Pour soutenir la pêche locale, vive la vente directe

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Économie PêcheL’association Pleine mer a publié une carte des circuits courts de la filière pêche en France. Selon les auteurs de cette tribune, la vente directe « permet aux pêcheurs de maintenir leurs entreprises de pêche à flot » tout en ouvrant le débat sur la notion de « pêche durable ».
L’association Pleine mer a publié lundi 10 février une carte des circuits courts de la filière pêche sur tout le littoral français. Cette carte est le résultat d’une année de travail, sur le terrain, auprès des pêcheurs et des consommateurs de poisson. Quels sont les objectifs du projet pêche locale ?
Nous partons d’un constat simple, répété par tous les pêcheurs que nous avons rencontrés sur le terrain : « Un pêcheur qui valorise mieux son poisson aura tendance à moins sortir en mer, et les écosystèmes marins seront préservés. » De plus les prix du poisson sont parfois instables en criée, et diversifier les méthodes de vente permet aux pêcheurs de maintenir leurs entreprises de pêche à flot.
Ainsi, le principe de la vente directe est gagnant pour tout le monde :
- le pêcheur qui y gagne en stabilité en vendant une partie de son poisson à un prix fixe ;
- le consommateur qui sait où, quand et comment a été pêché le poisson et l’achète a un prix attractif et juste, en direct du producteur ;
- l’environnement qui subit moins de pressions de la part des unités de pêche valorisant mieux leur poisson ;
Le vente directe, par exemple, existe déjà mais est souvent peu connue du grand public. Nous souhaitions donc valoriser les circuits courts via un outil qui permette au consommateur d’avoir toutes les informations nécessaires pour consommer du poisson local en direct des pêcheurs. D’où cette carte interactive disponible sur le site internet de Pleine mer.
- Cette carte vous permet de trouver du poisson frais en direct des pêcheurs.
Ce système permet aussi de sensibiliser le consommateur aux problématiques du système pêche. Et qui mieux qu’un pêcheur pour expliquer la réalité de la filière ? Cette réalité est trop souvent méconnue par le consommateur. Mettre directement en contact le premier et le dernier maillon de la chaine amène à un véritable débat citoyen sur la notion de « pêche durable ».
Nous souhaitons ainsi développer et accompagner les circuits courts dans la pêche, et en particulier mieux intégrer les pêcheurs au système des associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (Amap). C’est ce qu’on appelle les « community supported fisheries » — les « pêcheries soutenues par la communauté ». Il s’agit d’un contrat entre producteur et consommateur : le consommateur s’engage à prendre en compte les difficultés inhérentes à la pêche (apports irréguliers, météo, diversité d’espèces) et à soutenir le pêcheur pour qu’il ait des revenus justes, tandis que le producteur est à l’écoute des attentes du consommateur en matière de durabilité et de traçabilité.
Il est nécessaire pour les pêcheurs de s’organiser et de se fédérer afin de défendre leur métier dans toute sa diversité
Le consommateur est de plus en plus sensible aux problématiques de surexploitation et c’est uniquement par le dialogue que les attentes des deux parties pourront se réaliser. Un système alimentaire vertueux donc, qui a fait ses preuves dans le monde agricole et que nous comptons bien mettre en valeur dans le milieu de la pêche, à l’image de l’Amap qui a permis aux pêcheurs de l’Île-d’Yeu (Vendée) de maintenir leur activité traditionnelle de pêche.
C’est pourquoi nous travaillons avec le réseau international Urgenci sur un projet européen qui inclut l’étude et le développement des capacités nécessaires au développement d’une pêche soutenue par la communauté au niveau européen. Sur le plan français, notre travail se fera en collaboration avec le réseau Miramap, membre français du réseau Urgenci. Nous nous appuyons également sur les savoir-faire développés depuis de longues années par le réseau nord-américain Local Catch, qui possède une grande expérience dans le domaine.
- La réalité de la pêche est trop souvent méconnue par le consommateur.
Nous souhaitons aussi travailler avec les organisations de pêcheurs qui le souhaitent, c’est déjà le cas de la Plateforme de la petite pêche artisanale française, qui a manifesté son intérêt pour le projet depuis le départ. Nous pensons en effet qu’il est nécessaire pour les pêcheurs de s’organiser et de se fédérer afin de défendre leur métier dans toute sa diversité. Nous travaillons avec tous types de métiers vers plus de durabilité, car nous considérons le système pêche comme complexe, ce qui nécessite aussi une diversité des modes de représentation.
En ce qui concerne la vente directe, les contextes locaux sont extrêmement variables, et nous comptons nous investir aux côtés de la profession pour qu’il ne soit interdit à aucun pêcheur de valoriser son poisson en direct auprès des consommateurs.
C’est pourquoi nous avons pour objectif de mettre la pêche locale au centre du débat à l’occasion des élections municipales. En effet, les élus municipaux ont peu d’influence sur la gestion des pêches, décidée au niveau européen, mais ils peuvent soutenir les pêcheurs et les citoyens dans la mise en place de circuits courts au niveau local.
Nous publierons bientôt une liste d’engagements pour la pêche locale, et nous inviterons les citoyens à exercer une pression sur les listes électorales pour que ces engagements fassent parti du débat de la campagne.
Gardons un œil sur tous les phénomènes susceptibles d’impacter les écosystèmes marins
Nous continuerons à nous mobiliser de manière très forte sur le terrain, en organisant des évènements permettant aux consommateurs et aux pêcheurs de se rencontrer. Nous continuerons aussi à embarquer pour documenter au plus près les méthodes de pêche et le mode de vie des pêcheurs, afin de sensibiliser au mieux les citoyens aux problématiques du système pêche, dans leur complexité et leur diversité.
Nous serons aussi vigilants quant aux conséquences de tous les projets de développement qui sont susceptibles d’affecter les écosystèmes littoraux : éolien en mer, agrandissement de ports industriels, construction de marinas. Car il ne serait pas cohérent d’encourager les consommateurs et les pêcheurs à travailler ensemble pour plus de durabilité sans garder un œil critique sur tous les autres phénomènes susceptibles d’endommager les écosystèmes marins : bétonnage, érosion, pollution et changement climatique participent grandement à la baisse des ressources exploitées par les pêcheurs. Une pêche équitable passe aussi par un travail citoyen sur toutes ces problématiques. En particulier, les conséquences de l’agriculture intensive sur la pêche doivent également rentrer dans une stratégie de plaidoyer en collaboration avec les organisations paysannes, pour que les circuits courts de la filière agricole incluent les problématiques de la filière pêche.
Enfin, il est important de rappeler que nous travaillons avec tous les acteurs de la filière et que notre objectif n’est pas de court-circuiter la criée, les mareyeurs et les poissonniers, qui sont aussi de grands pourvoyeurs d’emploi, un emploi en mer représentant souvent quatre emplois à terre. La vente directe n’a jamais posé de problème dans la filière agricole, et en aucun cas la proportion de poisson valorisée en direct par les pêcheurs ne va concurrencer les autres acteurs de la filière. Nous souhaitons simplement permettre au pêcheur de diversifier ses méthodes de valorisation.
Ainsi, nous avons d’autres projets comme le développement d’une application qui permette au pêcheur d’être en contact direct avec le consommateur, ou encore la mise en place d’un approvisionnement en poisson local dans les cantines publiques des écoles du littoral.
Nous invitons tous ceux qui souhaitent s’investir pour des systèmes alimentaires sains et une pêche équitable à nous rejoindre pour développer une pêche soutenue par les communautés !
Les signataires de la tribune
- Association Pleine mer
- Plateforme de la petite pêche artisanale française
- Réseau Urgenci