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Climat

Malgré sa promesse, le gouvernement continue d’autoriser les vols intérieurs courts

Un Airbus A318 d'Air France utilisé par exemple pour un Bordeaux-Lyon.

Non, les lignes aériennes intérieures ne sont toujours pas interdites, même quand il existe une courte alternative en train. Le décret publié le 23 mai contient tant de dérogations qu’il en devient inutile.

À écouter le gouvernement, il serait désormais interdit de faire un trajet en avion en France métropolitaine lorsqu’il existe une alternative en train qui dure moins de 2 h 30. « Un pas de plus vers la décarbonation de nos transports », a twitté le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu à l’occasion de la publication d’un décret sur le sujet le 23 mai. « C’est un signal majeur et une première mondiale ! On continue ! », a renchéri Clément Beaune, ministre des Transports. Problème : c’est faux.

Cette interdiction des liaisons aériennes en cas d’alternatives ferrées était censée être l’une des mesures phares de la loi Climat et Résilience, promulguée en août 2021. Il aura fallu presque deux ans pour que le décret précisant ses conditions d’application soit publié. Et son contenu n’est pas satisfaisant. « C’est une succession de contraintes imprécises », résume Stephen Kerckhove, directeur général d’Agir pour l’environnement.

Le décret du 23 mai n’acte la fin que de trois lignes : Paris-Orly/Nantes, Paris-Orly/Lyon et Paris-Orly/Bordeaux. Trois lignes qui n’existaient déjà plus depuis 2021. Et qui pourront même, en toute légalité, être reportées vers Roissy-Charles-de-Gaulle.

D’après le décret, pour qu’une liaison ferroviaire soit considérée comme une alternative suffisante à un voyage en avion, elle doit cocher plusieurs cases : durer moins de 2 h 30, être directe sans correspondance, permettre plus de huit heures de présence sur place dans la journée, être assurée plusieurs fois par jour « avec un service satisfaisant (…) y compris au regard du caractère abordable des tarifs »« Un prix abordable, qu’est-ce que ça veut dire ?, réagit Stephen Kerckhove. Comme d’habitude, le gouvernement communique sur des interdictions tout en délimitant un texte dont on sait que les imprécisions vont permettre aux différents lobbys de l’attaquer. »

Le décret n’acte la fin que de trois lignes aériennes

Le décret indique également que le trajet alternatif doit s’effectuer entre des gares desservant les mêmes villes que les aéroports concernés. Avec une précision : « Lorsque le plus important de ces deux aéroports (…) est directement desservi par un service ferroviaire à grande vitesse, la gare prise en compte pour l’application des dispositions du présent alinéa est celle desservant cet aéroport. » Autrement dit, dans le cas de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle – utilisé pour partir de Paris (ou s’y rendre) – il convient de regarder les trains au départ de la gare de Roissy, et non ceux au départ de gares comme Paris Montparnasse pour savoir si l’interdiction s’applique.

Penchons-nous sur le trajet en train Roissy/Bordeaux. Il dure 3 h 44 et n’est pas considéré comme une alternative ferroviaire « suffisante » à la ligne aérienne reliant ces villes. Elle n’est donc pas interdite alors que... des trajets en train Paris-Bordeaux — depuis la gare Montparnasse cette fois ! — durent bien moins de 2 h 30.

Une validité de trois ans seulement

Ce décret ne s’appliquera que pendant trois ans. En 2026, le ministre chargé de l’Aviation civile devra procéder à une évaluation de la mesure, qui sera transmise à la Commission européenne pour envisager la suite. « Une durée de validité de trois ans, ça me laisse pantois, affirme Stephen Kerckhove. On a l’impression que c’est une expérimentation. »

L’association Agir pour l’environnement dénonce un « gouvernement qui préfère préparer la France à une hausse des températures de 4 °C [une référence à la consultation lancée par Christophe Béchu le 22 mai] plutôt que conduire une politique évitant cette hausse ». Cette mesure d’interdiction des trajets aériens lorsqu’une alternative ferroviaire existe avait initialement été proposée par la Convention citoyenne pour le climat. À l’époque, les membres étaient bien plus ambitieux que le gouvernement : ils fixaient la durée maximale à 4 heures de train.

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