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ReportageMégabassines

Rivière à sec, plantes toxiques et gendarmes à gogo : balade au pays des mégabassines

Près de 200 militants ont participé à une balade militante, le 9 septembre, près des mégabassines des Deux-Sèvres. Sous surveillance des gendarmes, ils ont observé les effets de ces réserves d’eau sur la rivière.

Marais poitevin (Deux-Sèvres), reportage

« Pas de bassine à Priaires ; on est joyeux, on est déter’ et on mettra leurs grilles par terre ! » Le chant militant résonne auprès de la bassine nouvellement en chantier à Priaires (Deux-Sèvres), samedi 9 septembre en fin de matinée. Au lendemain du procès inachevé à l’encontre de neuf prévenus dans le cadre des manifestations à Sainte-Soline contre les mégabassines, en octobre 2022 et mars 2023, le rendez-vous était donné à 10 heures à Prissé-la-Charrière, à 15 km au sud de Niort, pour une balade dans le marais poitevin.

Les quelque 200 manifestants, selon le collectif Bassines non merci, se sont d’abord dirigés vers la bassine de Priaires, dont le chantier a démarré deux semaines plus tôt, alors que le Convoi de l’eau venait d’arriver à Orléans pour demander un moratoire sur les projets de bassines.

La bassine de Priaires, en cours de construction, est fortement protégée par les gendarmes. © Pierre-Yves Lerayer / Reporterre

Un début de chantier vécu comme « un affront » par les militants, qui ont ce week-end pu constater l’avancée des travaux en seulement quinze jours. « Ils ont passé la vitesse supérieure, remarque derrière son mégaphone Jean-Jacques Guillet, ancien maire d’Amuré (Deux-Sèvres) et un des porte-parole de Bassines non merci. Le passage en force et bel et bien là. » À quelques mètres, attroupées derrière l’entrée grillagée de la bassine, les gendarmes scrutent la file de militants depuis les engins de chantier.

Barrières mises à terre

Loin d’être impressionnée, la file s’est élancée dans un tour d’observation du chantier. Le cortège a avancé dans un vrombissement, en faisant glisser des pierres ou des bâtons contre le grillage. Plusieurs grilles ont été mises à terre par les militants, « annonciatrices des mobilisations à venir si le chantier devait se maintenir », a indiqué Bassines non merci dans un communiqué. Des « dégradations » condamnées par la préfecture des Deux-Sèvres ou la Coop de l’eau.

Les manifestants ont mis à terre quelques grilles qui protégeaient l’accès à la bassine de Priaires. © Pierre-Yves Lerayer / Reporterre

Sans s’introduire sur le chantier, les militants ont tout de même pu observer les premières traces d’atteintes écologiques. Outre le peu de biodiversité, la présence de datura, une plante toxique, « révèle la piètre qualité des sols et leur contamination », explique le collectif.

Une seconde étape de ce « bassine tour » a mené le cortège vers la bassine de Mauzé-sur-le-Mignon, déjà visitée en septembre 2021 alors que le chantier était encore en cours. Sur place, des protections d’ampleur ont été érigées pour défendre le site : trois rangées de barrières et de barbelés acérés, sans compter les gendarmes déployés pour l’occasion auprès de leurs véhicules d’intervention. « C’est ridicule, souffle Agnès, depuis son véhicule. C’est le seul mot qui vient quand on voit ça. »

Sur le site, un compteur d’eau installé près du chantier a été « saccagé », a dénoncé la préfecture dans son communiqué.

La bassine de Priaires, en cours de construction, est lourdement protégée par les gendarmes. © Pierre-Yves Lerayer / Reporterre

« On est en train d’organiser le désert »

La dernière étape du cortège s’est tenue sur le pont de la Marquise, qui traverse le Mignon, cours d’eau fortement atteint par les effets des mégabassines locales et totalement à sec. « Il y a cinquante ans, on venait se baigner ici », se souvient Jean-Jacques Guillet. Un constat qui n’est pas près de s’arranger et auquel la bassine de Priaires, notamment, devrait pleinement participer. « Avec un forage de 30 ou 40 mètres de profondeur, ça va vider la rivière par en dessous », explique l’ancien élu.

Mignon, entièrement à sec, a laissé place à une végétation dans le lit du cours d’eau. © Pierre-Yves Lerayer / Reporterre

Avec un assèchement de la nappe phréatique et par conséquent des cours d’eau, l’hydratation par capillarité des plantes en surface devient elle aussi compromise, participant alors à l’assèchement superficiel des sols. « On est en train d’organiser le désert », scande Jean-Jacques Guillet. D’ailleurs, « les arbres plantés il y a vingt ans souffrent déjà et les haies disparaissent de plus en plus ».

Pour celui qui a grandi dans les quelques kilomètres à la ronde, le calcul ne semble pas compliqué pour évoquer « une ambition démesurée » : avec 5 bassines dans les Deux-Sèvres et 8 en Charente-Maritime, « cette rivière du Mignon a treize bassines sur le dos. C’est même pas réaliste ».

D’ici là, les militants l’ont promis : ils feront le moratoire de leur propre initiative. Comme un premier pas vers cette promesse, ce « bassine tour » avait en effet un autre objectif tout annoncé : « Repérer la topographie en vue de prochaines mobilisations. »

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