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Mais si, on peut vivre sans Google !

L’initiative « Dégooglisons internet », lancée par Framasoft, promeut des applications web alternatives à celles des grosses entreprises que sont Google, Microsoft et consorts. Elle se développe grâce au travail de bénévoles et passionnés de la communauté du logiciel libre.

« Nous sommes en 2014 après Jésus-Christ, toute la toile est occupée par des services centralisés… Toute ? Non ! Une communauté peuplée d’irréductibles libristes résiste encore et toujours à l’envahisseur. Et la vie n’est pas facile pour les garnisons des camps retranchés de Fermetum, Centralisum, Espionnum et Privatum... » On connaît l’air du refrain, mais qui sont dons ces libristes ? Et qui sont leurs ennemis ?

Le logiciel libre « désigne des logiciels qui respectent la liberté des utilisateurs. En gros, cela veut dire que les utilisateurs ont la liberté d’exécuter, copier, distribuer, étudier, modifier et améliorer ces logiciels » (selon GNU.org). Quant à Framasoft, c’est un réseau francophone dédié à la promotion et à la diffusion du logiciel libre, qui a lancé le projet Dégooglisons internet.

- Le manchot de Framasoft est inspiré de Tux, la mascotte de Linux -

« Se dégoogliser »

« C’est un nom de code, on en joue : nous, petite association francophone, on va s’attaquer à ce géant. Il est très puissant mais fragile : si tout le monde se déconnecte, ça tombe », explique Alexis Kauffmann, fondateur de l’association. Car Google, tout comme ses frères Facebook, Microsoft, etc., représente l’exact opposé de l’idéal libriste. Explications.

D’abord, les applications proposées par ces mastodontes du web sont propriétaires et fermées : « On ne connaît pas les logiciels. Et on signe des contrats dans lesquels certaines clauses disent que le contrat lui-même peut être changé sans prévenir », nous dit Alexis Kauffmann. Il est impossible d’avoir accès à l’intérieur des logiciels, à leur fonctionnement. C’est comme adopter un outil en n’en connaissant que l’apparence extérieur et sans savoir ce qu’il peut devenir.

Google est ensuite l’exemple typique du processus de centralisation d’internet. « Aujourd’hui, on ne navigue plus que sur quelques serveurs. Ça pose un vrai problème, on confie nos vies privées à des multinationales dont nous sommes complètement dépendants. »

Google est à la fois un moteur de recherche, un service de vidéo et de logiciels en ligne, une boîte mail, un système de lunette hi-tech et bientôt de voitures… Au contraire, pour Alexis Kauffmann, « la beauté d’internet ce sont les liens qui mènent d’un serveur à un autre ». Surtout, la centralisation rend possible les pires dérives en termes de liberté.

- Dessin FramaSoft de LL de Mars -

La vie privée est un autre point problématique. « Si une donnée seule, prise indépendamment, n’est pas forcément sensible, un ensemble de données peut le devenir (par exemple si vous avez fait des recherches sur le cancer avant de souscrire à une assurance-vie) », explique le site de cette initiative déjà cité. Or les grosses entreprises du web enregistrent nos données et les utilisent pour gagner de l’argent, à travers la publicité. « Il y a là quelque chose qui nous échappe », selon Alexis Kauffmann. Nous sommes dépossédés de ce qui fait notre singularité d’individus.

Enfin ces services centralisés qui enregistrent nos données sont un outil rêvé pour l’espionnage. « Les états sont capables aujourd’hui d’obtenir bien plus d’informations qu’un ’Big Brother’ ne l’aurait jamais rêvé », explique le site.

Décentralisation, solidarité, éthique et liberté

Face à ces quatre dangers, Framasoft déploie ses alternatives : la décentralisation, la solidarité, l’éthique et la liberté. À partir de ces valeurs, Framasoft veut proposer des logiciels libres remplaçant les applications propriétaires : à la place de Doodle, il existe Framadate, au lieu de GoogleDoc, Framapad, au lieu de Facebook, Framasphère, etc. (liste complète ici).

« On utilise souvent des logiciels existants. On repère les applications libres, on retouche les interfaces, et on les installe sur nos serveurs. Parfois on participe à améliorer les logiciels existants, parfois on les traduit juste », explique Alexis Kauffmann.

Dans tous les cas, les applications sont gratuites et sans publicité, assurent la plus grande interopérabilité (fait de pouvoir utiliser des données à partir de plusieurs applications) possible, leur code source est disponible, on peut participer à leur amélioration, et nos données restent sous notre contrôle.

- Capture d’écran de FramaDate -

Sortir des géants du web pour sortir de l’individualisme et des logiques financières

« On veut mettre en avant toutes ces solutions. Parce que ce qui est intéressant c’est que c’est possible de se dégoogliser, ça marche ! Souvent les gens disent : ’Vous imaginez si je me désinscris de Facebook demain, socialement c’est un véritable problème’. Effectivement, mais il faut déjà en prendre conscience. On veut d’abord faire réfléchir à l’état actuel d’internet et notre société, puis concrètement montrer qu’on peut se libérer de ces géants. Par exemple, il y a déjà 12 000 inscrits sur Framasphère, ce qui témoigne d’un réel intérêt », nous raconte Alexis.

« Ce qui nous unit, c’est la licence libre : les gens ont l’impression de participer à un truc ». L’esprit du logiciel libre est très lié à la licence libre qui permet aux auteurs de logiciels ou autres œuvres de concéder leurs droits d’auteur, en permettant l’usage, la modification ou la diffusion de leurs productions. Il ne s’agit donc plus pour chacun de faire son projet dans son coin, en faisant bien attention à ce que ses bonnes idées ne fuitent pas, mais au contraire de partager et de faire avancer des projets communs.

Pour fonctionner, ce beau projet mise à la fois sur du travail bénévole des membres de la communauté du libre, et sur des dons via une campagne de financement participatif. « Ça fait aussi partie du message. Facebook fonctionne sur une fausse gratuité, derrière il y a des actionnaires qui veulent du profit. Nous demandons 700 000 € sur trois ans, ce qui est beaucoup d’argent mais ridicule par rapport au chiffre d’affaire de Google. »

Une démarche qui en rappelle d’autres

Si on ne pense pas tout de suite au domaine de l’informatique quand on parle d’écologie, cette part de nos vies doit pourtant être prise en compte. Et les initiatives qui s’inspirent des valeurs du logiciel libre ont une logique très proche de celle de l’écologie.

« Les communautés du libre fonctionnent beaucoup sur un mode horizontal ou de bas en haut. On expérimente aussi les modèles alternatifs, on s’intéresse au revenu de base, parce qu’on voit bien qu’il y a un décalage entre ce qui produit de la richesse et ce qui motive les gens. »

Finalement, Alexis Kauffmann fait le parallèle entre le logiciel libre et le principe des communs, « des ressources gérées par une communauté de manière à ce qu’elles soient disponibles pour tous ». Si l’eau, des terres ou des forêts peuvent être gérées de cette manière, les services du web aussi !

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