Vélo : le gouvernement pédale dans le vide

Les acteurs de la filière vélo s’inquiètent de l’écart entre les ambitions affichées par le gouvernement et les moyens mis en œuvre. - Pexels
Les acteurs de la filière vélo s’inquiètent de l’écart entre les ambitions affichées par le gouvernement et les moyens mis en œuvre. - Pexels
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Politique TransportsLe gouvernement avait promis 250 millions d’euros en 2023 pour le développement du vélo. Où sont-ils ? Les associations constatent « lenteurs, des reports et des imprécisions ».
Le gouvernement ne roule pas pour le vélo. Ou du moins, trop lentement. Alors que la Première ministre avait annoncé en grande pompe, en septembre dernier, qu’elle débloquerait 250 millions d’euros en 2023 pour le développement des mobilités actives, ces promesses tardent à se concrétiser. Dans un courrier adressé début janvier à Élisabeth Borne, relevé par le média Contexte, les principaux acteurs de la filière s’inquiètent de l’écart entre les ambitions affichées par le gouvernement et les moyens réellement mis en œuvre pour développer la bicyclette en France.
« Les annonces de la Première ministre ont suscité beaucoup d’envie dans les territoires. Depuis, on ne peut que constater des lenteurs, des reports et des imprécisions », regrette auprès de Reporterre Thibault Quéré, chargé de plaidoyer au sein de la Fédération des usagers de la bicyclette (FUB). Premier motif de grief : l’absence totale d’informations sur la manière dont les millions d’euros promis par la ministre seront attribués aux collectivités qui en ont besoin. « On ne connaît pas les critères d’éligibilité pour accéder à ces fonds », explique le spécialiste des politiques vélo.
Quand cet argent sera-t-il décaissé ? Est-il destiné au financement de projets d’envergure dans des territoires peu denses, ou, au contraire, à des aménagements discrets dans des villes fortement peuplées ? L’État investira-t-il dans ces projets à hauteur de 15, 30 ou 40 % ? Pour le moment, le mystère est entier. Avec des conséquences très concrètes pour les collectivités, contraintes de naviguer à vue. Imaginons qu’une ville souhaite sécuriser les bords du fleuve qui la traverse. Elle pourrait être en mesure de construire une piste cyclable, mais avoir besoin de l’État pour cofinancer un pont plus coûteux. « Pour porter ce type de projet, les collectivités ont besoin que l’État leur dise à quelle sauce elles vont être mangées », explique Thibault Quéré.

Les précisions de l’État devaient être publiées en décembre. Elles se font toujours attendre. « Des projets sont bloqués dans les cartons, raconte Thibault Quéré. Plus les semaines passent, plus le bouclage de leur financement tarde, et donc leur lancement réel. » Or, le calendrier est serré. « Nous sommes actuellement à mi-mandat municipal. Les collectivités vont commencer à décélérer sur les projets dont les travaux pourraient gêner la circulation à quelques mois des élections. On a besoin que les financements arrivent rapidement pour que les projets sortent de terre à un horizon acceptable politiquement. » L’augmentation des coûts de l’énergie a également grevé la capacité d’investissement des municipalités. « On a besoin que l’État soit là pour planifier et apporter des moyens complémentaires », insiste le chargé de plaidoyer.
La France est l’un des pays européens qui soutiennent le moins le vélo
Les associations qui promeuvent le vélo en ville attendaient également avec impatience, en décembre, la tenue d’un « comité interministériel vélo ». Tous les ministres étaient censés se retrouver pour expliquer comment ils envisagent de soutenir le vélo au cours des prochaines années, et accoucher ensemble d’un nouveau plan vélo. Cette réunion a été repoussée aux calendes grecques pour des problèmes d’agenda. « Ça entraîne une perte d’énergie collective, déplore Thibault Quéré. On peut craindre que cela pousse certains ministères à penser que le vélo est un enjeu secondaire, alors que chacun, du ministère de l’Éducation au ministère de l’Intérieur, a un rôle important à jouer pour le développer. »
L’attentisme du gouvernement est d’autant plus regrettable que la France accuse déjà du retard. Selon un rapport de la fédération européenne des cyclistes de 2022, la France fait partie des pays du continent qui soutiennent le moins le développement du vélo. L’État investit dans ce domaine l’équivalent de 1,2 euro par habitant, contre 36 euros en Irlande et 9,2 euros en Allemagne. Pour le moment, la charge financière repose en majorité sur les collectivités locales et régionales. « Elles ne peuvent pas porter cela seules », prévient Thibault Quéré.
« Si l’État veut réellement décarboner nos mobilités, il faut y aller ! »
Pour que la France parvienne enfin à sortir du tout-voiture, l’Alliance pour le vélo (qui regroupe les principales groupes de défense des mobilités actives) recommande à l’État d’investir 500 millions d’euros par an dans le développement de la bicyclette. « Il doit jouer un rôle de levier », estime la directrice de Vélo & Territoires, Camille Thomé, contactée par Reporterre. Selon les objectifs fixés dans la stratégie nationale bas carbone, le vélo devrait représenter 12 % des déplacements effectués sur le sol français d’ici la fin de la décennie, rappelle-t-elle. « Dans certains territoires ruraux, on est encore à moins de 1 %, soupire l’experte des politiques cyclables. 2030, c’est demain. Si l’État veut réellement attendre ses objectifs et décarboner nos mobilités, il faut y aller. »