Soumis à la vague de chaleur, le Canada s’accroche au pétrole

Incendie de 200 ha au sud-ouest du lac Deka, en Colombie-Britannique, le 2 juillet 2021. - BC Wildfire Service, sur Twitter @BCGovFireInfo
Incendie de 200 ha au sud-ouest du lac Deka, en Colombie-Britannique, le 2 juillet 2021. - BC Wildfire Service, sur Twitter @BCGovFireInfo
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Climat MondeLa vague de chaleur qui inonde le Canada depuis plus d’une semaine a causé des centaines de morts. La Colombie-Britannique pointe comme seul coupable le réchauffement climatique. Mais n’évoque pas la dépendance du pays au pétrole et au gaz.
Montréal (Canada), correspondance
« Les morts font partie de la vie. » Interrogé sur les décès qui se multipliaient en raison de la canicule, le premier ministre de la Colombie-Britannique, John Horgan, avait lâché ces mots, cliniques, et immédiatement fort critiqués. Comme si la vague de chaleur meurtrière était une simple entorse au quotidien, une exception banale. Depuis, le service du coroner de Colombie-Britannique a enregistré 719 morts subites en une semaine, soit le triple du chiffre moyen dans la province. Et comme la chaleur se déplace, des évacuations préventives, comme dans une mine d’uranium en Saskatchewan, sont lancées. 184 feux étaient toujours actifs dimanche 4 juillet en Colombie-Britannique, selon le tableau de bord du service des incendies de la province.
Les critiques fusent sur le manque de préparation des autorités face à de telles températures. Franck Tuot, ingénieur forestier sur l’île de Vancouver, estime que les Britanno-Colombiens, peu habitués aux canicules, ont été pris au dépourvu : « Je croisais des gens qui ne se couvrent même pas la tête, qui s’hydratent peu. La crise a été gérée à la va-vite. » Le ministère de la sécurité publique de la Colombie-Britannique a admis « des trous dans le protocole », notamment après avoir essuyé les critiques de chefs des Premières Nations. Ils avaient jeté la pierre au gouvernement pour son manque de communication envers leurs populations au début de la vague.
« La grande leçon que l’on aura apprise ces derniers jours, c’est que la crise climatique, ce n’est pas de la fiction », a lancé John Hogan, jeudi. Mais alors que la science confirme que l’effet de serre amplifie ces vagues de chaleur et qu’elles seront plus fréquentes, la leçon est-elle vraiment intégrée ? Que fait réellement le Canada pour limiter ses émissions de gaz à effet de serre (GES) ?
Les énergies fossiles représentent toujours la grosse part du mix
Le Canada s’est engagé à devenir carboneutre d’ici 2050. En attendant, il est un des plus grands émetteurs de gaz à effet de serre (15,5 tonnes de CO2 par habitant en 2018), derrière les Émirats arabes unis, mais devant les États-Unis. Pressé d’annoncer une cible ambitieuse de réduction des émissions lors du dernier sommet pour le climat d’avril, Justin Trudeau a engagé son pays à réduire de 40 à 45 % d’ici 2030 ses émissions de gaz à effet de serre, par rapport à 2005.
Pour autant, la transition vers des énergies décarbonées reste hors de vue. Les secteurs gazier et pétrolier, dopé par la croissance des sables bitumineux, se disputent la part du lion dans le mix énergétique du pays. Et ils pèsent pour plus d’un quart des émissions de GES canadiennes.
C’est d’ailleurs ce que déplorait Greenpeace Canada après l’annonce printanière du Premier ministre. « Il devrait adopter une cible de réduction des émissions d’au moins 60 % d’ici 2030 par rapport à 2005 en plus de planifier une sortie des combustibles fossiles et cesser immédiatement de les subventionner. Le Canada reste sous l’influence de l’industrie pétrolière et gazière. » Alois Gallet, fondateur d’Éconova à Vancouver, y voit un problème récurrent : « Au Canada, on entend toujours qu’on cherche des solutions qui satisfont l’économie et l’environnement. Mais en définitive, ce sont toujours les emplois qui gagnent. »
Les cibles de réduction seront impossibles à atteindre si la trajectoire canadienne se maintient. Dans le dernier bilan d’Ottawa, les émissions de GES ont augmenté entre 2018 et 2019.