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27 novembre 2017 / Éric Besatti (Reporterre)L’Europe doit ce lundi 27 novembre discuter de nouveau de l’interdiction du glyphosate. Cet herbidicide est efficace, mais nocif. Certains agriculteurs ont déjà changé de manière de penser et les moyens de se passer de ce pesticide existent.
« Il n’existe pas d’alternative sur le marché, aucun produit ne présente les mêmes propriétés », affirme Jean-Paul Bordes, directeur recherche et développement chez Arvalis, un institut de recherche agricole. Le glyphosate, herbicide total, a la particularité de tuer tous les types de végétaux et de nettoyer intégralement un terrain. Il est utilisé pour se débarrasser des herbes non désirées et laisser toute la place à la pousse des graines semées. Du côté de la chimie, il n’a pas d’équivalent. Pour remplir son rôle, « il va falloir remettre la charrue », estime Jean-Paul Bordes pour évoquer le désherbage mécanique. Comment peut-on se passer du glyphosate ? Exemples avec deux exploitations de grandes cultures, la pratique qui représente les deux tiers de la surface agricole française, et par une présentation des techniques alternatives.
Aujourd’hui, « avant de semer, on passe du glyphosate pour tout remettre à zéro », explique Jacques Commère, responsable grandes cultures à la Coordination rurale. Pour remplacer le glyphosate dans son rôle de nettoyeur de terres, l’agriculteur gersois pense qu’il faudra « plusieurs produits différents et augmenter les doses ». Néanmoins, l’agriculteur souhaite utiliser le moins possible de ces produits, « qui coûtent un bras ». La qualité d’un agriculteur, « c’est d’être attentif et de reconnaître les mauvaises herbes très tôt quand elles poussent et utiliser le bon produit. Traiter de façon précoce nécessite des doses moins importantes ». Donc, plus de chimie, ou plus de travail mécanique de la terre. Sauf que labourer les terres fragilise la fertilité. Et puis, la retourner n’est pas possible toute l’année : « L’été, c’est impossible, le labour sèche trop les terres et fait perdre du potentiel de pousse des semis. »
Pour les mêmes types de culture (céréales, oléagineux, protéagineux), Guillaume Riou n’utilise plus d’herbicides depuis plus de 10 ans. Le secrétaire national chargé des questions de grandes cultures à la Fédération nationale de l’agriculture biologique prévient « qu’il s’agit d’une autre manière de penser ». L’agriculteur allonge les cycles de rotation des cultures. Quand le conventionnel conçoit des cycles biennal ou triennal, lui n’hésite pas à monter jusqu’à des cycles de 8, 10 ou 12 ans. « Les mauvaises herbes du maïs ne sont pas celles du blé », explique-t-il. On va par exemple utiliser une rotation de ce type : « Trois ans de luzerne, un de blé de printemps, un tournesol, une lentille, un féverole, une orge d’hiver et au printemps on plante des trèfles pour deux ans ou de la luzerne et ainsi de suite ». Cette méthode permet d’affaiblir les populations d’herbes non désirées. Exemple : « La luzerne permet de se débarrasser des plantes vivaces comme les chardons. C’est parfait pour préparer à la culture du blé. »
« L’approche agronomique utilise les propriétés des plantes, du sol. C’est une approche à caractère préventive », décrit Guillaume Riou. La lutte mécanique contre les mauvaises herbes est utilisée « en dernier recours ». Et, là encore, il a fallu adapter sa pratique pour se passer des méthodes chimiques. Pour faciliter le binage, qui permet d’enlever les mauvaises herbes entre les rangs de blé, il sème ses graines à 25 cm les unes des autres, contre 15 cm pour les exploitations conventionnelles.
Pour oublier l’époque du glyphosate et passer à une culture sans herbicide chimique, « il faut mettre en place des moyens qui auront une efficacité partielle. Et mis bout à bout, ils peuvent avoir un effet suffisant pour contrôler les herbes », résume François Veillerette, directeur de Générations futures et président de l’ONG internationale Pesticide Action Network (PAN). « Il faut changer sa façon de penser. Il ne s’agira pas de détruire les herbes et d’éviter toute repousse, mais de contrôler. » Le PAN a présenté au Parlement européen une étude sur les méthodes alternatives à l’usage du glyphosate. « Montrer qu’il y a des professionnels qui font sans, en bio, pas en bio, et que le glyphosate n’est pas l’alpha et l’oméga de l’agriculture, qu’on peut travailler différemment : il faut montrer les alternatives pour convaincre les États et réduire la durée de son homologation. »
Et les techniques de limitation de la pousse des mauvaises herbes ne manquent pas :
Les techniques suivantes sont appropriées au maraîchage ou à des cultures sur petites surfaces :
Regarder le film (environ 13 minutes) « Un futur sans herbicide, des solutions en Europe », du groupe des Verts/Alliance libre européenne du Parlement européen
Source : Éric Besatti pour Reporterre
Photos :
. chapô : un champ de blé. PxHere (CC0)
. sorgho fourrager : Wikimedia (INRA DIST/CC BY 2.0)