : relance de la bataille juridique

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La coordination des opposants au projet de LGV Lyon-Turin a déposé hier un recours gracieux auprès du Premier Ministre, Jean-Marc Ayrault, contestant la déclaration d’utilité publique signée en août.
La lutte contre le projet de ligne ferroviaire à grande vitesse (LGV) entre Lyon et Turin a connu un nouvel épisode important en ce début de semaine. Alors que les parlementaires sont appelés à se prononcer sur la ratification d’un accord entre la France et l’Italie sur ce projet le 31 octobre, la coordination des opposants s’est adressée directement au Premier Ministre, mardi 22 octobre, en déposant un recours gracieux visant à contester la déclaration d’utilité publique du projet.
Le 23 août dernier, Jean-Marc Ayrault signe en effet un décret au Journal officiel déclarant « d’utilité publique et urgents » les travaux voués à mettre en place cette LGV. La décision était surprenante, un an après un rapport de la Cour des Comptes qui soulignait de nombreuses limites concernant l’évaluation des coûts, les prévisions de trafic, la non-optimisation de la ligne existante ou les méthodes de financement. Pour Daniel Ibanez, mandaté porte-parole de la coordination des opposants, cette décision du Premier ministre traduit « une méconnaissance totale des éléments essentiels du dossier ».
Dans un document de 170 pages qu’il a déposé hier à Matignon en même temps que le recours, le représentant des opposants dénonce de « très graves irrégularités dans l’enquête publique ». Il pointe du doigt des situations de perte d’impartialité et de gestion douteuse de la part de l’Etat : « L’arrêté d’ouverture de l’enquête publique est entaché d’une situation de conflit d’intérêt : deux des commissaires enquêteurs nommés dans le dossier du Lyon-Turin ont précédemment participé à la commission d’enquête du CFAL-Nord (Contournement ferroviaire de l’agglomération lyonnaise), impliqué à hauteur d’un milliard d’euros dans le financement du projet Lyon-Turin... ». Rappelant la loi de 2005 imposant l’impartialité aux enquêteurs publics, Daniel Ibanez promet d’autres exemples d’entorse au droit français dans ce dossier pour les semaines à venir.
Daniel Ibanez -
Derrière cette argumentation juridique, les opposants cherchent à faire prévaloir l’intérêt général. Ils justifient une légitimité à intervenir grâce à la large représentation de la société civile, avec des associations telles que les Amis de la Terre et plus de 500 citoyens résidant sur une des soixante-et-onze communes concernées (condition pour revendiquer un intérêt à agir) parmi les co-requêrants. On y trouve également la plupart des grands syndicats agricoles, de la FNSEA à la Confédération Paysanne, rassemblés pour l’occasion dans la lutte à ce projet d’infrastructure.
Le premier ministre a désormais deux mois pour retirer ou maintenir la déclaration d’utilité publique. Les opposants se veulent sereins : « Nous ne cherchons pas à gagner du temps. Notre dossier est prêt. Si le premier ministre confirme sa décision, ou s’il laisse passer le délai, nous saisirons le Conseil d’Etat le lendemain ». Plus qu’une question de temps, c’est de « bon sens » dont il est question, selon Daniel Ibanez : « Nous pensons qu’Ayrault n’a pas été renseigné sur ce dossier, car il n’aurait pas pu prendre une telle décision. Normalement, le recours sert à demander grâce. Mais au fond, c’est nous qui lui faisons grâce de nos informations et qui lui épargnons une décision irresponsable... ».