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Transports

Scooters, motos : l’abandon du contrôle technique porté en justice

Le gouvernement vient de suspendre le contrôle technique imposé aux deux-roues, qui permettrait de limiter les pollutions sonore et atmosphérique. Une association demande au Conseil d’État de rétablir ce contrôle.

« On veut mettre la pression et voir comment le gouvernement va gérer la suite », explique à Reporterre Tony Renucci, directeur général de Respire. Mardi 31 août, l’association de lutte contre la pollution atmosphérique a déposé deux recours auprès du Conseil d’État suite à la suspension du contrôle technique obligatoire pour les deux-roues motorisés.

Ce contrôle technique devait concerner tous les véhicules motorisés à deux, trois et quatre roues, scooters de 50 centimètres cubes (cm3) et voitures sans permis comprises, pour lutter contre les accidents et la pollution. Le 12 août, le lendemain de la publication du décret instaurant ce rendez-vous bisannuel obligatoire à partir de janvier 2023, le ministre des Transports Jean-Baptiste Djebbari avait annoncé sa suspension jusqu’à nouvel ordre. Une décision d’Emmanuel Macron, qui ne voulait « pas rajouter des contraintes » aux Français déjà malmenés par une interminable crise sanitaire.

Pourtant, ce contrôle technique aurait pu limiter les pollutions sonore et atmosphérique causées par les deux-roues motorisés, déplorent plusieurs associations. « Le grand public l’ignore souvent, mais les deux-roues motorisés polluent énormément proportionnellement à leur taille », indique M. Renucci. Selon une étude pilotée par le Conseil international pour un transport propre (ICCT), menée sur la base de 3 455 mesures réalisées à Paris pendant l’été 2018, les émissions de monoxyde de carbone (CO) des véhicules de catégorie L (principalement les cyclomoteurs, motocycles et tricycles) sont « presque dix fois supérieures aux émissions des voitures diesel ou à essence Euro 6 ». « De même, les émissions de NOx [oxyde d’azote] par unité de carburant consommé sont environ trois fois plus élevées que celles des voitures à essence Euro 6 », indique cette étude. « Le contrôle technique aurait permis d’évacuer les épaves et les véhicules les plus anciens, qui sont les plus polluants et les plus bruyants », regrette Franck-Olivier Torro, porte-parole de l’association Ras le scoot, joint par Reporterre.

Pollution atmosphérique à Paris, en mars 2021. © Joel Saget/AFP

Une décision « dangereuse pour la qualité de l’air et la santé »

Un tel rendez-vous obligatoire aurait aussi permis de mieux repérer les deux-roues débridés [1] ou kités [2]. Ces deux-roues trafiqués sont dangereux — d’après la dernière enquête de la Fédération française de l’assurance (ex-Fédération française des sociétés d’assurance) menée en 2007, un conducteur de deux-roues accidenté sur deux conduisait un véhicule débridé et les dommages corporels progressaient de 30 % avec le débridage — mais également bruyants : d’après une modélisation de Bruitparif publiée en 2017, un deux-roues « rectifié » traversant Paris de nuit peut réveiller 11 000 personnes, contre 350 s’il est doté d’un pot d’échappement homologué. « À cela, les associations de motards répondent que rien n’empêchera les conducteurs de remettre leur système d’échappement d’équerre avant le contrôle technique pour le retrafiquer ensuite, rapporte M. Torro. Mais tout le monde, surtout en ville, n’a pas la place de stocker des lignes d’échappement chez soi ni n’a les compétences pour faire la modification ! »

Pour les associations, la décision de M. Macron est d’autant plus incompréhensible que ce contrôle technique était rendu obligatoire à partir de 2020 par une directive européenne de 2014, visant à limiter les risques d’accident ainsi que la pollution sonore et les émissions de CO2, d’après BFM Business. La France, un des rares pays européens à ne pas l’avoir encore transcrite dans le droit national, avait déjà bénéficié d’un report de deux ans. « Cette décision du président de la République est dangereuse pour la qualité de l’air et la santé, s’insurge M. Renucci. Elle est arbitraire, un véritable fait du prince, et nous met un peu plus en retard par rapport aux autres pays européens, alors que la France est déjà condamnée à payer une astreinte de 10 millions d’euros pour non-respect des normes sur la qualité de l’air. »

Cette décision intervient également dans un contexte où la prise de conscience des nuisances causées par les deux-roues, notamment en ville, progresse lentement. Cet automne, grâce à un amendement adopté dans le cadre de la loi d’orientation des mobilités, des radars antibruit spécialisés dans les deux-roues seront installés dans huit villes, parmi lesquelles Paris, Nice et Toulouse. À terme, les véhicules les plus bruyants pourront être sanctionnés. Début 2022, Paris rejoindra aussi la (courte) liste des communes ayant rendu le stationnement payant pour les deux-roues thermiques, après Vincennes et Charenton-le-Pont. Montreuil, Lyon et Bordeaux pourraient lui emboîter le pas.

« Des discussions entre le ministre des Transports et les associations de motards sont prévues en septembre. Nous sommes prêts à y participer et à accompagner les usagers dans la mise en place de ces contrôles », conclut M. Renucci.

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