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Nucléaire

Nucléaire : les militants de Bure seront-ils relaxés ?

Manifestation à Nancy contre le projet Cigéo à Bure, en septembre 2019. © Franck Depretz/Reporterre

Le procès en appel de sept opposants au projet Cigéo débute lundi 28 novembre à la cour d’appel de Nancy. L’enjeu est double : obtenir la relaxe de l’ensemble des militants et donner de la force à la lutte antinucléaire.

L’objectif tient en cinq mots : la relaxe pleine et entière. Les 28, 29 et 30 novembre aura lieu à la cour d’appel de Nancy (Meurthe-et-Moselle) le procès en appel de sept opposants au projet Cigéo, le centre de stockage qui prévoit pour 2035 le début de l’enfouissement de 85 000 m3 de déchets radioactifs, à Bure (Meuse). Si tous ont été relaxés du chef d’accusation d’association de malfaiteurs, six d’entre eux ont été condamnés, le 21 septembre 2021, à diverses peines en raison d’une manifestation non déclarée. Deux prévenus ont respectivement écopé de neuf et douze mois de prison ferme, les quatre autres étant condamnés par le tribunal correctionnel de Bar-le-Duc (Meuse) à des peines allant de six à neuf mois de prison avec sursis.

C’est pour contester cette décision que les sept prévenus, qui ont opté comme en première instance pour une défense collective, ont interjeté appel. Le parquet meusien a fait de même, ce qui implique que l’ensemble des accusations initiales seront à nouveau examinées à Nancy : organisation d’une manifestation non déclarée, attroupement après sommation de dispersion, dégradation et vol en réunion, détention d’éléments entrant dans la composition d’engins incendiaires… et association de malfaiteurs. C’est d’ailleurs ce chef d’accusation-là qui avait « fourni le prétexte pour écouter, perquisitionner, surveiller, contrôler et éloigner [les prévenus] de la Meuse et de la Haute-Marne » et pour de facto « réprimer le mouvement antinucléaire d’opposition à Cigéo », comme l’écrivaient en septembre 2021 leurs avocats.

Devant le tribunal de Bar-le-Duc, lors du procès des sept militants, du 1er au 3 juin 2021. © Quentin Zinzius/Reporterre

Tout a commencé en juillet 2017 : à l’époque, une enquête contre X fut ouverte pour « dégradation par moyens dangereux et association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un délit puni de dix ans d’emprisonnement ». En cause : l’incendie en juin 2017 d’un hôtel-restaurant à Bure, connu pour héberger du personnel de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), en charge du projet Cigéo. La dégradation en février 2017 de l’écothèque de l’Andra, et une manifestation non déclarée qui avait eu lieu le 15 août 2017, ont ensuite été ajoutées au dossier par le juge d’instruction. Les moyens déployés pour cette enquête, qui a duré plus de trois ans, ont été démesurés — elle a coûté 1 million d’euros à l’État. Et n’a pas permis de déterminer les responsables de l’incendie de l’hôtel-restaurant et de la dégradation de l’écothèque. Le 8 avril 2021, un non lieu a donc été rendu sur ces deux affaires, qui avaient pourtant justifié le chef d’accusation d’association de malfaiteurs pour les sept prévenus. Les 1er, 2 et 3 juin 2021, ceux-ci ont donc été jugés (avant d’être condamnés en septembre pour six d’entre eux)... pour l’organisation d’une manifestation non déclarée.

« Un laboratoire de pratiques policières et judiciaires assez inquiétantes »

Comme le dit à Reporterre Matteo Bonaglia, l’un des avocats des opposants à Cigéo : « La relaxe en première instance du chef d’accusation d’association de malfaiteurs avait été symboliquement une grande victoire, en ce qu’elle a permis de prouver que les moyens d’investigation délirants utilisés par le juge n’étaient pas justifiés. » L’enjeu du procès en appel est donc clair : « Il s’agit maintenant d’achever le travail entamé en première instance pour obtenir une relaxe pleine et entière pour l’ensemble des prévenus, et ce pour toutes les infractions qui leur sont reproché. » Ce sera ainsi l’occasion d’aborder « des questions juridiques de qualification » des faits et de « revenir sur chacune des infractions dont ils sont accusés pour expliquer pourquoi, en fait et en droit, il n’y a pas lieu de les condamner ». Me Bonaglia prévient que s’ils n’obtiennent pas la relaxe pleine et entière, ils pousseront « jusqu’à la Cour de cassation, voire la Cour européenne des droits de l’Homme : ce dossier a été un laboratoire de pratiques policières et judiciaires assez inquiétantes pour les droits et libertés. »

Lire aussi : La justice a massivement surveillé les militants antinucléaires de Bure

« Faire écho à la lutte contre Cigéo, que l’État a essayé d’étouffer »

Si les prévenus entendent se focaliser sur la bataille judiciaire, une militante antinucléaire assure à Reporterre que ce « procès politique » aura aussi un autre enjeu : celui de « faire écho à la lutte contre Cigéo, que l’État a essayé d’étouffer », le tout dans un contexte d’accélération de la relance du nucléaire par Emmanuel Macron. « L’opposition antinucléaire et en particulier celle contre le projet Cigéo sont et resteront notre priorité », a de son côté déclaré la coordination Stop-Cigéo dans un communiqué publié le 25 novembre. Ainsi, en soutien aux prévenus, des conférences, spectacles et autres ateliers ont été organisés à Nancy la semaine précédant le procès. La coordination Stop-Cigéo tient à le rappeler : « C’est contre un projet industriel démesuré, criblé d’incertitudes en termes de faisabilité, impacts, sûreté et coût [...] que nous nous mobilisons. Et ce sont bien ces convictions qui sont invitées à la barre du tribunal. » Une conférence de presse des avocats des prévenus aura lieu lundi 28 novembre, à 13 heures, devant la cour d’appel.

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