Pas à pas vers une naissance au naturel

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SantéAccoucher sans médicaments et sans douleur est possible, selon des associations promouvant l’accouchement « physiologique » et des méthodes de préparations « douces » afin d’en faire une expérience naturelle et moins douloureuse. Notre reporter, dans l’attente d’un heureux événement, a suivi ce chemin vers un accouchement au naturel dans une association de Bruxelles, où ce courant est plus développé qu’en France.
- Bruxelles, correspondance
Dans la salle d’attente, une douce atmosphère règne. Sur les étagères de la bibliothèque, de nombreux ouvrages sont à disposition et donnent le ton : Se préparer à la naissance en pleine conscience, L’haptonomie périnatale, La Naissance naturelle - retrouver le pouvoir de son corps...
Pour ma première séance d’hypno-naissance, je ne sais pas encore à quoi m’attendre. La sage-femme va-t-elle m’agiter un pendule devant les yeux et me dire que mes paupières sont lourdes jusqu’à me faire sombrer dans une semi-conscience ? Un visage souriant vient me chercher. « Bonjour, moi c’est Aline, je te fais la bise, suis-moi, tu peux enlever tes chaussures ! » Ici, pas de chichis, on est reçu comme à la maison.
Je suis menée dans une chambre lumineuse, où trône un matelas-lit recouvert de coussins douillets aux tissus colorés. Seuls un stéthoscope et un appareil à écouter les battements de cœur du bébé trahissent la réalité d’une activité médicale.

Les sages-femmes de l’association Amala à Bruxelles (Belgique) se définissent comme des « professionnelles de l’art de guérir, formées spécifiquement au suivi de la grossesse, de l’accouchement et des suites de couches ». Leur projet ? Accompagner les femmes désirant une naissance la plus naturelle possible pour leur enfant, chez elles ou en plateau technique à l’hôpital, en respectant leurs choix intimes. Elles offrent une panoplie de préparations comme l’hypno-naissance, l’haptonomie ou le massage de la femme enceinte.
« Nous sommes en lien avec des gynécologues et autres médecins bien sûr, mais également avec des ostéopathes, homéopathes, acupuncteurs, toutes ces médecines alternatives qui soulagent efficacement les femmes enceintes qui ne souhaitent pas recourir à la surmédicalisation », explique Titou Boseret, l’une des quatre sages-femmes de l’association. « Nous créons avec les futures mamans un lien de confiance qui rassure, jusqu’au jour de la naissance », poursuit Sylvie Janssens. « Elles ont besoin de se sentir actrices dans le processus de la naissance, et non dépossédées par le corps médical, comme c’est souvent malheureusement le cas. »
Aujourd’hui, 85 % des accouchements se font avec interventions médicales : péridurales, injections d’ocytocine pour provoquer l’accouchement, césarienne, forceps, spatules ou ventouses, épisiotomies... De quoi laisser un souvenir parfois traumatisant. De plus en plus de futures mamans rêvent d’accouchements dits « physiologiques », ou « en pleine conscience », et recherchent des préparations leur permettant de vivre ce moment non pas comme un cauchemar sans nom, mais comme une expérience naturelle et moins douloureuse.
L’hypno-naissance, une philosophie en vogue au Canada et en Belgique
Accoucher sans péridurale, sans douleur et en douceur ? L’idée est tentante. Pour ma première grossesse, j’ai choisi de suivre des séances d’hypno-naissance, séduite par ce concept développé à la fin des années 80 au Canada selon lequel la mise au monde d’un nouveau-né est un évènement « normal » qui peut s’accomplir dans le calme et la sérénité.
« Chaque femme possède en elle le pouvoir de faire appel à son instinct naturel pour donner naissance dans le confort et sans médicaments. Lorsque votre esprit est libre de peurs et de tensions, votre corps peut manœuvrer sans douleur en accord avec la raison pour laquelle il a été créé », indique la pionnière Marie F. Morgan dans son ouvrage HypnoBirthing - the Mongan Method, A natural approach to a safe, easier, more comfortable birthing.

Je m’installe donc et me laisse guider par la sage-femme formée à cette méthode, qui d’une voix douce et posée, m’invite à écouter une série d’affirmations positives sur les capacités intuitives naturelles de mon corps et de mon bébé. L’idée est de couler progressivement vers un état de détente profond et de laisser le mental de côté. Aidé de respirations lentes, l’inconscient enregistre ces messages, qui seront rappelés le jour J pour aider l’esprit et le corps à travailler de concert et sans crispation dès le départ. Cela permet de trouver les ressources pour surmonter la douleur tout au long de l’enfantement.
« Nous utilisons un champ lexical particulier, par exemple, on parle de "vagues" au lieu de contractions, de "respirations de naissance" pour évoquer les poussées, de "sensations" pour douleurs », m’explique Aline Schoentjes, de l’association Amala. « Les messages négatifs qu’une mère reçoit constamment au sujet de l’accouchement sont traités par le système nerveux comme de véritables dangers. Ces messages finissent par être intégrés comme des croyances, ce qui génère des hormones de stress, les catécholamines. Résultat, l’utérus se prive d’oxygène, et se tend et se contracte, ce qui est très douloureux et a pour effet de ralentir le travail », poursuit-elle.
Pour les prochaines séances, le père de l’enfant à venir sera présent, car il aura un rôle actif : il apprendra les techniques dites « d’ancrage » permettant de soulager mon inconfort, en utilisant les bons mots, les bons gestes, des points de pression particuliers au niveau des lombaires... Nous avons également choisi de suivre ensemble des cours d’haptonomie, qui permettent au papa de sentir les mouvements du bébé par apposition des mains sur le ventre. « Je voulais participer d’une manière ou d’une autre à la préparation à la naissance, et ces séances m’ont permis de découvrir qu’il était possible de communiquer avec son enfant avant son arrivée, c’est vraiment émouvant », confie l’intéressé.
Pour compléter ma préparation, je me suis initiée au yoga prénatal, qui met l’accent tant sur la respiration que sur la souplesse et les étirements. Résultat, à plus de 37 semaines de grossesse, je suis heureuse d’être totalement fluide dans mes mouvements et de ne ressentir aucune des douleurs communément rapportées par les femmes enceintes à ce stade.

En France, les maisons de naissance font leur apparition
Facilement accessibles en Belgique, les préparations naturelles à la naissance sont plus difficiles à trouver en France.
Selon le Collectif inter-associatif autour de la naissance (CIANE), « l’offre de soins en maternité doit pouvoir intégrer systématiquement une proposition d’accompagnement physiologique, qui ne peut pas rester l’apanage de parcours de soins alternatifs ».
Entre l’accouchement à domicile (AAD), jugé encore trop risqué et l’hôpital surmédicalisé, il y a une solution intermédiaire séduisante : les maisons de naissance. Le récent décret du 30 juillet 2015, issu de la loi du 6 décembre 2013, permet à ces maisons d’avoir un véritable cadre juridique. Longtemps attendu, le texte fixe « les conditions de l’expérimentation des maisons de naissance, qui doit permettre de tester une prise en charge moins technicisée de la grossesse et de l’accouchement, hors établissement de santé, et de créer des maisons de naissance dans lesquelles des sages-femmes assureront le suivi de grossesse et les accouchements ».
En d’autres termes, les femmes dont les conditions de santé et de grossesse le permettent, peuvent désormais choisir d’éviter les manœuvres médicales inutiles et invasives. « Malheureusement, choisir d’accoucher naturellement n’est pas encore facile et accessible en France. Il faut parfois faire des centaines de kilomètres pour trouver l’infrastructure qui correspond à notre projet de naissance », confie Pauline, future maman à cinq mois de grossesse. « Et quand on en trouve, ce qui n’est pas évident, les séances d’hypno-naissance sont onéreuses [entre 400 et 500 euros pour une formation complète], et non remboursées par la sécurité sociale. »
Je m’estime donc chanceuse de pouvoir bénéficier d’un accompagnement personnalisé en Belgique, en attendant que la France progresse à ce niveau. Quant à la question de savoir si cette préparation naturelle portera ses fruits ou non pour le jour J, la réponse est : oui ! L’absence de stress ressenti à quelques jours de cet événement en étant la plus belle preuve...