Mort d’un cycliste : Montpellier sommée de sécuriser ses routes

Jeudi 26 janvier, une centaine de personnes se sont réunies sur les lieux de l'accident qui a coûté la vie à un cycliste montpelliérain. - © David Richard/Reporterre
Jeudi 26 janvier, une centaine de personnes se sont réunies sur les lieux de l'accident qui a coûté la vie à un cycliste montpelliérain. - © David Richard/Reporterre
Durée de lecture : 4 minutes
TransportsUne marche blanche a été organisée le 26 janvier en hommage à un cycliste montpelliérain mort. Sa femme et de nombreux habitants réclament des aménagements urbains pour sécuriser les adeptes de vélo.
Montpellier (Hérault), reportage
Une foule silencieuse s’avance dans la pénombre. Piétons et cyclistes remontent lentement l’avenue de Lodève, en masse compacte et emmitouflée. En tête de ce cortège crépusculaire, un vélo blanc et une banderole : « Hommage à Traian Savu. Aménagement cyclable = urgence. »
Le 29 septembre 2022, dans cette même rue, la roue du cycle de ce chirurgien de 44 ans s’est coincée entre les rails du tram, provoquant sa chute. Sa tête a heurté le séparateur, une sorte de « digue » de béton séparant les voies du tram de la chaussée. Il est mort quelques heures plus tard.
Jeudi 26 janvier, une centaine de personnes se sont réunies sur les lieux du drame. « Je souhaite transformer notre chagrin en une action qui a du sens, souffle Layla Savu, la veuve du docteur, infirmière et maman de deux jeunes enfants. Pour que ce qui s’est passé ne se reproduise plus. »

Car ce décès est venu confirmer la dangerosité de cette avenue de Lodève, empruntée chaque jour par plusieurs milliers de cyclistes. « J’habite ici, et je ramasse très régulièrement des personnes tombées », témoigne Sarah. Roues coincées dans les rails, bordures glissantes, poubelles sur la voie, piste cyclable interrompue ou confondue avec le trottoir. « Les dangers sont permanents, abonde Aurore, de l’association Vélocité. Ici comme ailleurs, il y a urgence à mettre en place un réseau cyclable continu, sécurisé, lisible. »
« La ville n’a pas fait les aménagements nécessaires pour sécuriser les cyclistes »
Le silence des autorités à la suite de la mort de Traian Savu a attisé la colère des vélocipédistes. « Depuis quatre mois, rien n’a été fait », pointe Aurore. Vélocité a pourtant adressé aux élus une série de propositions pour améliorer la circulation sur l’avenue de Lodève. En vain. Seule mesure mise en place – puis rapidement suspendue : des contraventions pour les vélos empruntant la voie de tram.
Une indifférence difficile à avaler pour Layla Savu. Dans ce genre d’accident, la conclusion des pouvoirs publics est en effet souvent vite trouvée : c’est un « malheureux concours de circonstances ». « Pour moi, il y a une responsabilité collective, une responsabilité de la ville qui n’a pas fait les aménagements nécessaires pour sécuriser les cyclistes, insiste Mme Savu. La responsabilité individuelle ne suffit pas à expliquer autant d’accidents. »

Comme nombre d’agglomérations, Montpellier peine à opérer sa mue cyclable. En 2021, elle était encore classée « moyennement favorable » aux deux-roues, par le baromètre établi par la Fédération des usagers de la bicyclette (FUB). « Les politiques ont du mal à suivre l’augmentation rapide de la pratique du vélo », observe Nicolas Gou, de la Ligue contre la violence routière. Entre 2021 et 2022, le nombre de pédaleurs a crû de 15 % dans la capitale languedocienne. Malgré tout, « on peut diminuer drastiquement le nombre d’accidents, insiste M. Gou. À Oslo, en 2021, ils n’ont eu aucun décès parmi des usagers vulnérables », soit les piétons, cyclistes et deux-roues motorisés.
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En France, selon les chiffres de la sécurité routière, 227 personnes sont mortes à bicyclette en 2021. Un chiffre en forte hausse, particulièrement hors agglomération, à corréler avec l’explosion de la pratique : +14 % en zone rurale, +20 % en zone périurbaine et +31 % en zone urbaine en 2021 par rapport à 2019. « Les usagers du vélo payent le tribut de l’absence de politiques publiques pour sécuriser leurs pratiques », souligne Thibault Quéré, de la FUB.
« Il faut créer des infrastructures adaptées et limiter la vitesse des voitures »
« Les politiques de contrôle et de sanction, comme on fait en France, atteignent leur limite, ajoute-t-il. Il faut trouver des sorties collectives : en créant des infrastructures adaptées, continues, en limitant la vitesse des voitures, et en poussant pour une évolution des comportements, via des formations, des vélo-écoles... » Pour lui, ces mesures seront profitables à tous, car « cela contribue à sécuriser l’ensemble des usagers ».
Contactée par Reporterre, la métropole de Montpellier a indiqué que des aménagements seraient réalisés au printemps avenue de Lodève : enlèvement du mobilier urbain gênant — notamment les potelets et certaines bordures en béton — expérimentation d’un double sens cyclable sur la voie aujourd’hui réservée aux voitures.... Ce premier pas, timide, sera-t-il suffisant ?
En attendant le grand soir de la petite reine, la communauté cycliste montpelliéraine se serre donc les coudes. Sur l’avenue, Layla Savu a déposé le vélo blanc, « comme un appel à la prudence pour tous et toutes ». Depuis dix ans, ces cycles fantômes ont fleuri partout où des usagers sont morts. « Il s’agit pour nous d’interpeller les élus, un tel accident ne doit plus se produire », martèle Aurore, avant de formuler, émue, la question que tous se posent en cette froide soirée de janvier : « Combien de drames faudra-t-il pour que ça devienne une priorité politique ? »