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EntretienÉconomie

« Moins de biens, plus de liens »

Paul Ariès, économiste et promoteur de la théorie de la décroissance, est professeur de sciences politiques à Lyon. Il est l’auteur de nombreux livres, dont Décroissance ou barbarie (éd. Golias).


Que pensez-vous du développement durable ?

Il répand l’idée qu’il suffirait de polluer un peu moins pour pouvoir polluer un peu plus longtemps. Cela ne remet pas en cause la logique qui a conduit à la situation actuelle.

N’est-ce pas l’amorce d’un changement de trajectoire ?

Tout ce qui peut être fait pour modérer la consommation, notamment énergétique, est excellent. Là où ça devient dangereux, c’est si l’on pense que des mesures de cet ordre peuvent suffire à régler les problèmes. Il se produit alors un effet rebond : une moindre consommation d’énergie d’un bien pousse à l’augmentation de la consommation de ce bien. Et rien ne change vraiment.

Vous défendez la théorie économique de la décroissance. Qu’est-ce exactement ?

Un « mot-obus » qui vise à pulvériser l’idéologie dominante de la croissance. C’est un mot qui sert à faire penser, qui indique là où il faut réfléchir. Pour les objecteurs de croissance, il est fondamental d’essayer de comprendre la simultanéité d’une série de grandes crises qui nous affectent : environnementale, mais aussi sociale, politique, et de la personne humaine. Même s’il n’y avait pas les questions de l’épuisement des ressources et du réchauffement climatique, les autres crises conduiraient à rejeter cette croissance.

Que proposez-vous ?

D’arrêter de penser en termes d’une autre répartition du même gâteau. Ce qu’il faut, c’est changer la recette. On sait que 20 % des humains consomment 80 % des ressources, et on sait qu’on ne peut pas généraliser ce mode de vie. Cela repose fondamentalement la question du politique, du partage, de la redéfinition d’autres valeurs et de la transmission de ces valeurs. On connaît les capacités de charge de la planète : il ne faudrait pas consommer plus de 500 kilos d’équivalent carbone par personne et par an, soit 4.000 km en voiture par exemple. C’est très peu.

Cela semble vouloir dire qu’il faudrait diviser par douze le niveau de vie d’un Américain moyen et par quatre celui d’un Français moyen. Ce n’est pas pensable, ni socialement ni économiquement. Mais on ne peut plus se situer uniquement en termes de niveau de vie. Il faut penser à un mode de vie radicalement nouveau. Concrètement, la décroissance suppose la relocalisation de l’ensemble des activités de production et de consommation.

L’idée de base pourrait en être « Moins de biens, plus de liens ». Cela veut dire que, nécessairement, il va falloir apprendre à vivre avec beaucoup moins, à avoir un rapport différent aux objets, à privilégier le temps lent sur le temps rapide. Il y a une culture à réinventer.

La société est-elle sensible à cette thématique ?

Nous sommes ultra-minoritaires. Mais le terme de décroissance fonctionne bien auprès des plus jeunes, parce qu’il permet de basculer sur un nouvel imaginaire. On a besoin de mots pour pouvoir dire nos révoltes.

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