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Climat

Objectif 1,5 °C : la fenêtre se referme dangereusement

Fumées d'usines à Salaise-sur-Sanne (Isère), en 2022.

L’objectif de 1,5 °C de réchauffement semble inatteignable au vu du budget carbone restant, conclut une nouvelle étude.

Objectif 1,5 °C : il est déjà trop tard. Une équipe de l’Imperial College London a publié le 30 octobre dans Nature Climate Change une mise à jour de la quantité de carbone qu’il nous reste à émettre pour atteindre 1,5 °C de réchauffement global par rapport à l’ère préindustrielle. Fixé par les scientifiques, ce seuil permettrait d’éviter un niveau insoutenable de réchauffement, qui se traduirait par des catastrophes accrues (chaleur, montée des eaux, etc.). Le volume de ce budget carbone restant — 250 gigatonnes de CO2 — est si bas que l’objectif est inatteignable, selon les auteurs. En 2022, 40 gigatonnes ont été émises. À ce rythme, le budget carbone sera épuisé dès 2029. Impossible, donc, de rester sous 1,5 °C, sauf à arrêter net nos émissions de carbone dans six ans.

« Ce résultat n’est pas une surprise », dit à Reporterre Gerhard Krinner, directeur de recherche à l’Institut des géosciences de l’environnement (IGE) et co-auteur de plusieurs rapports du Giec [1].

Dès 2018, le rapport spécial du Giec sur 1,5 °C prévenait que rester sous 1,5 °C de réchauffement global nécessitait deux choses : une baisse de près de la moitié des émissions de gaz à effet de serre en 2030, et d’atteindre zéro émission nette en 2050, c’est-à-dire que les activités humaines n’émettent pas plus de carbone que ce qui peut être simultanément stocké. « Cette fenêtre se ferme, puisque les émissions continuent d’augmenter malgré les engagements de l’Accord de Paris », déplore le climatologue.

Le budget carbone divisé par deux depuis 2020

La nouvelle étude a d’autres mérites. D’abord, parce qu’elle est une mise à jour des derniers calculs du budget carbone restant. Ce dernier a été divisé par deux depuis 2020. Pourquoi ? D’abord parce que les émissions de gaz à effet de serre depuis 2020 ont arithmétiquement réduit le budget disponible. Ensuite en raison des nouvelles connaissances scientifiques, en particulier sur l’effet refroidissant des aérosols. Les climatologues ont compris que le pouvoir réchauffant des gaz à effet de serre avait été sous-évalué, car masqué par le pouvoir refroidissant des particules de pollution dans l’atmosphère.

Les effets des politiques de lutte contre la pollution — et à terme la réduction des énergies fossiles très génératrices de particules — obligent à revoir à la hausse le réchauffement. La prise en compte de cet effet des aérosols a conduit les scientifiques à diminuer de près d’un quart le budget carbone pour rester sous les 1,5 °C.

L’étude évalue également qu’il nous reste 1 200 gigatonnes de CO2 à émettre avant d’atteindre 2°C de réchauffement global. Plus précisément qu’en limitant les émissions à 1 200 gigatonnes, on a 50 % de chances de ne pas dépasser les 2 °C. En soulignant cette probabilité, les chercheurs de l’Imperial College London pointent l’ampleur de l’incertitude dans les prévisions, liée à de nombreux facteurs comme l’effet des aérosols, mais aussi l’ampleur de la fonte des glaces ou les modifications des courants océaniques. « Une chance sur deux, ce n’est pas bon comme gestion du risque », pointe le dernier auteur Joeri Rogelj.

« Un nouvel avertissement de la communauté scientifique »

Cette incertitude pousse les scientifiques du climat à utiliser avec précaution ces chiffres qui deviennent des objectifs politiques, car ils peuvent être contre-productifs.

« Il est important de comprendre qu’on est sur une pente de plus en plus glissante et que toute inversion de tendance est bénéfique, explique Gerhard Krinner. Si certains phénomènes sont irréversibles comme la fonte de certains glaciers, beaucoup d’autres comme la vitesse et l’ampleur du réchauffement seront atténués si on ralentit les émissions. »

Et le premier auteur de l’étude, Robin Lamboll, d’ajouter dans le communiqué présentant l’étude : « Chaque fraction de degrés de réchauffement rendra la vie plus difficile pour les populations et les écosystèmes. Cette étude est un nouvel avertissement de la communauté scientifique. Maintenant, c’est aux gouvernements d’agir. »

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