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ReportageClimat

Loi Climat : les manifestants ne veulent pas « que des miettes »

Dimanche 28 mars, dans près de 180 villes, plus d’une centaine de milliers de manifestants ont réclamé une « vraie loi Climat ». Ils ont dénoncé le détricotage des mesures de ce projet de loi, discuté cette semaine en séance plénière à l’Assemblée nationale.

Paris, reportage

Un dessin d’Emmanuel Macron coiffé d’un bonnet d’âne, une note « 2,5/10 » accolée au portrait présidentiel, un écriteau dénonçant les « cent filtres de la loi Climat »... À Paris, place de l’Opéra, des activistes distribuaient dimanche 28 mars des pancartes aux formules variées, mais au même objectif : dénoncer le contenu du projet de loi Climat et résilience, étudié à partir de ce lundi 29 mars en séance plénière à l’Assemblée nationale.

À Paris, place de l’Opéra, des activistes distribuaient des pancartes.

Dans toute la France, des manifestations étaient organisées, pour réclamer « une vraie loi Climat ». Selon les organisateurs (plus de 680 organisations avaient appelé à se mobiliser), des rassemblements ont eu lieu dans 180 villes, réunissant en tout plus de 110.000 personnes — dont 55.000 à Paris et 10.000 à Lyon. La Préfecture de police annonce 44.000 en France et 11.000 à Paris

« Rehausser » l’ambition d’un projet de loi amputé

Lorsque Emmanuel Macron avait annoncé en avril 2019 qu’il allait regrouper 150 citoyens pour former une Convention et établir des mesures de lutte contre le changement climatique, nul doute qu’il ne s’attendait pas à cette tournure des événements.

Pendant plusieurs mois, les « conventionnels » ont appris, discuté et rédigé 149 propositions, que le président s’était engagé à reprendre « sans filtre » dans une loi. Depuis, Emmanuel Macron a pourtant émis des « jokers », les échéances de certaines propositions ont été repoussées, et la plupart des mesures ont été amputées. « Le projet de loi n’est pas suffisant », a déploré Agny Kpata, membre de la Convention citoyenne, lors de la manifestation parisienne.

Agny Kpata, membre de la Convention citoyenne, a estimé que le projet de loi Climat et résilience (censé reprendre les propositions de la Convention citoyenne) était « insuffisant ».

Et ce n’est pas tout. Lors de l’examen du texte de loi en commission spéciale, les amendements destinés à améliorer son contenu ont été soit rejetés, soit déclarés irrecevables. La procédure de temps législatif programmé a aussi été mise en place : pour éviter que les débats ne s’éternisent, les groupes parlementaires auront un temps de global de parole à ne pas dépasser. « On demande aujourd’hui aux parlementaires qui vont commencer à étudier le texte à partir de [lundi 29 mars] de prendre leurs responsabilités et de rehausser l’ambition de cette loi. Et on demande au gouvernement de laisser les députés pouvoir le faire », a réclamé le réalisateur Cyril Dion, garant de la Convention citoyenne.

Le réalisateur Cyril Dion (au centre), garant de la Convention citoyenne, était présent à la manifestation pour demander « aux parlementaires de rehausser l’ambition de cette loi ».

« Les populations sont prêtes à changer »

Partout en France, de Nantes à Strasbourg, en passant par Brest et Clermont-Ferrand, des citoyens se sont mobilisés pour dénoncer la situation, qualifiée par certains de « déni de démocratie ».

Dans la foule parisienne, on pouvait apercevoir toutes les générations. « Le projet de loi a été vidé de sa substance, a critiqué Sylvie, une manifestante de 65 ans. Les populations sont pourtant prêtes à changer, à manger moins de viande ou prendre moins l’avion par exemple. Ce sont les politiques, les riches, qui refusent. » « Si on a réussi à adapter nos comportements à cause de la pandémie, pourquoi on ne pourrait pas changer nos modes de vie pour la planète ? », s’est interrogée Sarah, 23 ans.

Partout en France, des citoyens se sont mobilisés pour dénoncer la situation, qualifiée par certains de « déni de démocratie ».

Même les plus petits étaient de sortie pour réclamer une « vraie » loi Climat : « Il faut que les enfants sachent très jeunes ce qu’il se passe vraiment, pour qu’ils puissent agir », a estimé Cynthia, une manifestante venue marcher avec sa fille de six ans.

« La mobilisation citoyenne peut aider le rapport de force avec le gouvernement »

« Ce projet de loi vient mettre un coup de censure à la Convention citoyenne pour le climat et aux inquiétudes de la population française », a estimé Elsa Faucillon, députée des Hauts-de-Seine (Parti communiste français). Comme elle, de nombreux parlementaires ont défilé partout en France, pour montrer leur opposition à l’attitude du gouvernement. « Le contenu de cette loi, c’est un véritable recul face à l’opportunité qui s’offrait pourtant à nous », a-t-elle poursuivi.

Des parlementaires étaient présents dans les manifestations. Ici à Paris : Julien Bayou, conseiller régional d’Île-de-France, Paula Forteza, députée des Français établis hors de France, Delphine Batho, députée des Deux-Sèvres et Cédric Villani, député de l’Essonne.

Malgré la forte mobilisation, les élus ont peu d’espoir quant à l’avenir du projet de loi. « Il ne peut pas être sauvé, a constaté amèrement Delphine Batho, députée des Deux-Sèvres (Génération écologie). Il y aura quelques petits gestes accordés par le gouvernement, comme des miettes, mais l’issue des débats parlementaires ne fait pas de doute. » Même opinion du côté de Mathilde Panot, députée du Val-de-Marne (La France insoumise) : « On va essayer de limiter les dégâts, mais cette loi ne sera pas à la hauteur, a-t-elle déploré. Mais cette mobilisation citoyenne peut aider le rapport de force avec le gouvernement. »

Cette manifestation ne ravit pas tout le monde : au micro de France Info, François de Rugy, député de Loire-Atlantique (La République en marche) a critiqué « ces professionnels de la manif » qui sont dans « l’opposition permanente ».

« On va essayer de limiter les dégâts, mais cette loi ne sera pas à la hauteur », a déploré Mathilde Panot, députée du Val-de-Marne.

Les regards vont désormais se tourner vers l’hémicycle de l’Assemblée nationale, où les députés débattront du projet de loi à partir de ce lundi 29 mars, dès 16 heures, et pendant trois semaines.


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