Partir à la retraite, le casse-tête des agriculteurs

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Économie Agriculture RetraitesConfrontés à la faiblesse de leurs retraites, les agriculteurs doivent continuer à travailler ou bien vendre leur ferme à prix d’or pour survivre. Un casse-tête de fin de carrière aux effets pervers : difficulté d’installation pour les jeunes, spéculation foncière, agrandissement des exploitations, déclin de l’élevage bovin…
- Méasnes (Creuse), reportage
D’un geste vif, Philippe Auvillain, 58 ans, hisse sa longue silhouette vêtue d’une cotte d’agriculteur délavée dans le tracteur. La matinée est déjà bien avancée sur la ferme de 90 hectares qu’il exploite en bio à Méasnes (Creuse) avec son épouse Joëlle, 59 ans, et sa fille Elsa, 35 ans, mais il reste des bêtes à nourrir. En ce mois de février, quarante vaches limousines sont installées dans la stabulation, ainsi que quatre-vingt-dix veaux et jeunes bovins âgés d’un à trois ans. L’éleveur leur distribue de l’ensilage d’herbe et de maïs et de généreuses brassées de foin. « Tous les aliments – maïs, féverole, herbe – ainsi que les céréales à paille sont cultivées sur la ferme », indique-t-il fièrement. Les poules alentour apprécient et se dandinent à la recherche d’un peu de farine de maïs. Pour Philippe Auvillain, le déjeuner attendra : il faut encore garnir de paille fraîche toutes les stabulations.

La routine est bien rodée et, en passant, l’éleveur ne manque pas de gratifier un veau d’une caresse ou une mère toujours couchée d’un coup d’œil inquiet. Pourtant, la fatigue est bien là. « J’ai envie de partir. J’ai fait un burn-out il y a deux ans et j’ai deux hernies. Ma femme et moi voulons prendre notre retraite dès que possible, à 60 ans. » Mais quand il a appelé son conseiller à la Mutualité sociale agricole (MSA), le régime de protection sociale des agriculteurs, ce dernier lui a appris que sa pension serait très faible. « Si je partais à 62 ans, je toucherais 780 euros par mois. J’ai le droit de partir avant, à 60 ans, parce que j’ai mené une carrière longue. Mais comme j’ai commencé comme aide familial sur la ferme de mes parents qui n’ont pas cotisé pour ma retraite, cela entraînerait une décote. » Quoi qu’il en soit, une importante chute de revenus – il se verse actuellement un Smic, soit environ 1.200 euros – s’annonce.
Comment compléter cette somme ? Elsa n’a pas l’intention de reprendre l’élevage et préfère se concentrer sur ses 1,5 hectare de maraîchage. « On pourrait aider Elsa à installer un associé qui s’occuperait du troupeau, à qui on essaierait de vendre nos bêtes et notre matériel – évalués à 350.000 euros – le plus cher possible, explique Philippe Auvillain. C’est ce que font de nombreux cédants, mais cela ne me convient pas. Rares sont les jeunes capables de débourser une telle somme. Or, ma priorité est de favoriser l’installation. » Il envisage donc de se faire embaucher comme salarié agricole ou de lancer son entreprise de taille douce des haies. « Cela permettrait de limiter le temps de travail, d’avoir moins de responsabilités et la souplesse de partir en vacances. » Mais cela signifie aussi continuer à travailler plutôt que prendre un repos bien mérité.
La pension mensuelle moyenne des anciens chefs d’exploitation : 763 euros brut
À 140 kilomètres de là, à Charroux (Vienne), la fille de Dominique Pipet, 64 ans, éleveur de 120 limousines sur 240 hectares et membre de la Coordination rurale, ne souhaite pas reprendre l’exploitation paternelle. L’éleveur, dont la retraite a été évaluée à 850 euros mensuels, pense compléter sa pension en louant des terres à un éleveur de chèvres qui souhaite s’agrandir. « Le plus important pour moi est de l’aider, je lui épargnerai le chantage que font certains de ne louer les terres que s’il rachète le troupeau et le matériel », se promet-il. De l’autre côté de la France, à Boussy (Haute-Savoie), Pierre Maison, bientôt 60 ans, élève en groupement agricole d’exploitation en commun (Gaec) avec son frère 55 vaches laitières et 55 génisses de race montbéliarde sur 68 hectares et vend son lait pour la fabrication de fromages locaux – tome, raclette et emmental de Savoie. Il devra attendre 67 ans pour bénéficier de sa retraite à taux plein – 800 euros mensuels – mais espère partir à 62 ans. Son fils ne voulant pas reprendre la ferme, il est prêt à vivre de son jardin pour aider un jeune à s’installer et éviter que ses terres ne soient récupérées par un voisin désireux de s’agrandir. Mais il peine à trouver un repreneur. « Le problème, c’est la maison. Mon voisin a transmis à deux frères, qui ont été obligés d’habiter à Rumilly faute de logement dans le village. Mais ça pose d’évidents problèmes pour la surveillance des vêlages. »

Trois situations, trois retraites extrêmement faibles, trois difficultés à transmettre. Et Philippe Auvillain, Dominique Pipet et Pierre Maison ne sont pas les seuls à faire face à ce casse-tête de la fin de carrière. Près d’un tiers des agriculteurs ont plus de 55 ans. La moitié d’entre eux partira à la retraite d’ici dix ans. Au 31 mars 2019, 1,3 million de personnes relevaient du régime de retraite des non-salariés agricoles, selon la MSA. La pension mensuelle moyenne des anciens chefs d’exploitation ayant validé au moins 150 trimestres était de 763 euros brut. Bien loin de la pension moyenne des retraités français, qui s’élevait fin 2017 à 1.496 euros brut mensuels, tous régimes confondus. Bien en-deçà aussi du seuil de pauvreté, fixé en 2016 à 1.026 euros pour une personne seule. Un immense défi s’annonce pour épargner le dénuement à ces agriculteurs tout en transmettant leurs exploitations.
Pourquoi les retraites agricoles sont-elles si basses ? « À la fin de la Seconde guerre mondiale, quand le Conseil national de la résistance a mis en place le régime de protection sociale, l’unique syndicat agricole de l’époque n’a pas souhaité l’intégrer car il ne voulait pas payer de cotisations », explique Véronique Marchesseau, secrétaire générale de la Confédération paysanne. « Le monde agricole disposait alors d’un tissu développé de mutuelles. Elles étaient aux mains d’une bourgeoisie rurale de gros propriétaires et de notables qui voyaient d’un mauvais œil l’arrivée d’un régime social unifié et rejetaient l’influence du communisme », complète André Tissot, agriculteur retraité et membre de la commission des anciens de la Confédération paysanne. Depuis, le régime agricole est resté moins protecteur : « Le taux de cotisation est de 21 % alors qu’il est de 27 % pour les salariés ; les agriculteurs cotisent sur des revenus nets au lieu de revenus bruts ; les retraites sont calculées sur les quarante dernières années des exploitants et non sur les vingt-cinq meilleures… Mécaniquement, les prestations reçues sont moindres. » Certains statuts, comme celui d’aide familial agricole ou de conjoint collaborateur, sont caractérisés par des niveaux de cotisation – et donc de retraites – moindres.
« Si la viande et le lait étaient achetés à un prix acceptable, peut-être pourrait-on cotiser ! »
Si les pensions sont basses, c’est que les revenus agricoles le sont aussi. D’après un rapport de l’Insee de novembre 2019, le revenu agricole moyen s’établissait à 1.390 euros mensuels en 2017. Cette année-là, un agriculteur sur cinq n’avait dégagé aucun revenu. « Après la guerre, l’objectif de la France était que l’alimentation pèse de moins en moins dans le budget des ménages, pour qu’ils puissent accéder à d’autres biens de consommation. Les prix alimentaires, comprimés en permanence, n’ont plus reflété les coûts de production », rappelle Véronique Marchesseau. « Si la viande et le lait étaient achetés à un prix acceptable, peut-être pourrait-on cotiser, abonde Dominique Pipet. On peine à payer nos charges, on dépose notre lait et notre viande à la coopérative pour rien et elle se fait une marge incroyable. »

Quand revenus il y a, la culture agricole est plus à la défiscalisation et à la capitalisation – c’est-à-dire à l’accroissement de la valeur de la ferme à travers l’investissement – qu’à la cotisation. Les dispositifs incitatifs d’encouragement à la surcapitalisation ne manquent pas : exonération des plus-values, amortissement dégressif, subvention d’équipement, etc. Jean-Marie Séronie, ingénieur agronome et expert-comptable aujourd’hui agro-économiste indépendant, a longtemps conseillé les agriculteurs de la Manche : « J’ai constaté une véritable aversion à payer. Les agriculteurs demandaient toute l’ingénierie juridico-administrativo-comptable possible pour diminuer leur résultat et leurs cotisations. En 2018, quand le revenu moyen par agriculteur était particulièrement élevé, le nombre d’immatriculations de tracteurs a bondi de 25 % ! J’ai été étonné de voir que même de toutes petites fermes du Mortainais se livraient à ce genre d’optimisation. » « Souvent, quand l’épouse travaille à l’extérieur, son salaire sert aux dépenses courantes et l’agriculteur ne se verse aucun revenu mais capitalise en permanence », observe Jean Santerre, de la chambre régionale d’agriculture de Normandie, lui aussi ancien conseiller agricole. Thibaud Rochette, chargé de mission installation et transmission à Terre de liens, a recueilli le témoignage édifiant d’une bénévole, ancienne paysanne : « Quand j’ai suivi ma formation agricole, en 1982-1983, on nous serinait : attention à ne pas dépasser 300.000 francs de chiffre d’affaires annuel, sinon vous serez au réel TVA ! Ensuite, la machine s’est emballée sous la pression des vendeurs de tracteurs et des politiques de filière pour l’agroalimentaire qui ont incité à toujours plus de chiffre d’affaires, toujours plus d’achat, toujours plus de patrimoine foncier… Cette politique d’agrandissement effréné a pour résultat une course à la diminution du résultat d’exploitation (pour payer moins de cotisations sociales) et, du coup, un montant de retraite toujours aussi faible après avoir trimé toute sa vie pour accumuler, accumuler, accumuler... »

Là apparaissent les premiers freins à la transmission. Car pour ceux qui le peuvent, il peut être plus intéressant de continuer à travailler plutôt que de liquider sa retraite, quitte à user de subterfuges. « Souvent, à l’âge de la retraite, le chef d’exploitation transmet la ferme à son épouse plus jeune tout en continuant à y travailler. Cela permet de différer la transmission et de cumuler revenus et pension », raconte André Tissot. L’agriculteur peut aussi être gagnant à continuer à toucher les primes de la politique agricole commune (PAC) tout en réduisant son activité. « Les aides PAC ne sont pas liées au niveau de production mais au nombre d’hectares et de bêtes, rappelle Jean-Marie Séronie. Si j’ai 35 hectares, je vais toucher 10.000 euros d’aides, autant que ma retraite. Je n’ai donc pas forcément intérêt à arrêter, surtout si je pense qu’un fils va reprendre dans quelques années et qu’un voisin peut me filer un coup de main. »
La tentation est de céder la ferme au prix le plus élevé possible, ce qui favorise la spéculation foncière
Pour les agriculteurs qui arrêtent, la tentation est de céder au prix le plus élevé possible la ferme qu’ils n’ont cessé de développer. Autrement dit, « réaliser son capital ». Cela participe à l’inflation du prix du foncier et au risque qu’il perde sa vocation agricole. Depuis 1999, le prix des terres et prés libres a grimpé de 63 %, pour atteindre 5.990 euros par hectare en 2018 en moyenne, d’après Terre de liens. La sociologue Elsa Pihou, citée par Terre de liens, a constaté que la hausse du prix des terres avait pour effet « d’accentuer les comportements opportunistes pour certains propriétaires fonciers, de favoriser la spéculation foncière en incitant des agriculteurs, sans successeurs et affaiblis financièrement du fait de l’insuffisance des retraites agricoles, à chercher à vendre au meilleur prix – autrement dit au prix d’un terrain constructible – leurs terres. » Autre possibilité, louer sa terre en espérant qu’elle devienne un jour constructible. « Les agriculteurs voisins qui veulent s’agrandir et la pression touristique contribuent aussi à faire grimper les prix, complète Jean-Marie Séronie. Cela conduit à des valeurs de cession des fermes complètement déconnectées de leur rendement économique » Ainsi qu’à une érosion des terres agricoles : l’enquête Agreste de 2011 indiquait que la superficie agricole avait diminué de 3 % en dix ans, au profit de la forêt et de l’urbanisation.

Les enfants qui s’installent sur la ferme parentale ne sont pas toujours épargnés. S’ils sont enfants uniques, les parents peuvent les soutenir en leur vendant à bas prix l’outil de travail. « Mais quand il y a plusieurs enfants, la transmission du foncier est rare, observe André Tissot. Souvent, cette étape est différée : l’agriculteur signe un bail avec l’enfant repreneur et la succession se fait en indivision, avec des terres qui seront à racheter ou à louer aux frères et sœurs. » « Les successions ne se passent plus comme il y a vingt ou trente ans. Les parents ont de plus en plus de mal à léser des enfants par rapport aux autres, et la valeur des fermes transmises dans le cadre familial se rapproche de leur valeur économique », abonde Jean-Marie Séronie.
Mais les plus impactés sont sans conteste ceux qui cherchent à s’installer « hors cadre familial », de plus en plus nombreux. « Une ferme familiale représente un capital accumulé par plusieurs générations sur une durée de cinquante ou soixante ans. Comment pourrait-elle être rachetée par quelqu’un qui n’est pas issu du milieu et devra tout régler d’un coup, puis rembourser son emprunt en vingt ou trente ans ? », s’interroge Thibaud Rochette. Bon gré mal gré, les candidats se tournent donc vers le maraîchage et le petit élevage, moins gourmands en foncier et en capital. Et les situations d’inadéquation se multiplient entre les fermes à céder et les possibilités des porteurs de projet. Dans une étude [1] menée en 2016 en Auvergne, région d’élevage bovin, 240 exploitations à céder dans les dix années à venir ont été passées au crible, ainsi que les projets d’installation. Résultat, 55 % des porteurs de projet souhaitaient s’installer en petites cultures, alors que seules 15 % des fermes à céder correspondaient à ces productions ; en outre, les repreneurs recherchaient en majorité des fermes de superficie inférieure à 40 hectares, alors que les cédants avaient à transmettre des surfaces bien plus importantes.
Le modèle de l’agriculteur qui « vit pauvre et meurt riche » atteint ainsi sa limite. Sont particulièrement touchées les productions dites « à bas revenus » – vaches à viande en première ligne. « Il existe des freins majeurs à la reprise dans les zones traditionnelles d’élevage bovin allaitant, constate Jean-Marie Séronie. Le capital nécessaire pour s’installer est très élevé, la rentabilité est très faible, la consommation de viande chute et le mouvement anti-viande se renforce. C’est le cours de la vache laitière de réforme, un sous-produit, qui fixe le prix – forcément faible – de la carcasse. C’est aussi la filière la moins organisée et la plus concentrée en aval, avec Bigard qui détient 50 % des débouchés. » Difficile pour un repreneur de se projeter dans ce tableau crépusculaire.
« L’agriculture connaît un plan social qui n’en finit plus depuis les années 1960 »
En conséquence, ces fermes vont massivement à l’agrandissement, ce qui ne fait que repousser et aggraver la question de la transmission au gré d’un infini cercle vicieux. « L’agriculture connaît un plan social qui n’en finit plus depuis les années 1960, analyse Jean Santerre. En élevage, des exploitants se retrouvent noyés de boulot et perdent en pertinence sur la gestion. Et bientôt, il ne sera plus possible de les reprendre sans recourir à des apports de capitaux extérieurs. Aujourd’hui déjà, des investisseurs sont à la recherche de foncier. Mais, pour l’agriculteur, mieux vaudra avoir une exploitation rentable implantée dans le Vexin qu’à faible revenu dans la Creuse. » Ce qui pose aussi la question de l’indépendance des agriculteurs.

La réforme des retraites, qui promet une pension minimale à 85 % du Smic – soit environ 1.000 euros – pour tous les chefs d’exploitation ayant cotisé une carrière complète, peut-elle inverser la tendance ? « Il s’agirait d’une progression par rapport à une situation très dégradée, mais ce n’est pas non plus un niveau de retraite extraordinaire, juge Véronique Marchesseau. La vraie question, c’est de savoir ce qu’on veut pour nos campagnes. Aujourd’hui, la politique agricole vise le maintien de la production, mais pas forcément du nombre de paysans. Un véritable soutien à la transmission et à l’installation pourrait passer par une revalorisation des revenus agricoles, la lutte contre l’évasion fiscale pour améliorer le paiement des cotisations et une revalorisation importante des retraites pour que les retraités agricoles n’aient plus à piocher dans la vente de leur capital pour survivre ! »
LES AGRICULTEURS, FAUX GAGNANTS DE LA RÉFORME DES RETRAITES
La réforme des retraites prévoit que le montant minimum des pensions agricoles soit augmenté pour atteindre 85 % du Smic (un peu plus de 1.000 euros mensuels) pour les nouveaux entrants, à partir de 2025. Mais, samedi 22 février en ouverture du salon de l’agriculture, Emmanuel Macron a indiqué qu’il serait « impossible » de revaloriser à ce niveau les pensions des 1,3 million de retraités actuels et de leurs conjoints, comme le demandent les syndicats agricoles. « Cela coûterait 1,1 milliard », a-t-il justifié. Pour rattraper le tir, le secrétaire d’État aux retraites Laurent Pietraszewski a indiqué « qu’il faut discuter de cela de façon distincte du projet de loi » de réforme des retraites. « Nous pourrons envisager une mission parlementaire » qui se penchera en particulier sur « les conjoints collaborateurs, les aides familiaux, les cotisants solidaires », a-t-il suggéré.
Cette annonce a fait l’objet de vifs débats à l’Assemblée nationale, où le projet de réforme des retraites est en discussion. Le député communiste Sébastien Jumel a évoqué « une trahison sans nom » et le député socialiste Boris Vallaud « une immense honte ». Interviewé par Ouest-France, le député socialiste Guillaume Garot a fustigé que « les agriculteurs [soient] menés en bateau. La majorité ne trouve pas un milliard d’euros pour les retraites des agriculteurs alors que, dans le même projet de loi, elle exonère de cotisations les plus hauts cadres, se privant ainsi de trois milliards d’euros de budget ».
Il s’agit d’une déception supplémentaire pour les agriculteurs. L’adoption d’une proposition de loi du député communiste André Chassaigne, prévoyant la revalorisation à 85 % du Smic des pensions de tous les retraités agricoles et votée par l’Assemblée nationale et la commission des affaires sociales du Sénat, avait déjà été bloquée par le gouvernement en 2018. « Il ne serait pas raisonnable de statuer pour un seul corps » indépendamment de la réforme des retraites en préparation, avait justifié la ministre des Solidarités et de la santé Agnès Buzyn.
Avant cela, dans le cadre de la réforme des retraites d’août 2003, Jean-Paul Delevoye, alors ministre de la fonction publique, avait déjà promis aux agriculteurs une retraite minimum à 85 % du Smic à partir de 2008, pour une carrière complète. La promesse était restée non tenue. Finalement, en janvier 2014, une loi était adoptée pour garantir un montant minimum de pension à 75 % du Smic net pour une carrière complète – soit 903 euros mensuels.
Les syndicats agricoles ont reçu avec prudence le projet de réforme des retraites. Réuni le 22 janvier 2020, le Conseil d’administration de la caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (MSA) a pour sa part rendu un avis défavorable sur le texte, au motif qu’il exclue les retraités actuels et ne s’intéresse qu’aux chefs d’exploitation ayant cotisé une carrière complète à hauteur du Smic, laissant de côté agriculteurs aux revenus modestes et fluctuants, conjoints collaborateurs, aidants familiaux et cotisants de solidarité. « Ces règles excluent 40 % du monde agricole », a indiqué André Tissot, agriculteur retraité et membre de la Conférédation paysanne, au HuffPost.