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ReportageOcéans

Route du Rhum : sur son bateau en lin, Roland Jourdain détonne

Double vainqueur de la Route du Rhum, Roland Jourdain questionne son sport depuis plus de dix ans.

Roland Jourdain s’apprête à prendre le départ de la Route du Rhum. Le navigateur fait le pari de la « performance environnementale » plutôt que sportive. Son catamaran écoconçu est composé à 50 % de fibre de lin.

Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), reportage

Roland Jourdain n’est pas un inconnu sur les pontons de Saint-Malo. Celui que tout le monde surnomme « Bilou » va courir la Route du Rhum pour la quatrième fois. Cette course transatlantique reliant la cité malouine à Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe, partira le 6 novembre. Elle a lieu tous les quatre ans. « C’est un peu les Jeux olympiques de la course au large », dit le navigateur. Double vainqueur de la Route du Rhum (2006 et 2010), Roland Jourdain est un compétiteur acharné. Néanmoins, le skipper a pris peu à peu conscience des effets que pouvait avoir ce sport pas si vertueux.

145 000 tonnes d’équivalent CO2 sont rejetées dans l’atmosphère au cours de cet événement. La faute à la logistique, au transport, et à la centaine de bateaux à moteur accompagnant le départ. Pour l’occasion, trente-six bateaux neufs ont été construits avec pour seule ambition la performance. Mais sur les quais de Saint-Malo, collé aux navires de dernières générations, le bateau de « Bilou » détonne. Baptisé We Explore, ce catamaran écoconçu témoigne d’une nouvelle façon de courir les océans. Une aventure sinueuse qui a démarré il y a dix ans.

À travers ce projet, Roland Jourdain souhaite inspirer les chantiers navals à se lancer dans l’écoconception de bateaux. © Martin Viezzer / We Explore

« J’ai décidé de me tourner vers le végétal »

En 2012, pétri de plusieurs années d’expérience en mer, Roland Jourdain a fondé Kaïros Environnement à Concarneau (Finistère). Dédié aux matériaux composites biosourcés, le bureau d’étude élabore des solutions alternatives à la pétrochimie. « Je n’étais plus droit dans mes bottes face à cet océan en dégringolade. Dans ma quête de la vitesse absolue, je me suis demandé ce que je laissais dans mon sillage », confie le marin. L’année suivante, le fonds de dotation Explore a vu le jour. Un incubateur qui soutient des projets d’explorations à impact positif tels que le Nomade des Mers de Corentin de Chatelperron, confectionné grâce au low-tech, Plastic Odyssey, conçu en matières recyclées, ou encore Under The Pole, utilisé par des scientifiques.

Pendant dix ans, Roland Jourdain et ses acolytes se sont entêtés à tester les possibilités de demain. Pour faire bouger les lignes. « En course au large, on a les yeux rivés sur la nature. On jalouse l’aérodynamisme des oiseaux, l’hydrodynamisme des cétacés. J’ai décidé de me tourner vers le végétal », explique-t-il. Il a alors remplacé le plastique et la fibre de verre, habituellement utilisés sur les bateaux de course, par la fibre de lin.

Roland Jourdain s’est entouré de la coopérative normande Terre de lin, producteur et partenaire du projet. © PuraVida Images

La France est le premier producteur de lin au monde. Mais 90 % de sa production est exportée en Chine avant de revenir vers l’Europe sous forme de vêtements. « On est assis sur un champ de lin », lance avec un large sourire le navigateur. Et pour cause, We Explore est composé à 50 % de fibre de lin. Le pont, de 18 mètres sur 9, est la plus grande pièce jamais réalisée en cette matière. La grand-voile et le génois (voile d’avant) sont aussi conçus grâce à cette fibre végétale. En tout, il aura fallu 1 hectare de matière première pour réaliser cet exploit technologique.

Non loin de vouloir arrêter de rêver sur l’eau, Roland Jourdain s’affaire à divulguer sa démarche dans le monde carboné de la course au large. « Il y a encore des mauvaises langues qui disent que je vais couler », regrette-t-il. Ce jour-là pourtant, au large de la cité malouine, We Explore parade avec ses concurrents. Le bateau file à vive allure. « Et si la course de demain était celle du moindre impact ? » De retour en Bretagne, le bateau servira de laboratoire aux explorateurs au service de la planète.

Emprunt d’envies, le skipper transpose dans ce bateau sa thérapie. Celle du sportif de haut niveau narguant la victoire, mais prônant un nouveau chapitre de la course au large : l’association entre technologie et sobriété. « Je veux raconter une nouvelle histoire durant cette Route du Rhum. »

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