Pour protéger les nappes phréatiques, Extinction Rebellion se mobilise contre les gravières

Sur le site LafargeHolcim de Vernet, en Ariège, le 1ᵉʳ juillet 2023. - © Dorian Cabrol / Reporterre
Sur le site LafargeHolcim de Vernet, en Ariège, le 1ᵉʳ juillet 2023. - © Dorian Cabrol / Reporterre
Durée de lecture : 4 minutes
Luttes Eau et rivièresPlusieurs centaines de personnes se sont mobilisées en défense de l’eau le 1ᵉʳ juillet en Ariège. Une mobilisation à l’issue de laquelle des activistes ont pénétré et accroché des banderoles dans une gravière du groupe Lafarge.
-
Vernet (Ariège), reportage
Le temps d’un week-end Extinction Rebellion (XR) s’est mué en « extraction rébellion ». Le mouvement écologiste dont le camp de base a été tenu secret jusqu’au dernier moment organisait samedi 1ᵉʳ juillet un rassemblement sur le thème des gravières, près de Saverdun, à une cinquantaine de kilomètres de Toulouse.
Au cours d’une manifestation, des activistes ont pénétré dans une carrière LafargeHolcim pour y accrocher des banderoles sur les machines. Une action d’ampleur du mouvement pour tout le sud de la France sur la thématique « l’eau rage gronde » en partenariat avec plusieurs associations écologistes locales.

Au départ de cette base arrière située sur les collines qui dominent le petit village du Vernet, Agnès Leclerc, militante sur la section de Foix de XR évoque le sujet des gravières comme celui d’« une bombe à retardement pour la question de l’eau ». Dans ces carrières, des granulats (sables et graviers) sont extraits directement à partir de la nappe phréatique d’accompagnement de la rivière Ariège qui alimente notamment les agriculteurs de la vallée.
« Aujourd’hui, les impacts commencent à être connus. La nappe est mise à nu, ce qui crée de l’évaporation quand elle n’est pas remblayée par des déchets du BTP qui polluent l’eau », décrit-elle avant de dresser un tableau plus général de l’extraction dans la vallée de la Basse Ariège : « Ici, on est clairement sur une surexploitation avec 240 ha actuellement, une surface qui pourrait être portée à 850 prochainement et doit servir à alimenter des grands projets routiers dont on ne veut pas comme l’A69 » déplore la militante.
L’organisation appelle à la prolongation du moratoire sur les autorisations d’extraction dans le département qui prend fin en 2023 et à l’arrêt immédiat du déversement des déchets du BTP dans la nappe.
« Se battre sur l’écologie pour envisager sereinement de faire des enfants »
Dans le cortège parsemé de blouses blanches qui s’élance aux alentours de 11 h aux cris de « et l’eau rage ! », tous ne sont pas spécialistes de la question, mais beaucoup se sentent touchés par la problématique de l’eau.
Erwan, pancarte « Eau rage against the machine » à la main, voit dans cette mobilisation la seule manière de faire bouger les lignes : « On a l’impression d’être dans une société qui explose. Je me rends compte que l’État décide de beaucoup de choses sans nous informer comme les gravières et qu’il n’y a qu’avec ce genre d’actions que l’on a de l’impact. »
Ce couvreur-zingueur de 27 ans qui fait son tour de France des compagnons du devoir, dit « vouloir se battre sur l’écologie pour envisager sereinement de faire des enfants avec [s]a copine ».

Alors que le défilé rejoint le village du Vernet vers midi, d’autres manifestants viennent prendre place dans le cortège, direction une carrière de Midi Pyrénées granulats, filiale du groupe LafargeHolcim. Parmi eux, Nadine Borries, membre de l’Association pour la protection de la rivière Ariège et de sa nappe phréatique (Aprova).
Également conseillère municipale d’opposition à Saverdun, elle dit se battre « contre l’extractivisme forcené des carriers comme Denjean, Lafarge ou encore Malet », dont les concessions se trouvent de part et d’autres de la D820 arpentée par le cortège « Ils obtiennent des autorisations de l’État, explique-t-elle, et peuvent avoir des terrains grâce aux élus qui leur donnent accès à du foncier via les PLU [Plan local d’urbanisme]. Il y a le risque qu’à force de mettre la nappe à nue, il y ait une sorte de grande mer intérieure dans notre vallée », se désole-t-elle.
Darmanin à l’eau
Aux alentours de 14 h 30, le cortège arrive devant la carrière appartenant à LafargeHolcim, sous les slogans « Lafarge à l’abordage ». Protégés des caméras par des parapluies, une quinzaine de manifestants ouvrent une brèche dans la clôture.
Une majeure partie des manifestants s’y engouffre et pénètre dans l’enceinte de la gravière devant des gendarmes impassibles. Plusieurs actions symboliques ont alors lieu sous les applaudissements d’une partie du cortège resté en retrait et sous la surveillance d’un hélicoptère de gendarmerie qui passe à basse altitude.
Les militants installent des banderoles sur les machines excavatrices avec des messages comme « Qui sème le béton aura bientôt la dalle » et mettent à l’eau une fausse machine d’extraction, pilotée symboliquement par Gérald Darmanin, avant de repartir tranquillement vers leur camp.